Header Critique : L'ARMÉE DES TÉNÈBRES (ARMY OF DARKNESS : EVIL DEAD III)

Critique du film
L'ARMÉE DES TÉNÈBRES 1993

ARMY OF DARKNESS : EVIL DEAD III 

Les démons du Necronomicon précipitent Ash dans le passé. Il se retrouve en 1300, dans un moyen âge légendaire, parmi des chevaliers luttant contres les forces du mal...

Après EVIL DEAD 2 de 1987, Sam Raimi tourne l'excellent DARKMAN de 1990, rencontre mélodramatique entre «Le fantôme de l'Opéra» et le cinéma de super-héros. Puis le projet d'un troisième EVIL DEAD est annoncé. L'idée d'envoyer Ash dans un univers d'Heroic Fantasy a commencé à trotter dans la tête de Sam Raimi juste après EVIL DEAD. Faute d'un budget suffisant, il a fait d'EVIL DEAD 2 un remake amélioré du premier, en attendant des circonstances plus favorables permettant de concrétiser son idée initiale.

Pour ce troisième EVIL DEAD, finalement rebaptisé L'ARMÉE DES TÉNÈBRES, Raimi s'associe de nouveau avec le producteur italien Dino De Laurentiis, leur collaboration sur EVIL DEAD 2 s'étant bien déroulée. La Major Universal participe aussi au financement, en tant que société distributrice.

Les effets spéciaux sont majoritairement conçus par l'équipe KNB, dont les trois dirigeants ont déjà travaillé sur EVIL DEAD 2. Comme dans les deux précédents volets, Robert G. Tapertt gère la production du film, tandis que Bruce Campbell reprend le rôle principal de Ash. A ses côtés, nous trouvons Marcus Gilbert (BIGGLES, RAMBO III) et Embeth Davidtz (MATILDA, LE TÉMOIN DU MAL). Ainsi qu'une ribambelle de Guest Stars venues faire de la figuration : Bridget Fonda (JACKY BROWN de Quentin Tarantino, UN PLAN SIMPLE de Sam Raimi), Charlie et Don Campbell (respectivement père et frère de Bruce Campbell), Ted et Ivan Raimi (frères de Sam Raimi), ainsi que les réalisateurs William Lustig (MANIAC) et Bernard Rose (CANDYMAN).

L'ARMÉE DES TÉNÈBRES bénéficie d'un budget relativement élevé, supérieur à celui des deux premiers EVIL DEAD. Il est tourné en Californie, notamment en plein désert pour les scènes de batailles et les séquences se déroulant dans le château.

Avec L'ARMÉE DES TÉNÈBRES, Sam Raimi veut, tout en poursuivant la série des EVIL DEAD, aborder une nouvelle forme de cinéma, plus familiale et populaire que l'horreur Gore : le film d'aventures. Déjà, DARKMAN, bien que contenant des éléments d'inspiration horrifique, est en fait un film de super-héros, une œuvre plus proche du SUPERMAN de Richard Donner que du ZOMBIE de George A. Romero.

Dans L'ARMÉE DES TÉNÈBRES, nous retrouvons des gimmicks de la série EVIL DEAD, tout à fait conformes à l'imagerie du cinéma d'épouvante : démons, possédés, tronçonneuse et, bien sûr, le grimoire du Necronomicon. De même, certains aspects se réfèrent directement aux classiques Universal des années trente, par exemple le décor du moulin et la résurrection d'Evil Ash, dans la grande tradition de FRANKENSTEIN. Ou bien Sheila qui, une fois possédée, retrouve l'allure électrisée d'Elsa Lanchester dans LA FIANCÉE DE FRANKENSTEIN.

Pourtant, les références les plus directement identifiables sont à chercher du côté des films d'aventures aux effets spéciaux conçus par Ray Harryhausen, comme LE SEPTIÈME VOYAGE DE SINBAD et JASON ET LES ARGONAUTES. Deux œuvres dont Raimi revendique l'influence pour L'ARMÉE DES TÉNÈBRES. L'atmosphère générale du film tire clairement vers la littérature médiévale-fantastique. Que ce soit les récits dédiés aux Chevaliers de la Table Ronde, «Le seigneur des anneaux» ou, surtout, les aventures de Conan, guerrier toujours prêt à batailler avec des armées de revenants décharnés.

Dans L'ARMÉE DES TÉNÈBRES, Sam Raimi introduit de nombreux éléments comiques, bien plus encore que dans les deux précédents EVIL DEAD. Ce qui n'est ni illogique, ni mercantile. Il a toujours avoué que son genre de prédilection est la comédie burlesque, et qu'il a tourné le film d'horreur EVIL DEAD avant tout parce que son ami et producteur Robert G. Tapert jugeait ce genre très rentable au début des années quatre-vingts.

Une grande part des traits humoristiques de L'ARMÉE DES TÉNÈBRES découle du décalage entre le personnage de Ash, américain grossier, inculte et arrogant, et l'univers grandiose, médiéval et courtois dans lequel il se trouve projeté. De nombreux gags évoquent par exemple MONTY PYTHON : SACRÉ GRAAL !, parodie des exploits du roi Arthur et de ses chevaliers. Sam Raimi revendique encore l'influence du roman de Mark Twain «Un Yankee à la cour du Roi Arthur», au principe similaire à L'ARMÉE DES TÉNÈBRES et déjà adapté au cinéma. Notamment en 1949 dans UN YANKEE À LA COUR DU ROI ARTHUR avec Bing Crosby, et plus tard dans la production Disney UN COSMONAUTE CHEZ LE ROI ARTHUR.

Dans ses meilleurs passages (le moulin, la découverte du Necronomicon, le réveil des morts), L'ARMÉE DES TÉNÈBRES retrouve la veine poético-burlesque qui faisait la grande réussite d'EVIL DEAD 2. Des répliques miniatures de Ash le tourmentent comme dans un dessin animé de « TOM ET JERRY », lui tendent des pièges et le ligotent au sol à la manière d'un Gulliver. Ash affronte son double siamois, qui se détache de lui, dans un combat particulièrement insolite.

De même, lorsque les morts de la nécropole se réveillent, projetant leurs pierres tombales dans les airs, leurs mains décharnées surgissent du terre et fourrent sadiquement leurs doigts dans les trous de nez de Ash ! Grâce à l'interprétation hyper-physique de Bruce Campbell, à une bande-son empruntant ouvertement au répertoire des dessins animés (des clochettes résonnent quand un personnage se fait frapper sur le crâne) et à une réalisation toujours aussi dynamique et inventive de Sam Raimi, le milieu du métrage est à la hauteur des meilleures séquences des EVIL DEAD.

L'ARMÉE DES TÉNÈBRES se termine sur une bataille rangée entre un bataillon de squelettes et des guerriers humains, agrémentée de monstres en tout genre et de machines de guerre délirantes. Cette séquence s'inspire autant des peintures réalisées par Frank Frazetta pour les livres de Conan que des guerriers-squelettes du SEPTIÈME VOYAGE DE SINBAD et, surtout, de JASON ET LES ARGONAUTES.

Pourtant, cette séquence laisse à désirer, notamment à cause d'effets spéciaux inégaux, avec des squelettes à l'animation hésitante ou des transparences à l'exécution décevante. Paradoxalement, les effets spéciaux des deux autres EVIL DEAD, certes moins onéreux, paraissaient réalisés avec plus de soin. Ici, il y a parfois une impression de bâclage. Heureusement, le rythme et l'humour de l'ensemble font oublier ces quelques défauts.

L'ARMÉE DES TÉNÈBRES reste donc une réussite, un mélange résolument original et inédit de fantastique horrifique, de burlesque et d'aventures, combinés ici avec beaucoup de bonheur.

Si le tournage de L'ARMÉE DES TÉNÈBRES se passe bien, Dino de Laurentiis, alors dans une situation financière délicate, cède le projet inachevé à Universal. Le film échappe alors à Sam Raimi.

La grosse compagnie hollywoodienne ne sait pas trop quoi faire de cette production rattachée à la série Gore des EVIL DEAD. Elle tente alors de gommer les références aux deux volets précédents. Il faut dire que les suites numérotées de films d'horreur ne sont plus à la fête, du fait des réceptions critiques de plus en plus désastreuses et des résultats au box office de plus en plus tièdes (VENDREDI 13, CHAPITRE VIII : L'ULTIME RETOUR, FREDDY 5, L'ENFANT DU CAUCHEMAR, CHUCKY 3...).

Déjà, le titre L'ARMÉE DES TÉNÈBRES ne cite même pas EVIL DEAD, ce qui, pour une suite, est tout de même étrange ! La censure américaine du MPAA reste intransigeante quant aux films d'horreur. Des coupes dans les séquences violentes sont exigées (la bataille de la fin est raccourcie), alors même que Sam Raimi considère L'ARMÉE DES TÉNÈBRES dans son montage original comme un film d'aventures, sans véritables séquences saignantes.

De même, la fin est modifiée. Le final original faisait référence à la conclusion d'EVIL DEAD 2 : Ash, au lieu d'être envoyé dans le passé, était propulsé dans un futur post-apocalyptique au cours d'une séquence digne de LA PLANÈTE DES SINGES. Universal trouve cette fin trop sombre et n'apprécie pas qu'elle soit un clin d’œil à EVIL DEAD 2. Raimi est contraint de tourner un nouvel épilogue se déroulant de nos jours, dans le supermarché où travaille Ash. Cette nouvelle conclusion est remarquablement réalisée et tout à fait amusante. Mais, dans le récit, elle arrive tout de même comme un cheveu dans la soupe.

À sa sortie, L'ARMÉE DES TÉNÈBRES reçoit un accueil mitigé. Les fans des précédents EVIL DEAD font preuve d'étroitesse d'esprit, certains allant jusqu'à reprocher à Sam Raimi de trahir le genre de l'horreur Gore. De plus, L'ARMÉE DES TÉNÈBRES sort à un moment où les modes de l'épouvante saignante et de l'Heroic Fantasy sont révolues : le succès public n'est donc pas non plus au rendez-vous.

Sam Raimi se détourne alors du fantastique pour un bon moment. Mais il ne se laisse pas démonter et diversifie ses activités. Nous le retrouvons producteur de CHASSE À L'HOMME, premier long-métrage réalisé par John Woo aux États-Unis. Surtout, il inaugure une carrière de producteur pour la télévision avec deux téléfilms : HERCULE ET LES AMAZONES et HERCULE ET LE ROYAUME OUBLIÉ, successeurs logiques de l'expérience médiéval-fantastique de L'ARMÉE DES TÉNÈBRES. Ensuite, d'autres téléfilms de Hercule suivent, ainsi que les séries TV «HERCULE» et «XENA : PRINCESSE GUERRIERE», très populaires au cours des années quatre-vingt-dix.

Raimi revient aussi au cinéma en tant que réalisateur, là où on ne l'attend pas : dans  le domaine du western, avec MORT OU VIF de 1995, interprété par Sharon Stone et Gene Hackman ! Mais c'est encore un échec commercial et critique, et il faut attendre trois ans pour voir arriver UN PLAN SIMPLE, superbe Film Noir, relecture sensible et intelligente du FARGO des frères Coen (par ailleurs amis de Sam Raimi) : il s'agit encore d'une déception financière, mais la critique est très positive.

Raimi tourne ensuite un drame sportif dans le milieu du base-ball : POUR L'AMOUR DU JEU, une assez grosse production avec, en vedette, un Kevin Costner à la carrière déjà sur le déclin : encore un bide ! Sam Raimi va alors revenir au fantastique avec le thriller surnaturel INTUITIONS en 2000, dans la lignée de SIXIÈME SENS de M. Night Shyamalan.

Rédacteur : Emmanuel Denis
Photo Emmanuel Denis
Un parcours de cinéphile ma foi bien classique pour le petit Manolito, des fonds de culottes usés dans les cinémas de l'ouest parisiens à s'émerveiller devant les classiques de son temps, les Indiana Jones, Tron, Le Dragon du lac de feu, Le Secret de la pyramide... et surtout les Star Wars ! Premier Ecran fantastique à neuf ans pour Le retour du Jedi, premier Mad Movies avec Maximum Overdrive en couverture à treize ans, les vidéo clubs de quartier, les enregistrements de Canal +... Et un enthousiasme et une passion pour le cinéma fantastique sous toutes ses formes, dans toute sa diversité.
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