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Critique du film
SPERMAGEDDON 2024

 

Simonce est un spermatozoïde en décalage avec ses congénères. Ils se préparent tous pour le grand jour, le moment où un seul d’entre eux atteindra la consécration ! Le sujet de SPERMAGEDDON n’est pas banal dans le domaine du dessin animé, un cinéma généralement très policé. Tommy Wirkola ne s’est pas arrêté là…

Mais revenons au tout début du cinéma… Les dessins animés n’étaient pas vraiment confectionnés à destination des enfants. C’était même un peu le contraire puisque ces courts-métrages proposaient sans complexe des références à l’alcool, à la politique et au sexe. A ce moment-là, même Disney ne s’était pas encore positionné sur le registre du divertissement enfantin. En 1934, la mise en place du Code Hays aux Etats-Unis impose un minimum de morale au cinéma. Dès lors, la plus connue des héroïnes de dessins animés, Betty Boop devient moins sexy et perd ses allusions sexuelles. Les Looney Tunes de Warner Bros s’orientent vers l’absurde. Il en va de même pour la majorité de la production américaine qui met la pédale douce sur la violence et le sexe. Dans les autres pays, l’animation était aussi à destination du public des cinémas donc pas réellement pour les enfants. Avec l’arrivée de la censure américaine, Disney s’oriente vers des spectacles pour enfants. En URSS, Soyuzmultfilm va prendre aussi cette direction au milieu des années 30. Au fil des ans, les dessins animés vont finir par être synonymes de spectacles pour enfants. L’arrivée de la télévision ancrera encore plus cette idée dans la tête du grand public.

Mais il y a tout de même des exceptions notables. Ainsi, on peut noter les films produits par Osamu Tezuka comme LES MILLE ET UNE NUITS (1969) et KUREOPATORA (1970). Sans oublier LA BELLADONE DE LA TRISTESSE que Eiichi Yamamoto met en scène en 1973. A la même période, Ralph Bakshi ouvre une brèche aux Etats-Unis avec FRITZ THE CAT. Le contenu du film, sexe et drogue, lui vaudra la première classification «X» pour un dessin animé. D’autres films tenteront par la suite d’orienter le propos vers du contenu sexuel à l’instar de ONCE UPON A GIRL... de Don Jurwich et Jack Conrad. Ce film de 1976 propose des prises de vues réelles où un personnage narre des contes initialement pour enfants en version pornographiques sous forme de dessins animés. Clairement, d’anciens animateurs venant de chez Disney et des studios Hanna-Barbera se sont lâchés sur ce film. Notons encore METAL HURLANT mais aussi le curieux ROCK & RULE mêlant «science-fiction» et musique rock.  En France, en 1975, Picha propose une variation grivoise du personnage emblématique d’Edgar Rice Burroughs avec TARZOON, LA HONTE DE LA JUNGLE. On pourrait encore creuser pour trouver d’autres films d’animation pour adultes mais ils sont quantité négligeable en comparaison du nombre astronomique de long-métrages produits pour les enfants !

C’est dans ce contexte que Tommy Wirkola propose à plusieurs producteurs américains l’idée d’un dessin animé mettant en scène des spermatozoïdes. Si tout le monde trouve l’idée amusante, on lui fait comprendre qu’un tel film ne se fera pas ! Le cinéaste va alors se tourner vers son pays d’origine, la Norvège. Il entre en contact avec Qvisten Animation qui, comme la plupart des studios d’animation, produit des divertissements à destination des enfants. Le film est coréalisé par Rasmus A. Sivertsen, le pilier de l’animation familiale norvégienne. L’alliance semble contre nature tant les deux cinéastes proposent des spectacles aux antipodes l’un de l’autre ! La collaboration s’avère pourtant fructueuse, Rasmus A. Sivertsen propose même d’ajouter des morceaux musicaux dont certains font partie des moments les plus mémorables du film. La chanson titre est chanté par Christian Rubeck qui incarne l’un des personnages principaux. Le comédien est d’ailleurs un habitué des films de Tommy Wirkola (SEVEN SISTERS, THE TRIP, …). Le réalisateur amène son humour noir, sa violence stylisée et des idées «trash». Rasmus A. Sivertsen emballe le tout avec une expérience de plusieurs dizaines d’années dans la création de films d’animation en image de synthèse. Le résultat est détonant !

Au cinéma, la représentation de spermatozoïdes conscients de leur état est assez rare. On peut noter la séquence d’ouverture de ALLÔ MAMAN, ICI BÉBÉ!. Cette courte scène n’est d’ailleurs pas sans rappeler l’idée principale de SPERMAGEDDON. Mais c’est surtout dans TOUT CE QUE VOUS AVEZ TOUJOURS VOULU SAVOIR SUR LE SEXE de Woody Allen que l’on retrouve des spermatozoïdes pourvus d’états d’âme. Pour avoir une idée du contenu du film de Tommy Wirkola, il faudrait croiser tout cela avec l’humour des BEAVIS AND BUTT-HEAD et de SOUTH PARK. Mais même là, nous serions encore un peu loin du compte car rien n’arrête SPERMAGEDDON ! Même visuellement, le film refuse certains stéréotypes sur les morphologies ou les comportements, par exemple, comme on peut le voir habituellement au cinéma.  Les deux personnages principaux cèdent à leurs hormones avec beaucoup de maladresse. Ils reproduisent avec naïveté l’acte sexuel tel qu’il est exposé sur internet. Le film propose là une sorte de satire de la sexualité vue par les adolescents et jeunes adultes à l’ère du XXIème siècle. Cela engendre des situations très amusantes et, quelque part, plus proches de la réalité (toutes proportions gardées). Même lorsque l’on pense que le film a déjà passé les bornes, Tommy Wirkola nous emmène toujours plus loin, et ce, jusqu’à la fin de SPERMAGEDDON. Certaines idées sont assez surréalistes, à l’instar d’un numéro musical pro-avortement. Complètement hors-normes, SPERMAGEDDON rigole de tout et ose tout en nous offrant un spectacle coloré et hilarant. Mais, parce qu’il est totalement irrévérencieux, ce film ne fera pas rire tout le monde ! Et, pour le coup, il est fortement déconseillé au jeune public…

Rédacteur : Christophe Lemonnier
Photo Christophe Lemonnier
Ancien journaliste professionnel dans le domaine de la presse spécialisée où il a oeuvré durant plus de 15 ans sous le pseudonyme "Arioch", il est cofondateur de DeVilDead, site d'information monté en l’an 2000. Faute de temps, en 2014, il a été obligé de s'éloigner du site pour n'y collaborer, à présent, que de manière très sporadique. Et, incognito, il a signé de nombreuses chroniques sous le pseudonyme de Antoine Rigaud ici-même.
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