Header Critique : FALAISE MYSTERIEUSE,  LA (THE UNINVITED)

Critique du film
LA FALAISE MYSTERIEUSE 1944

THE UNINVITED 

LA FALAISE MYSTÉRIEUSE est la première réalisation de Lewis Allen. Après avoir travaillé à Broadway, ce britannique se voit confier l'adaptation de ce roman de Dorothy Macardle par la grande firme Paramount. Le rôle principal est confié à Ray Milland, une des Stars de cette compagnie, alors cantonné dans des comédies romantiques un peu mièvres ; il va pourtant gagner un Oscar en 1945, en interprétant la déchéance d'un alcoolique dans LE POISON de Billy Wilder. Puis il apparaît dans des thrillers et des films fantastiques importants tels que LE CRIME ÉTAIT PRESQUE PARFAIT version 1954 de Hitchcock, ou L'ENTERRÉ VIVANT dans le cycle Edgar Poe de Roger Corman.

Le vieux commandant Beech est interprété par Donald Crisp, importante personnalité du cinéma muet. Il a coréalisé LA CROISIÈRE DU NAVIGATOR en 1924 avec Buster Keaton, et dirigé DON Q. FILS DE ZORRO en 1926, avec le grand Douglas Fairbanks. Il est aussi acteur, notamment pour le pionnier D. W. Griffith : (NAISSANCE D'UNE NATION en 1915, LE LYS BRISÉ en 1919...). Allen bénéficie encore des services du chef-opérateur Charles Lang, habitué aux histoires des fantômes et aux maisons mystérieuses : il a travaillé sur le sublime PETER IBBETSON de Henry Hathaway, ou encore sur LE MYSTÈRE DE LA MAISON NORMAN en 1939, LE MYSTÈRE DU CHÂTEAU MAUDIT en 1940, ou le classique L'AVENTURE DE MADAME MUIR.

Au cours d'une expédition sur la côte, Roderick Fitzgerald et sa sœur Pamela tombent sur une superbe bâtisse abandonnée, située au sommet d'une falaise vertigineuse. Le propriétaire en est le commandant Beech, qui vit avec sa petite-fille Stella. Il leur apprend que la demeure est à vendre pour un prix dérisoire et sans hésiter, Roderick et Pamela l'achètent et s'y installent. Pourtant, dès la première nuit, leur sommeil est troublé par des pleurs mystérieux, à la provenance inexpliquée. Ils enquêtent et découvrent que l'ancienne propriétaire, fille du commandant Beech et mère de Stella, serait morte en tombant de la falaise. Cette maison cache encore de nombreux mystères...

LA FALAISE MYSTÉRIEUSE tourne autour d'une maison gothique dans laquelle s'est déroulé un drame mystérieux qu'il va falloir éclaircir, et ce dans un ambiance proche du fantastique. Cela n'a rien de bien nouveau, c‘est même un exercice classique à Hollywood, après des films signés par des maîtres du fantastique, comme LA VOLONTÉ DU MORT de Paul Leni, UNE SOIRÉE ÉTRANGE de James Whale, LE CHAT NOIR d'Edgar G. Ulmer, LONDRES APRÈS MINUIT et son remake LA MARQUE DU VAMPIRE, tout deux de Tod Browning...

La production de ce style d'œuvres ne mollit pas au début des années 1940, avec REBECCA, production anglaise signée Alfred Hitchcock, film ayant sans doute énormément influencé LA FALAISE MYSTÉRIEUSE, notamment pour la personnalité ambiguë de Rebecca, les circonstances de sa mort et l'admiration trouble que porte madame Danvers à sa maîtresse décédée.

Dans la tradition de certaines des œuvres précitées, le film de Lewis Allen prend la forme d'une enquête policière classique, multipliant les investigations et les rebondissements. Bien construit et riche en péripéties,l'intrigue criminelle souffre tout de même d'un recours à quelques séquences de bavardages, donnant au film un ton assez statique.

Toutefois, en 1944, les histoires de fantômes à Hollywood sont avant tout des comédies. Cette vague de pochades ectoplasmiques démarre avec le succès de FANTÔME À VENDRE de 1935, tourné en Grande-Bretagne par le français René Clair. Hollywood suit cette mode avec LE COUPLE INVISIBLE de Norman Z. McLeod, LE MYSTÈRE DU CHÂTEAU MAUDIT, LE FANTÔME DE CANTERVILLE avec Charles Laughton...

LA FALAISE MYSTÉRIEUSE aborde donc son histoire de maison mystérieuse en employant souvent un ton comique. Pamela et Roderick sont joviaux, on rencontre des personnages pittoresques destinés à apporter des touches de légèreté (la vieille bonne superstitieuse, le petit chien...)... Virant parfois à la comédie romantique (la relation entre Roderick et Stella), tout ces passages charmants apportent une désinvolture de ton à l'ensemble et soulignent l'aspect ludique de cette œuvre fantastico-policière.

Mais LA FALAISE MYSTÉRIEUSE est surtout célèbre pour s'inscrire dans la veine des œuvres fantastiques produites par Val Lewton pour la RKO au milieu des années quarante : LA FÉLINE de Jacques Tourneur, L'ÎLE DES MORTS de Mark Robson, par exemple... Tournant le dos aux films de monstres explicites des années 1930 (FRANKENSTEIN et L'HOMME INVISIBLE de James Whale entre autres...), ce nouveau style suggère finement la menace en jouant sur les ombres, les bruitages et les changements d'atmosphère à peine perceptibles.

A travers des films comme DR JEKYLL ET MR HYDE version 1941 de Victor Fleming (une production MGM) ou LE PORTRAIT DE DORIAN GRAY version 1945 d'Albert Lewin, l'aspect horrifique et fantaisiste du cinéma fantastique passe au second plan, derrière la peinture de plus en plus raffinée d'un contexte historique ou de la psychologie des personnages. Dans LA FALAISE MYSTÉRIEUSE, les apparitions des fantômes seront fort rares (mais toujours accompagnées d'excellent effets optiques). La présence des Morts se manifeste surtout par le son de sanglots étouffés, un parfum, ou le pourrissement accéléré d'un bouquet de fleurs.

LA FALAISE MYSTÉRIEUSE s'inscrit donc à la croisée de plusieurs styles typiques de son époque : épouvante suggestive, comédie fantastique et film policier gothique. Courant plusieurs lièvres, il peut sembler inégal, parfois lent et souffrant de ruptures de tons. L'ensemble est néanmoins globalement sympathique et constitue un très agréable divertissement fantastique, bénéficiant des qualités qu'on attend d'un film sortant d'un grand studio hollywoodien (bonne interprétation, superbes décors, photographie soignée...).

Par la suite, Paramount confie à Lewis Allen un autre thriller à l'ambiance fantastique, avec L'INVISIBLE MEURTRIER, dont l'argument rappelle le roman «Le tour d'écrou» de Henry James. Progressivement, Allen s'oriente vers le Film Noir, qui devient sa spécialité (ENQUÊTE À CHICAGO en 1949, JE DOIS TUER en 1954...).

Enfin, signalons que par son décor et son ambiance de comédie fantastico-romantique, LA FALAISE MYSTÉRIEUSE a vraisemblablement influencé un autre classique du genre : L'AVENTURE DE MADAME MUIR, sorti trois ans après. Une postérité pour le moins prestigieuse !

Rédacteur : Emmanuel Denis
Photo Emmanuel Denis
Un parcours de cinéphile ma foi bien classique pour le petit Manolito, des fonds de culottes usés dans les cinémas de l'ouest parisiens à s'émerveiller devant les classiques de son temps, les Indiana Jones, Tron, Le Dragon du lac de feu, Le Secret de la pyramide... et surtout les Star Wars ! Premier Ecran fantastique à neuf ans pour Le retour du Jedi, premier Mad Movies avec Maximum Overdrive en couverture à treize ans, les vidéo clubs de quartier, les enregistrements de Canal +... Et un enthousiasme et une passion pour le cinéma fantastique sous toutes ses formes, dans toute sa diversité.
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