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Critique du film
NEEDLE 2010

 

Un jeune étudiant (Michael Dorman) hérite de son père, mort depuis quelques temps, une curieuse machine du XVIIIème siècle avec une inscription dessus, «Le Vaudou Mort» (en français dans le texte). Peu de temps après, la machine aux pouvoirs surnaturels est volée et ses amis sont assassinés les uns après les autres

Origine : Australie. Format : Scope. Genre : Fantastique. Sous ces trois labels, les amateurs que nous sommes se souviennent de l'époque fin 70 / début 80 où le cinéma australien produisait des films "autres" comme LONG WEEK-END, HARLEQUIN, DEVIATION MORTELLE ou encore RAZORBACK. Hors format, des œuvres comme PATRICK, SOIF DE SANG, LES TRAQUES DE L'AN 2000 ou encore LA DERNIERE VAGUE offrait une autre vision du film de genre et de la vitalité d'un pays émergeant sur la scène cinématographique internationale. WOLF CREEK semble avoir réactivé une nouvelle vague éteinte au milieu des années 80. Mais aujourd'hui, il demeure bien difficile de déterminer une identité propre à des produits comme STORM WARNING ou encore le pénible remake de LONG WEEK END. Et ce n'est pas NEEDLE qui va venir apporter un brin de différence puisqu'il s'agit d'un produit somme toute bien standard et américanisé presque à outrance.

Les prémices de l'histoire sont toutefois originales. Une antique boite/machine à l'inscription étrange excite la curiosité et la première scène donne le "la" sur la violence, un montage audacieux et une lumière ingénieuse quant au meurtre présenté. Il y a une certaine aura de mystère… rapidement éventé car dès que le spectateur aura compris que les héros sont sur un campus, qu'il s'agit d'étudiants super-jeunes-branchés-beaux-cool-avec-des-cicatrices-intérieures : c'est foutu, on tombe dans la formule qu'on nous ressert depuis presque quarante ans. Mais si les filles sont des clichés sur talons hauts et les gars des stéréotypes de désarmante bogossitude, peut-être que la structure du film va aider à élever le niveau ?

Même pas. Le scénario brûle la plupart de ses cartouches dès l'énoncé : le groupe est présenté de telle manière qu'après la disparition de la machine, le spectateur sait que les membres vont périr les uns après les autres. Pas de suspense possible, hormis la manière dont ils vont mourir et l'identité du tueur. Sur cette structure basique, les scénaristes ajoutent un peu de chair autour de l'os, mais rien de bien intéressant à se mettre sous la dent. Un soupçon de vaudou par ci, une touche de gore par là, une pincée d'érotisme titillatoire – un couple de jolies lesbiennes chic et toc, c'est moderne et c'est chaud quand elle s'embrassent. Le reste du film se dirige d'ailleurs dans le sens d'une vision très hétérocentrée des personnages et de la notion de normalité.

Hormis la solide scène d'ouverture, il faut se farcir quarante minutes de palabres avant le vrai démarrage du film. Présentation des personnages et de la machine en question, problème relationnel du héros avec son frère bon à rien, on va en cours mais on s'embête, crise de coming out pour l'une des lesbiennes, soirée beuverie, le sportif, l'intellectuelle… Bref, que de la routine universitaire universelle, chacun saura s'y reconnaître (plus ou moins en fonction de la cible visée). Tout ça, c'est bien joli mais et alors ? Alors... Un premier meurtre car après quarante minutes, il faut bien lancer la chose, on est un peu venu pour ça même si l'on sait que tous vont mourir. Certains assassinats tentent alors une mise en pièces hors norme (l'attaque du sportif, l'escaladeur) tout en versant dans un gore parfois méchant. Peu à l'écran mais qui sait aller là où ça fait mal : la séquence à l'intérieur du gymnase est en effet douloureuse dans le domaine du cassage de membres.

On se rend compte alors que le récit s'oriente vers deux créneaux : le fantastique car la machine fabrique des poupées vaudou destinées à supplicier les victimes avant de les faire périr dans d'atroces souffrances. Puis le Giallo, en épousant sa structure narrative tout comme certains de ses tics : main gantée de cuir noir, meurtres à caractère sexuels, des lesbiennes (nous y voilà), multiplication des fausses pistes, résolution dans les derniers moments du film, facilités scénaristiques, psychologie sommaire (un peu comme Elke)… l'un des protagonistes se réclamant même de la «Argento Foundation» lorsqu'il vient examiner l'antiquité en question au cas où on n'aurait pas compris qu'il faille comprendre l'hommage.

Ici, l'Australie n'a jamais été aussi peu exotique. Le campus ressemble à des centaines déjà vus dans des slashers américains et le film sombre dans une routine qui sent le déjà-vu. Dès le second meurtre, pour les habitués du Giallo, la raison apparaît rapidement évidente. Comme il tente de rendre hommage aux Gialli, NEEDLE finit par en utiliser ses clichés avec quelques quarante années de retard. Ce qui vaut pour la raison de ce massacre : complètement improbable et révélant des trous scénaristiques béants. NEEDLE ("aiguille" en français) ne se distingue pas du lot et via un rythme apathique, alanguit plus le spectateur qu'il ne pique sa curiosité. Pire encore, la complexité apparente de l'intrigue cache une raison tout à fait banale et l'hystérie finale demeure incompréhensible au regard du comportement de chacun. On comprend qu'il faille donner un coup de collier final pour le spectateur, à l'instar de la séquence prégénérique, mais la gratuité des actes ne compense pas l'aspect médiocre de l'ensemble.

La photographie reste cependant très soignée. Le long du métrage offre des contrastes réussis notamment lors des scènes nocturnes. Le format Scope est intelligemment utilisé et on sent un vrai soin technique apporté à l'emballage. Ce qui était également les principales qualités des Gialli, privilégiant souvent la forme sur le scénario. On retrouve le cinéaste et musicien Jamie Blanks à la composition de la bande sonore du film, exercice qu'il fut déjà sur ses derniers opus STORM WARNING et, justement, le remake de LONG WEEK END.

On voit mal comment un tel film pourrait sortir en salles hors de son pays d'origine, NEEDLE s'ingéniant à suivre un chemin anglo-saxon trop balisé. Si les crédits techniques sont honorables, l'ambition de l'entreprise ne dépasse que rarement celle d'une sortie sur le marché déjà bien encombré du "Direct To Video". Toutefois largement supérieur aux dizaines de produits tournés en DV dont on est gavé à longueur d'année, NEEDLE ne fait passer qu'un moment d'un intérêt très relatif... Aussitôt oublié...

Rédacteur : Francis Barbier
Photo Francis Barbier
Dévoreur de scènes scandinaves et nordiques - sanguinolentes ou pas -, dégustateur de bisseries italiennes finement ciselées ou grossièrement lâchées sur pellicule, amateur de films en formats larges et 70mm en tous genres, avec une louche d'horreur sociale britannique, une lampée d'Albert Pyun (avant 2000), une fourchettée de Lamberto Bava (forever) et un soupçon de David DeCoteau (quand il se bouge). Sans reprendre des plats concoctés par William Friedkin pour ne pas risquer l'indigestion.
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