En 2077, dans un complexe secret, des expériences génétiques sont réalisées pour obtenir des mutants aux pouvoirs extraordinaires. Une jeune femme altérée par ce processus réussit à s’enfuir avec une puce de haute technologie. Elle devient alors une cible pour plusieurs factions qui poursuivent chacune leur propre but…
Le marché du cinéma en Inde reste le plus gros en ce qui concerne le nombre de spectateurs et de films produits chaque année dans le monde. Mais jusqu’en 2020, d’un point de vue financier, ce sont les Etats-Unis qui rapportaient le plus au niveau mondial. A un moment ou un autre, il était évident que la Chine allait prendre cette place en raison de sa très grande population. C’était inévitable à moyen terme mais la crise du COVID a précipité ce basculement de par la manière dont les confinements ont été gérés dans les états américains (dates, durées…). Il est bon de rappeler que la Chine a une politique très protectionniste en termes de cinéma mais aussi que son énorme vivier de spectateurs n’est pas accessible par l’extérieur. Vous avez Netflix ou Disney+ ? Les Chinois utilisent iQIYI, Youku ou encore Tencent Video. Pour abreuver ces plateformes, il est donc nécessaire de produire des films et séries locaux qui s’alignent sur les règles de la censure chinoise. Depuis une quinzaine d’années, c’est donc un très grand nombre de films et séries qui passent sous le radar en Occident. Le fait qu’ils ne sont pas produits en direction d’un public international freine une éventuelle distribution hors de leurs frontières. Quelques films arrivent toutefois jusqu’à nous, soit par un biais dématérialisé ou soit plus rarement via les salles de cinéma à l’instar du mastodonte CREATION OF THE GODS.
Le «Fantastique» dans tout ça ? La situation s’avère un peu compliquée puisque de nombreux thèmes sont assujettis à des règles imposées par le gouvernement. Hormis le fait de ne pas critiquer la politique du régime, il est de bon ton de ne pas parler de superstitions, d’esprits ou de fantômes. Seules exceptions, le folklore et le patrimoine culturel qui permettent de s’affranchir de cette règle. La science-fiction, quant à elle, se heurte à de surprenantes barrières. Par exemple, il a été clairement demandé de ne pas aborder le sujet des voyages dans le temps car on ne rigole pas avec l’Histoire (surtout celle du régime). C’est dans ce contexte que Beijing Rock Candy Film Co. lance MUTANT GHOST WARGIRL à la fin du mois de septembre 2022 en Chine.
La maison de production de MUTANT GHOST WARGIRL n’est pas une énorme entreprise qui monte des blockbusters pharaoniques. A ce jour, elle produit essentiellement des films à destination des plateformes de streaming en Chine. Heureusement, les avancées technologiques dans le domaine du numérique permettent depuis pas mal de temps de se donner des airs plus fortunés. C’est le cas de MUTANT GHOST WARGIRL qui place son intrigue dans le futur. En 2077, le monde n’est pas exactement celui d’aujourd’hui. Les écrans présents un peu partout, les costumes et même des robots viennent nous rappeler que cela ne se déroule pas de nos jours. Le film s’inscrit dans le registre du «cyberpunk» et marche donc sur les pas de BLADE RUNNER ou encore MATRIX. Aucune ambiguïté, visuellement le film fait écho à ces deux références cinématographiques. D’un point de vue thématique, l’intrigue assez touffue lorgne plutôt vers l’approche philosophique du film de Ridley Scott. Et pourtant, il opère un méchant grand écart avec des séquences d’action très présentes et lorgnant vers MATRIX, voire vers des films de super-héros Marvel ou DC. En soit, rien d’antinomique mais il faut noter que MUTANT GHOST WARGIRL dure à peine plus 72 minutes, générique compris ! Son réalisateur et son scénariste enquillent donc les séquences à toute allure quitte à sacrifier les thèmes abordés ou encore la cohérence…
L’ombre du AKIRA de Katsuhiro Otomo plane sur le film. On y évoque des expériences permettant d’altérer des êtres humains génétiquement. Ces expériences permettent de créer des mutants surhumains. On trouve dans les deux films le même contraste entre une modernité ultra présente et des personnages qui semblent évoluer dans un décorum très imprégné par les vestiges du passé. C’était déjà le cas dans BLADE RUNNER qui proposait un monde futuriste dont l’esthétisme s’orientait vers le Film Noir des années 40-50. Pas de doute, nous sommes en plein «cyberpunk». L’altération de l’être humain, de sa mémoire ou de son identité sont ici de mise, ce qui renvoie au CYPHER de Vincenzo Natali et dans une moindre mesure au TOTAL RECALL de Paul Verhoeven. Impossible également de ne pas reconnaître ces combattants vêtus de longs manteaux noirs parachutés directement de MATRIX. Ainsi, le film de Binjie Liu est totalement sous l’emprise de ses influences très, voire trop, marquantes. Surtout que, comme cela a déjà été évoqué, la courte durée du film ne donne pas l’occasion de réellement développer son propos de manière cohérente. Au point qu’en visionnant MUTANT GHOST WARGIRL, on en arrive à tenter de raccrocher un personnage ou une situation à une œuvre antérieure. On peut même se demander si certains des déroulements narratifs ne sont pas dictés par cette envie irrépressible. Par exemple, le passage dans une boîte de nuit nous amène face à un personnage qui pourrait être la version asiatique du Joker de Batman, ce qui semble cohérent avec les super pouvoirs des mutants directement hérités des bande-dessinées Marvel ou DC.
Appuyons une nouvelle fois sur la durée du film car Binjie Liu se permet des digressions hors de propos dans une intrigue déjà très chargée. Si chaque seconde doit compter, le réalisateur n’a pas l’air de s’en soucier et nous offre quelques séquences lunaires. Le grand vilain de l’histoire esquisse quelques pas de danse ce qui n’apporte rien à l’intrigue, pas plus qu’à l’ambiance. A l’évidence, le cinéaste s’intéresse donc plus à la forme de MUTANT GHOST WARGIRL qu’à ce qu’il raconte réellement. Les interrogations sur le futur, sur les expériences génétiques, sur les entreprises toutes puissantes ou encore sur ce qui préserve notre humanité dans un monde où la technologie prend de plus en plus de place, s’avèrent finalement secondaires ! A moins que Binjie Liu soit plus malin qu’il n’y paraît ? Qu’il ait compris qu’au 21ème siècle, il est nécessaire de camoufler ses réflexions au fond d’un métrage d’action pour éviter d’être zappé comme la plupart des produits vidéo jetables des plateformes. A cette question, pas de réponse ! Mais si c’était le cas, il est sûr que cela ne marcherait pas ! Dès lors, MUTANT GHOST WARGIRL se laisse regarder mais, à moins de le visionner dans l’optique d’écrire une critique, les thèmes abordés passeront à la trappe.
Visuellement, MUTANT GHOST WARGIRL se donne du mal. Mais, à l’évidence, les moyens sont limités. L’image n’a pas un aspect cinéma mais plutôt celui d’un film produit pour la vidéo (ce qui est le cas). Les effets spéciaux sont très inégaux. Et enfin, les acteurs ne sont pas toujours au point. Ainsi, lorsqu’une jeune femme retire son imperméable pour combattre, dévoilant une petite tenue en cuir et cuissardes, on frise un poil le ridicule. Ce qui passait dans les années 90, avec THE HEROIC TRIO par exemple, ne passe plus aujourd’hui, particulièrement avec une esthétique trop télévisuelle. Reste que la dernière image du film laisse entrevoir une suite qui, à ce jour, n'a pas été mise en chantier...
Quoi qu’il en soit, comme en Chine, MUTANT GHOST WARGIRL se retrouve directement distribué en vidéo (DVD et plateformes de streaming) sous un titre raccourci, WARGIRL. Factoris Films s’est occupé de produire un doublage et des sous-titrages français, offrant l’opportunité aux non sinophones de voir le film dans nos contrées. Voilà qui devrait ravir la curiosité des fantasticophiles.