Au début des années 1940, la carrière de Bela Lugosi prend un tour mitigé. Certes, en 1939, le succès du FILS DE FRANKENSTEIN, dans lequel il incarne un mémorable Ygor, met fin à sa traversée du désert entamée en 1936. Néanmoins, contrairement à Boris Karloff dont le nom reste bien mis en valeur dans les génériques, les grands studios le confinent, de plus en plus, dans des rôles secondaires. Ainsi, dans le VENDREDI 13 de Universal, il se contente d'un petit rôle de gangster, tandis que, dans LE LOUP-GAROU, les premiers rangs reviennent à Claude Rains et Lon Chaney Jr. Lugosi devient au mieux un second couteau de prestige, au pire un objet de raillerie.
En fait, seules les petites compagnies spécialisées dans les série B offrent au grand Bela des apparitions de premier plan. Le comédien devient ainsi un pilier des productions horrifiques de la Monogram qui, depuis THE APE de 1940, se spécialise dans ce domaine. Pour elle, Lugosi joue le docteur Orloff dans THE HUMAN MONSTER. Puis, il est la vedette de INVISIBLE GHOST, SPOOKS RUN WILD et, enfin, THE CORPSE VANISHES. Celui-ci est réalisé par Wallace Fox, metteur en scène qui, après avoir aligné une longue liste de westerns, s'oriente ici vers l'épouvante. Aux côtés de Bela Lugosi, l'amateur à l'oeil exercé pourra reconnaître quelques habitués du fantastique. Ainsi, le nain complice du Dr. Lorenz est incarné par Angelo Rossitto, comédien de petite taille apparu dans de nombreuses oeuvres bizarres (LA MONSTRUEUSE PARADE, MAD MAX III…) et surtout dans des films de "Fantasy" (L'EPEE ENCHANTEE de Bert I. Gordon, LES AMOURS ENCHANTES de George Pal…). De même, Elizabeth Russell, qui interprète la comtesse Lorenz, fut l'étrange femme slave qui trouble Simone Simon dans le classique LA FELINE.
Panique dans la ville ! Une incroyable série de faits divers sème la terreur parmi les jeunes femmes et leur entourage ! Lors de plusieurs mariages, les mariées s'effondrent mortes devant l'autel, juste au moment de prononcer leur consentement. Encore plus macabre : les corps de ces pauvres victimes disparaissent mystérieusement peu après les décès. Patricia Hunter, une journaliste intrépide, décide de débusquer le voleur des cadavres des mariées…
Série B oblige, THE CORPSE VANISHES n'a pas pour vocation de créer de nouvelles mythologies fantastiques. Il s'agit ici de jouer sur des succès obtenus auparavant par des firmes plus ambitieuses. Le tueur de jeunes mariées, le Dr. Lorenz, utilise les fluides vitaux de ses victimes pour en faire un sérum rendant temporairement la jeunesse à son épouse. Nous retrouvons là l'argument, assez classique au début de cette décennie, du savant fou prélevant sur des victimes les produits nécessaires à l'élaboration d'un sérum guérisseur (BEFORE I HANG, THE APE…). THE CORPSE VANISHES joue aussi sur l'image de sa vedette, Bela Lugosi, et incorpore ainsi quelques macabres éléments vampiriques. La façon dont Lorenz prélève les fluides vitaux sur les jeunes femmes lui donne l'allure d'un de ces buveurs de sang et, surtout, sans réelle raison pratique, lui et sa femme dorment, la nuit, dans des cercueils !
Ce dernier détail hautement surréaliste se trouve en général recensé parmi les griefs émis contre THE CORPSE VANISHES. Pourtant, il apporte une touche de bizarrerie et de macabre des plus séduisantes pour l'amateur d'insolite. De même, le modus operandi délirant du professeur Lorenz participe de cette atmosphère délirante, tout comme l'entourage haut en couleurs du savant. Celui-ci est en effet aidé par un nain grimaçant, un géant doucement nécrophile et la mère de ce dernier, une veille femme à la mine hallucinée ! Enfin, l'interprétation tient globalement le coup, particulièrement grâce à Bela Lugosi, toujours aussi mystérieux, toujours aussi intrigant…
Malheureusement, cette liste de qualités se voit contrebalancée par de sérieux défauts. D'abord, la mise en scène s'avère d'une absolue mollesse, la caméra restant désespérément fixe ou n'osant que de très timides panoramiques. Surtout, le scénario lui-même manque de substance. Les séquences paraissent se répéter, l'intrigue se traîne désespérément, tant et si bien que la petite heure de métrage de THE CORPSE VANISHES paraît bien longue au spectateur.
Voilà donc une petite série B sans prétention, qui séduit autant par son atmosphère étrange et funeste qu'elle déçoit par son manque de nerfs. Par la suite, Bela Lugosi retourne au studio Universal pour retrouver le rôle d'Ygor dans un nouveau film de la saga Frankenstein : LE SPECTRE DE FRANKENSTEIN.
THE CORPSE VANISHES était inédit en France, bien qu'il ait été montré en Belgique sous un titre francophone : CORPS DISPARUS. Il vient d'être publié par Aventi, dans sa collection dédiée à Bela Lugosi. Il est ainsi proposé dans son "Volume 2" qui réunit deux productions Monogram réalisées par Wallace Fox : THE CORPSE VANISHES et BOWERY AT MIDNIGHT, disposées sur un seul disque double-couche.
THE CORPSE VANISHES est proposé avec une image en noir et blanc à la qualité un peu décevante. Certains passages paraissent excessivement sombres, la définition est faible, pour ne pas dire insuffisante dans les séquences les plus animées. Les quelques petites saletés repérées ici ou là sur cette copie plutôt propre paraissent alors un moindre mal au vu de ces défauts. Certes, ce film est un classique des éditeurs américains spécialisés dans les titres "libres de droit", et son potentiel commercial en France n'a rien de transcendant. Mais bon, le résultat déçoit tout de même un peu.
Plus grave, la bande-son (uniquement disponible en version originale mono d'origine, codée sur deux canaux) souffre de distorsions et d'échos très gênants. Sans les sous-titres, les dialogues seraient difficilement compréhensibles, même pour des anglophones. Le sous-titrage français, lui, est satisfaisant, mais il est incorporé au signal vidéo et n'est donc pas amovible.
Enfin, aucun supplément dédié au film lui-même n'est disponible. Toutefois, les éditions anglo-saxonnes concoctées par des éditeurs plus ou moins sérieux (Roan pour les "plus", Alpha pour les "moins") se contentent elles aussi d'interactivités réduites et de copies économiques.