Après LA SECTE DES CANNIBALES (titre vidéo), Umberto Lenzi persévère dans le gore avec L'AVION DE L'APOCALYPSE, un film de morts-vivants marchant sur les plates-bandes de ZOMBIE et L'ENFER DES ZOMBIES. Puis, il renoue avec les producteurs de LA SECTE DES CANNIBALES, Mino Loy et Luciano Martino, pour un nouveau film d'anthropophages. Le schéma narratif de leur collaboration précédente, à savoir un récit faisant des allers-retours entre New-York et la jungle sauvage, est repris. Les extérieurs exotiques de CANNIBAL FEROX sont tournés dans la jungle amazonienne, plus précisément en Colombie, tandis que certaines scènes sont filmées à New York même. Enfin, les intérieurs sont enregistrés dans des studios romains. Pour les rôles principaux, Lenzi recrute Giovanni Lambardo Radice et Lorraine de Selle, qui venaient de jouer dans le violent LA MAISON AU FOND DU PARC (titre vidéo) de Ruggero Deodato. A leurs côtés, on trouve Danilo Mattei (LA GUERRE DU FER, toujours de Lenzi), ainsi que Robert Kerman, ex-héros de LA SECTE DES CANNIBALES et CANNIBAL HOLOCAUST, qui incarne ici un inspecteur de police.
Gloria, une étudiante américaine, veut prouver que le cannibalisme n'est qu'un mythe, inventé par les conquistadors, destiné à faire passer les Amérindiens pour de dangereux sauvages et justifier ainsi leur extermination massive. Afin d'étayer son propos, elle se rend en Amérique du sud, en pleine jungle amazonienne, pour étudier une peuplade réputée, à tort selon elle, se nourrir de chair humaine. Pour l'aider dans son expédition, elle voyage en compagnie de son frère Rudy et de son amie Pat. Au cours de leur périple, ils rencontrent Mike, un trafiquant de drogue qui s'est réfugié dans cette région sauvage après avoir escroqué un gros bonnet de la pègre new-yorkaise. Il affirme avoir été attaqué par une bande d'indiens cannibales et sadiques...
La vérité est toute autre. Cocaïnomane détraqué, Mike est en fait à la recherche d'un gisement d'émeraudes. Rendu fou par la drogue et la convoitise, il a torturé et terrorisé des indigènes en vue de leur soutirer des informations à ce sujet. On retrouve donc, dans CANNIBAL FEROX, un motif récurent des films d'aventures hollywoodiens du style Tarzan (LE TRIOMPHE DE TARZAN) ou Jim-la-Jungle (VALLEY OF THE HEAD HUNTERS...) : une peuplade est martyrisée et exploitée par des méchants blancs venus la spolier des richesses naturelles de son territoire (pierres précieuse, ivoires...). Toutefois, dans CANNIBAL FEROX, les indigènes ne se font pas aider par des blancs pour se protéger et se venger. Ils prennent eux-mêmes la situation en main et règlent leurs comptes selon leur propres traditions guerrières. Or, celles-ci impliquent la consommation de certains des organes de l'ennemi vaincu... Cette vision de l'anthropophagie diffère donc de celle véhiculée par LE DERNIER MONDE CANNIBALE ou LA SECTE DES CANNIBALES, dans lesquels des tribus consommaient la chair humaine comme ils mangeraient n'importe quelle viande, juste pour se nourrir. En décrivant le cannibalisme comme une tradition liée aux combats et aux rivalités tribales, CANNIBAL FEROX renvoie à une réalité anthropologique plus exacte, cette pratique guerrière étant avérées chez certaines peuplades amérindiennes.
Reprenant l'idée de la violence engendrant la violence (déjà employée, peu auparavant, dans CANNIBAL HOLOCAUST), CANNIBAL FEROX peut se prévaloir d'une réalisation relativement soignée. Déjà, contrairement à LA SECTE DES CANNIBALES, on ne trouve pas des séquences entières reprises dans d'autres longs métrages ! Ainsi, toutes les scènes gore mettant en scène des acteurs ont été tournées pour l'occasion, et non pas repiquées des oeuvres du même style. Certains plans d'animaux semblent clairement être des stock-shots, mais cela reste dans des proportions raisonnables. Certes, un certain fond de machisme se fait encore sentir (le personnage de Pat, la blonde sulfureuse, est un beau ramassis de clichés) et des séquences de cruauté animale, non simulées et totalement gratuites, donnent un arrière-goût antipathique à ce film.
Néanmoins, CANNIBAL FEROX semble beaucoup plus rigoureux et mieux fait que LA SECTE DES CANNIBALES. Bénéficiant d'un scénario à peu près construit, d'interprètes très corrects (Radice est déchaîné !), il se suit donc sans trop d'ennui. Toutefois, quelques bavardages donnent une impression de remplissage, particulièrement dans la première partie, avant la vengeance des indiens. De même, les séquences new-yorkaises semblent ralentir l'action sans être vraiment très utiles.
CANNIBAL FEROX contient son lot de sévices très sanglants, dont certains sont devenus célèbres, comme une castration en gros plan ou la pendaison d'une femme à l'aide de crochets enfoncés dans les seins (supplice sans doute inspiré par le western UN HOMME NOMMÉ CHEVAL). Pourtant, et contrairement à ce que sa réputation pourrait laisser croire, ce film n'est pas, dans ce domaine, si impressionnant. Même s'il est dans la bonne moyenne du cinéma gore italien, Lenzi n'arrive pas au degré de cruauté que pouvaient atteindre, à cette époque, Fulci ou Deodato. Il semble même s'être assagi depuis son très excessif LA SECTE DES CANNIBALES !
Ce film décevra donc peut-être un peu les spectateurs avides de sensations fortes. Par contre, il est nettement mieux construit et, il faut bien le dire, un peu moins consternant que la précédente oeuvre cannibalesque de Lenzi. CANNIBAL FEROX se suit agréablement et mérite largement le coup d'œil.
Sorti dans les salles françaises une semaine avant L'AVION DE L'APOCALYPSE, ce film a d'abord été publié en Laserdisc américain, chez Grindhouse, dans une édition collector devenue mythique. Outre de nombreux bonus, elle incluait... un sac à vomi (hérité de la distribution dans les salles américaines) ! Ce long métrage a ensuite connu plusieurs éditions en DVD, parmi lesquelles cette édition autrichienne (multizone, NTSC) publiée par Sazuma.
CANNIBAL FEROX est proposé dans un format 1.77, en principe en 16/9. Toutefois, dans l'exemplaire testé ici, l'image est proposée dans un "faux 16/9", c'est à dire que l'image apparaît déformée, remplissant un écran 4/3 traditionnel. Il faut donc régler "de force" sa télévision en 16/9 (si cela est possible...) pour obtenir une image au format correct. Ce défaut n'a touché que les premiers exemplaires pressés, Sazuma s'étant empressé de distribuer ensuite des DVD corrects de CANNIBAL FEROX avec une véritable option 16/9. Les exemplaires récents fonctionnent donc sans problème, mais gare à ceux qui circulent sur le marché de l'occasion...
Si on se base sur un DVD "défectueux", on constate que le télécinéma a été effectué à partir d'une copie (uncut) en assez bon état, même si elle trahit par moments quelques rayures et saletés. Plus gênant, les couleurs bavent légèrement, la définition est passable, et une importante granulation est très souvent perceptible. Les scènes sombres révèlent une compression fourmillante et des contrastes manquant de franchise. Le résultat est néanmoins convenable, même s'il laisse de la marge pour des améliorations.
La bande-son est proposée en anglais seulement, en mono. Chose assez exceptionnelle pour un film italien de cette époque : le doublage anglophone est plutôt réussi ! Ainsi, on ne constate pas d'accent prononcé, d'intonations fausses ou d'élocution languide. La piste mono est sobre, et, à part quelques craquements, très agréable à écouter. Néanmoins, peut-être manque-t-elle un peu de puissance et de dynamique...
On trouve aussi plusieurs sous-titrages, parmi lesquels un en anglais et un en allemand (mais pas de français). Toutefois, sur le téléviseur utilisée pour ce test, les sous-titres ont l'inconvénient de modifier la luminosité de l'image à chaque fois qu'ils apparaissent, ce qui s'avère rapidement irritant. Un autre petit reproche : CANNIBAL FEROX étant d'origine italienne, tout comme la plupart de ses acteurs, on aurait aussi aimé trouver une piste sonore italophone...
Trois bandes-annonces du film sont offertes en bonus : une allemande, une anglophone (américaine) et encore une autre anglophone (italienne, selon le menu...). On peut encore consulter une bande-annonce anglophone de TENEBRES, lui-aussi édité par Sazuma.
Le boîtier comprend, en plus, un livret illustré de 16 pages, incluant quelques informations sur Lenzi, ainsi que sa filmographie.
Cette édition est somme toute convenable. Mais elle est toutefois en concurrence avec le DVD américain, proposé par Image, qui offre plus de bonus, repris du Laserdisc ou inédits, parmi lesquels un commentaire audio d'Umberto Lenzi et Giovanni Lambardo Radice. Par contre, ce DVD américain ne fonctionne qu'en zone 1, et ne propose qu'un transfert 1.85 en 4/3. Enfin, un DVD français devrait sortir d'ici peu...