Header Critique : MASK OF DIIJON, THE (LE MASQUE DE DIJON)

Critique du film et du DVD Zone 2
THE MASK OF DIIJON 1946

LE MASQUE DE DIJON 

Apres sa gloire hollywoodienne dans les années 20, son passage en France et notamment dans le chef d'oeuvre LA GRANDE ILLUSION, Erich Von Stroheim retourne aux Etats-Unis. Malheureusement, il va enchaîner des films moins prestigieux, jusqu'à tourner pour la compagnie de production la plus fauchée d'Hollywood, PRC. C'est le cas pour ce MASQUE DE DIJON (sorti en DVD français sous son titre original, THE MASK OF DIIJON), réalisé en 1946 et qui sonna le début de la fin pour l'immense acteur/réalisateur. Il ne tournera plus qu'un seul film sur le territoire américain après celui-ci : BOULEVARD DU CREPUSCULE.

Diijon (Erich Von Stroheim) est un magicien renommé qui s'est enfoncé dans la lecture d'essais sur l'hypnose. Sa femme et assistante Victoria (Jeanne Bates) l'aime et supporte ses lubies. Mais Diijon est dévoré par la jalousie : elle finit par le quitter. Il décide alors d'utiliser l'hypnose afin d'orchestrer sa vengeance sur celles et ceux qui l'ont humilié.

PRC : les trois lettres provoquent l'attrait et l'effroi pour les connaisseurs de série B des années 30 et 40. Des productions au rabais, tournées à l'emporte pièce et dont très peu ont passé le cap du XXIème siècle dans l'inconscient cinéphile. Les plus curieux auront peut-être retenu et vu l'un des chefs d'oeuvre de la PRC (et un sacré bon film noir): DETOUR d'Edgar George Ulmer, qui fit preuve d'ingéniosité pour pallier à un pauvrissime budget.

Lew Landers, à l'instar de Lesley Selander ou Sam Newfield, fut un des artisans les plus prolifiques de la série B des années 30 à 50. Qu'il s'agisse de serials ou de films, Cet artisan savait tout tourner. Aventures à voiles (THE WINDJAMMER), fantastique à crocs (THE RETURN OF THE VAMPIRE avec Bela Lugosi) comédie planante (AIR HOSTESS), Lew Landers fit le tour de tous les genres avant de se spécialiser dans les séries télévisées dès 1950, pour terminer sa carrière via l'épouvante avec TERRIFIED en 1963. Les amateurs le connaissent toutefois sous son vrai nom, Louis Friedlander. Il signa en 1935 une version plutôt sympathique du CORBEAU avec Bela Lugosi. Vraisemblablement son meilleur film. On dit "vraisemblablement" car il demeure à ce jour très difficile de posséder une connaissance complète et exégétique des quelques 170 films et séries à son actif – donc de porter un quelconque jugement sur la valeur de son apport à la culture cinématographique.

THE MASK OF DIIJON se situe à la croisée de quelques genres de films. Entre le mystère à la Inner Sanctum, le fantastique Lugosien, le thriller et le drame familial. Ceci posé. Il demeure évident que le film n'aurait pas trouvé de grand intérêt sans la présence et l'aura d'Erich Von Stroheim. Le thriller psychologique tendance paranormal semble être construit sur sa prestation. Il excelle dans le registre du sombre héros drapé dans sa jalousie, épris de bizarre passion, avec un excellent lever de menton méprisant. Comme s'il était parvenu au bout de son jeu qui l'a rendu célèbre le long de ses années hollywoodiennes. Non pas qu'il sombre dans l'auto parodie, mais sa nonchalance et son jeu d'acteur si particulier fait qu'il avance dans le film en quasi pilotage automatique. A la rigueur, peu importe le sujet du film. Il personnifie Diijon jusqu'au bout de son crâne chauve.

La mise en scène tente de colmater un maigre budget par des effets minimaux. Le film démarre par un effet de style théâtre du Grand Guignol et une tête décapitée. On nage en pleine théâtralisation du meurtre et cette mise en abîme est assez réussie. Le reste ne pourra hélas pas grand chose, Von Stroheim/Diijon jouant parfois à outrance ses apparitions. Lew Landers a compris qu'il s'agissait là de son meilleur atout. Donc repose son film entièrement sur lui. L'hypnose s'effectue via un tout petit point lumineux apparaissant sur le front des victimes, maximisant ainsi le regard inquiétant du magicien déchu. Le scénario dessine un aspect cyclique, en installant un choc en début et fin de métrage. La camera demeure fonctionnelle, au service des acteurs et des effets. Le style qui se dégage est peut-être de glisser d'un genre à un autre, au gré du scénario.

Il s'agit de la particularité de cette bande oubliée, de naviguer d'un ton de film noir, retrouvant justement des accents de LA CIBLE VIVANTE d'Anthony Mann, à celui de l'épouvante gothique. Une photographie que l'on sent d'ailleurs travaillée en ce sens, apportant une atmosphère de mystère rappelant des éclairages du CORBEAU, par exemple. Lew Landers et son directeur photo Jack Greenhalgh optent également pour quelques élans gothiques, de jeux d'ombres pour créer une profondeur de champ - voir le dialogue entre Diijon et Sheffield (Edward Van Sloan) à la 41ème minute ou la marche nocturne de Victoria à la 59ème minute. Greenhalgh n'était en cela pas un inconnu, puisqu'il a participé aux plus grandes séries B d'aventures et d'épouvante des années 40. Hormis le HITLER'S MADMAN de Douglas Sirk, il a ainsi photographié THE MAD MONSTER avec George Zucco, CREATURE DU DIABLE, LOST CONTINENT, l'intéressant ANGOISSE DANS LA NUIT de Maxwell Shane et les classiques Z que sont ROBOT MONSTER, WHITE PONGO et FLYING SERPENT. Que du bon. Que du lourd.

En dehors de Von Stroheim, on remarque également une actrice jouant le rôle de Denise, femme de Sheffield, méprisante envers Diijon. Il s'agit de Denise Vernac, actrice française ayant très brièvement oeuvré à Hollywood. On la trouve par ailleurs souvent aux cotes d'Erich Von Stroheim par la suite, notamment dans LE SIGNAL ROUGE, DANSE DE MORT, LA MANDRAGORE, ON NE MEURT PAS COMME CA... et pour cause : Elle devint sa compagne dès le début des années 40. Il y a également au générique Jeanne Bates dans le rôle de la femme de Diijon. Son nom ne vous dira à priori pas grand chose, mais elle demeure une figure (trop) méconnue de la série B et du film de genre où elle navigua pendant toute sa longue carrière. Entre d'innombrable séries télévisées, elle trouva son chemin dans des productions B comme BACK FROM THE DEAD de Charles Marquis Warren (avec qui elle tourna quelques autres films), VICE RAID d'Edward L. Cahn avec Mamie Van Doren, elle apparaît avec Cloris Leachman dans l'original It's a Good Life de la QUATRIEME DIMENSION (que Joe Dante refera pour le compte du film éponyme en 1983). Mais c'est surtout ERASERHEAD et son rôle de Mrs X qui la fera revenir sur le devant de la scène. Elle n'arrêta plus de tourner, entre séries et films, jouant même dans 58 MINUTES POUR VIVRE, L'ORCHIDEE SAUVAGE 2, SILENT NIGHT DEADLY NIGHT 4 et un petit rôle dans MULHOLLAND DRIVE.

Ce MASQUE DE DIJON garde une saveur B qu'il demeure délicat de réprimer. Ne serait-ce que pour le final très ironique qui fait office de boucle bouclée, avec une petite touche Edgar Allan Poe bien agréable. Tout semble mécanique, comme la très grande majorité des produits B, et l'on connaît à l'avance l'issue du propos. Mais il existe un charme désuet indéniable. Erich Von Stroheim y est pour beaucoup, son métier et son expressivité donnent une épaisseur inattendue. Un conte macabre qui a le mérite, si l'on passe les plages de dialogues du début, de maintenir l'intérêt du spectateur averti.

Artus Films a exhumé cette petite rareté pour l'inclure dans un coffret contenant trois autres films mettant en vedette Erich Von Stroheim. On peut ainsi trouver sur deux disques ce MASQUE DE DIJON et THE LADY AND THE MONSTER, puis THE GREAT GABBO et LE CRIME DU DR CRESPI. L'accès est simple : menu de base menant aux deux films, puis en sélectionnant THE MASK OF DIIJON, un sous-menu offre la version originale, la version originale sous-titrée en français, un accès aux huit chapitres puis le diaporama de rigueur.

Sans grande surprise, la copie de THE MASK OF DIIJON s'avère médiocre. A chacun de considérer comment appréhender le produit. Pour un jugement le plus objectif possible, le matériau d'origine était très probablement dans un état tristounet. Nous n'aurons donc pas affaire à un nettoyage et une digitalisation aussi parfaite que le Blu-ray de METROPOLIS, entre autres, vu l'aspect qualitatif discutable du métrage. Un panneau avertissant le spectateur de ces aspects d'état de la copie apparaît avant le générique du film. Des contrastes mal maîtrisés et des traces de compression visibles le long du film sont au menu. Des gros plans parfois flous (ceux de Denise Vernac et Edward Van Sloan à la première minute, par exemple), une certaine instabilité d'image par moments. Griffures et poussières, joyeux compagnons de route des séries B produite par Monogram, Republic et autres PRC, accompagnent le spectateur dans ses pérégrinations hypnotiques le long des 69 minutes. Dès le générique avec des rayures blanches épaisses sur la gauche de l'écran. Si le travail consiste à présenter un master dans un état médiocre, le DVD Artus Films fait son office. Maintenant, soit on ronchonne dans son coin parce qu'on n'a pas mieux, soit on se dit que "c'est ça ou rien d'autre" hormis une édition américaine (sortie chez Image Entertainment il y a tout juste 13 ans et d'une durée de 72mn) qui ne semble cependant guère mieux dans le rendu final. En effet, la copie provient de la télévision américaine dans les deux éditions, à la vue du carton initial «Western Television» pré générique. Le tout reste néanmoins très regardable ! Les sous-titres français sont amovibles (toujours une bonne chose). La piste sonore anglaise est encodée en mono sur deux canaux. On observe quelques pertes audio de manière régulière, un certain souffle, des craquements et des sonorités légèrement métalliques sur certains dialogues. Le tout est malgré tout bien audible !

Comme d'habitude désormais dans les coffrets Artus Films, un livret de douze pages faits un point sélectif sur la carrière de l'acteur titre jusqu'à son retour en France. Il y est par ailleurs indiqué que THE MASK OF DIIJON est sorti en France après-guerre. Après vérifications faites auprès du CNC, cela semble le cas en date du 22 août 1947. A ceci s'ajoute quatre photographies cartonnées en format carte postale et le cinéphile qui sommeille en vous ne pourra pas y trouver à redire.

Rédacteur : Francis Barbier
Photo Francis Barbier
Dévoreur de scènes scandinaves et nordiques - sanguinolentes ou pas -, dégustateur de bisseries italiennes finement ciselées ou grossièrement lâchées sur pellicule, amateur de films en formats larges et 70mm en tous genres, avec une louche d'horreur sociale britannique, une lampée d'Albert Pyun (avant 2000), une fourchettée de Lamberto Bava (forever) et un soupçon de David DeCoteau (quand il se bouge). Sans reprendre des plats concoctés par William Friedkin pour ne pas risquer l'indigestion.
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Erich Von Stroheim
L’aspect gothico-film noir
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Des dialogues et champs/contre-champs interminables sur la première moitié du métrage
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L'édition vidéo
THE MASK OF DIIJON DVD Zone 2 (France)
Editeur
Artus
Support
2 DVD
Origine
France (Zone 2)
Date de Sortie
Durée
1h13
Image
1.33 (4/3)
Audio
English Dolby Digital Mono
Sous-titrage
  • Français
  • Supplements
    • Diaporama (1mn06)
    • THE LADY AND THE MONSTER
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