17. Vive le "Midi-Minuit" !

Voici un texte manuscrit qui nous a été remis par Jean-Claude Romer où il rend hommage au "Midi-Minuit", la mythique salle de cinéma...

Vive le "Midi-Minuit" !

Quarante années, déjà...! Il y aura bientôt, en effet, quarante ans que Michel Caen, Alain Le Bris et moi-même (avec le concours de Jean Boullet et d'Eric Losfeld, aujourd'hui disparus) fondions "Midi-Minuit Fantastique" (MMF), la première revue européenne entièrement consacrée à la défense et à l'illustration du cinéma dit "Fantastique" et à son étude critique et historique (de 1962 à 1971, 24 numéros parus et épuisés depuis longtemps, y compris l'introuvable numéro 8 : "Erotisme et Epouvante dans le Cinéma Anglais"...).

Rappelons qu'en ce début des années 60, oser aborder sérieusement un genre cinématographique alors aussi méprisé ; s'attacher à révéler des oeuvres pourchassées et mutilées par des censures inexorables ; prôner des spectacles dont, pratiquement, aucune autre revue ne mentionnait même l'existence - sinon pour les condamner ou ironiser - bref, s'enthousiasmer pour des films qui n'interessaient , apparemment, personne - sauf le public... - cela relevait véritablement de la gageur.

Précisons, également, qu'être "cinéphile", à Paris, à cette époque, c'était être "Hitchcocko-Hawksien" (c'est à dire se passionner pour le gros Alfred ou le grand Howard), ou encore "Mac-Mahonnien" (du nom d'un cinéma proche del 'Etoile, avenue Mac-Machon, lequel célébrait son "carré d'as" : Losey, Lang, Walsh et Preminger). Et bien, nous, nous fûmes "Midi-Minuistes"...! Pourquoi "Midi-Minuit" ? Parce que le "Midi-Minuit" était le nom d'une salle d'exclusivité qui ouvrit ses portes le 12 mars 1947, pour les refermer, plus tard, en 1985, dans l'indifférence générale... (aujourd'hui le Crédit Lyonnais occupe sa place).

Située au numéro 14 du boulevard Poissonière, dans le 9ème arrondissement, métro Bonne-Nouvelle, presqu'en face du somptueux "Rex", accolée à un bar-tabac, cette salle appartenant à M. Roger Boublil, devait tout simplement son nom au fait que celle-ci, à l'origine, offrait chaque jour à sa clientèle une entrée permanente de "midi à minuit"... Sa programmation était exemplaire. Tout ce qui relevait de l'étrange, du sexe ou de la violence - ou des trois à la fois... - déferlait sur son écran : du VOYEUR au MASQUE DU DEMON, en passant par LES SURVIVANTS DE L'INFINI ou LE CAUCHEMAR DE DRACULA, tous les futurs grands classiques du genre ont figuré à son palmarès...

Par son titre, "Midi-Minuit Fantastique", notre revue, lui rendait ainsi un hommage mérité.

Ce temple du "Cinéma bis" (on n'utilisait pas encore l'expression à cette époque) avait, bien entendu, ses fidèles : un public essentiellement masculin, âgé - en principe - de plus de 18 ans... et discret ! Sur la droite, en regardant la façade décorée de superbes panneaux suggestifs, telle la baraque foraine d'un train fantôme, se trouvait la caisse où l'on se procurait le ticket donnant accès, passé le hall, à un escalier s'enfonçant vers des profondeurs silencieuses, débouchant sur le sanctuaire : une vaste salle de 500 places, tendue de velours rouge où jamais une lumière véritable ne succédait aux ténèbres des projections ; où, pendant de brefs entractes, un éclairage parcimonieux laissait alors apercevoir des rangées de fauteuils confortables et, vers le fond, des loges obscures et mystérieuses...

Les initiés, présents dès la première séance du premier jour du changement de programme, s'installent alors dans les premiers rangs, reléguant les timides dans les rangées les plus éloignées de l'écran.

Ce qui frappe, c'est le receuillement. Pas de conversations, pas de réactions intempestives. Ici, le spectateur ignore superbement ses voisins... et réciproquement ! Prêt à confronter ses propres fantasmes à ceux que la toile vierge lui proposera bientôt, celui-ci se concentre dans un délicieuse attente... Enfin, le rideau s'ouvre... Le rêve - ou le cauchemar - peut commencer...!!

Jean-Claude Romer
Paris - 14/04/2000

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Emmanuel Denis
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