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Critique du film et du DVD Zone 1
TOKYO GORE POLICE 2008

 

Dans un Japon futuriste et en proie à la dépression, le gouvernement a décidé de laisser la justice entre les mains d'une police privée aux méthodes particulièrement expéditives. Ruka, fille d'un flic assassiné, exerce ses talents au sein de ces forces de l'ordre d'un nouveau genre. Elle y tient le poste de «Engineer Hunter», une experte en charge d'exterminer des individus physiquement altérés dans le but de devenir des armes. L'un d'eux en particulier semble être à l'origine d'une nouvelle vague de crimes pour le moins sauvages…

Nous l'avions déjà évoqué lors de notre chronique de MACHINE GIRL, TOKYO GORE POLICE est le fruit d'une seconde collaboration entre la firme américaine «Fever Dreams» et la «Nikkatsu», société japonaise quasi-centenaire connue notamment pour les deux décennies qu'elle consacra aux «Roman Porns» (des porno-soft nippons). Cette coopération semble être la résultante directe et inévitable du succès que rencontre depuis quelques années le cinéma horrifique asiatique sur les écrans internationaux. La vague RING ayant ouvert une brèche, différents éditeurs DVD y ont rapidement plongé pour en tirer quelques «perles» inédites issues bien souvent du milieu du V-Cinema. Décalés, frénétiques, inventifs et libérés des contraintes liées au cinéma dit «classique», ces films à destination du marché vidéos sont souvent perçus comme «extrêmes», que ce soit dans l'horreur, le gore, le sexe ou tout simplement leur aspect décalé. De part sa folle énergie et sa débauche insensée d'effets saignants outranciers, MACHINE GIRL pouvait sans mal se classer dans cette catégorie de films «autres» à même de séduire un public international en attente d'exubérances «made in japan». Satisfaits à juste titre de cette première collaboration, les compagnies «Fever Dreams» et «Nikkatsu» remettent donc très vite le couvert et se tournent cette fois-ci vers un spécialiste des effets spéciaux…

C'est donc Yoshihiro Nishimura, responsable entre autres des délires gores de MEATBALL MACHINE et MACHINE GIRL, qui aura l'honneur de réaliser le métrage. Depuis plus de dix ans maintenant, l'homme évolue dans le monde du cinéma underground et a, à l'évidence, pris le temps d'apprendre auprès des réalisateurs avec lesquels il a pu travailler. Aujourd'hui, il nous offre en effet un TOKYO GORE POLICE qui montre non seulement qu'il a parfaitement assimilé ses leçons mais qu'en plus, il s'avère tout à fait capable de nous livrer une œuvre aussi aboutie, voire davantage, que la plupart de celles de ses pairs. En effet, quelque soit le degré d'implication du spectateur, difficile pour celui-ci de ne pas être interloqué par la folle exubérance de ce métrage hors normes. Evoquons tout d'abord le «gore» du titre qui, à l'image de ce qui avait été fait sur MACHINE GIRL, remet au goût du jour les geysers de sang chers au loup solitaire de la saga BABY CART. Dans TOKYO GORE POLICE, le sang ne coule jamais, il jaillit comme l'eau d'un karscher, repeint des salles entières et peut même être utilisé pour se propulser ! Toujours ludiques, ces effusions apportent au métrage un aspect décalé bien souvent à la limite du cartoon. Mais plus que cela, le sang est aussi une explosion de couleurs au cœur d'un univers sombre et terne. En de nombreuses occasions, le sang sera ainsi utilisé pour magnifier une séquence ou, plus particulièrement, une actrice…

Cette actrice, ce sera la sublime Eihi Shiina, déjà aussi envoûtante que fatale dans le AUDITION de Takashi Miike. Qu'elle soit vêtue de son uniforme ou d'une bien courte tenue de geisha, la belle se montre tout aussi à l'aise et dégage une incroyable sensualité teintée de domination en parfaite adéquation avec l'imagerie globale du métrage. Car outre les effets sanglants et les nombreux membres tranchés qui envahissent le film de la première à la dernière minute, TOKYO GORE POLICE est aussi une œuvre laissant une grande place au corps, à sa mutilation et à son objectivisation. En plus de l'érotisme latent indissociable de Eihi Shiina, le film nous invite ainsi à un véritable voyage au cœur des débordements sexuels auxquels les japonais sont si souvent associés. Yoshihiro Nishimura nous conviera même plusieurs minutes durant à une «fête» lorgnant autant vers la «D-Up Party» (Dress Up Party) peuplée d'individus vêtus en Zentaïs (combinaison d'élasthanne moulante et généralement intégrale) que vers le cirque «barnumien» à la FREAKS. Dans cette ambiance sordide et sombre, le réalisateur nous confrontera alors à une série de créatures transformées au point de n'être plus que des «jouets», fruits abjects d'une censure frustrante couplée à la vision d'une féminité soumise à l'extrême. Défileront alors une femme à Bakunyus (des seins si gros qu'ils ne demandent qu'à exploser), une autre aux tétons grossièrement arrachés (à l'image de cette censure qui les masque systématiquement) ainsi qu'une femme-animal, reflet réel d'une imagerie fantasmatique très présente dans l'univers manga. Ce fascinant cocktail d'atrocités graphiques et de regard social prendra fin avec la vision d'une femme-chaise, étonnante variante de la Body-doll (poupée-tronc, objet de fétichisme au Japon), dont la «fleur» sur-épanouie aspergera le public pour son plus grand bonheur…

Comme nous venons de le dire, TOKYO GORE POLICE ne se contente donc pas la gratuité amusante de son aîné MACHINE GIRL. Non seulement il en repousse la folle inventivité, mais il s'offre en plus le luxe de lui adjoindre un regard particulièrement critique vis-à-vis de la société japonaise actuelle. Sexualité déviante, censure, politique, tout y passe avec bien souvent l'évocation d'un passé critiquable. La police privée par exemple, particulièrement volontaire dans sa manière de sanctionner les criminels, se voit vêtue à la manière des anciens samouraïs. Leur arme de prédilection sera le sabre et leurs voitures de fonction seront même surplombées par une toiture traditionnelle de type Kirizuma (toiture simple à deux pans) ! Nul doute qu'il s'agit pour Yoshihiro Nishimura d'une mise en garde, de sa vision d'un glissement de la société japonaise et d'un retour possible à un régime trop strict. Dans le contexte du film, dévoilant d'horribles mutations dignes de celles engendrées par la bombe à Hiroshima, le massacre organisé par les autorités en fin de métrage pourrait bien lui aussi évoquer les atrocités commises lors de la seconde guerre mondiale... Bien plus explicites seront les amusantes publicités qui viendront, à l'image de celles vu dans ROBOCOP ou STARSHIP TROOPER, pointer du doigt certains des «travers» affectant le pays. En l'occurrence, il s'agit là de parler du taux de suicide anormal qui touche l'archipel, notamment chez la jeune génération. De toutes évidences, Yoshihiro Nishimura n'a pas oublié les semaines passées sur le tournage de SUICIDE CLUB et nous en ressert ici le propos, de manière bien évidemment très allégée. Les slogans anti-suicide («Harakiri, c'est aussi un suicide : Arrêtez Harakiri !») succéderont donc à une série de publicités dont l'une est dédiée à des goodies «tendances» destinés à s'ouvrir les veines ! Le paradoxe de la société japonaise se retrouve ainsi imagé là, à travers cette télévision qui prône tout et son contraire, tente de juguler une plaie tout en incitant à l'élargir…

Même s'il fait preuve de moins de «classe» que BATTLE ROYALE en s'orientant davantage vers la série B décomplexée et caoutchouteuse, TOKYO GORE POLICE n'en est pas moins un film malade au propos métaphorique particulièrement pessimiste. Mais à l'image de Kinji Fukasaku, Yoshihiro Nishimura n'en oublie pas pour autant son spectateur et la vocation divertissante du cinéma. En plus des différents points abordés, il semble donc bon de souligner par exemple le soin tout particulier apporté à la bande originale dont les propos sont aussi décalés que volontairement débiles ! Il est du reste intéressant de constater que ces «performances» musicales n'interviennent que lors de temps morts, agissant ainsi comme un narrateur au discours aberrant… Inutile de cacher cependant que ces instants restent assez rares. Car s'il peine quelque peu lors de son premier tiers, le rythme de TOKYO GORE POLICE s'envole bien vite, allant crescendo jusqu'à l'explosion de bonheur finale qu'est l'altercation entre Ruka et son ennemi juré. A cet instant précis, le film gagne assurément ses galons de «Bisserie culte» et finit de répondre en beauté aux attentes engendrées depuis plusieurs mois par l'apparition sur le web de sa fabuleuse affiche.

S'il est évident que TOKYO GORE POLICE n'est pas un film accessible à tous, il est en revanche de ces films qui ne peut en aucun cas laisser indifférent. Tout d'abord par son approche organique parfaitement comparable à celle d'un Cronenberg anté-oscarisable ou de mangas comme «Arms». Ensuite, par son exubérance sans limite, affectant tous les domaines auxquels il se frotte. Et enfin par la fascination contre-nature qu'il provoque via l'attrait de la laideur, la perfection dans la mutilation, l'intérêt pour la déviance, etc... Tout cela pourrait très bien être résumé par l'image d'une femme-tronc au visage masqué, harnachée et traitée comme une bête mais dégageant malgré tout une sensualité féline étonnamment troublante… Avec son film, Yoshihiro Nishimura réussit à donner corps à tous ces paradoxes et à nous livrer une œuvre qui, malgré son indiscutable aspect foutraque, se montre en réalité particulièrement riche et construite, que ce soit dans le fond comme dans la forme. Gageons donc que le bonhomme ne perdra pas de sa folle imagination et qu'il saura très bientôt nous livrer une nouvelle œuvre aussi déroutante et divertissante que ce TOKYO GORE POLICE.

Comme ce fût le cas pour MACHINE GIRL, TOKYO GORE POLICE a fait le tour des festivals internationaux et autres manifestations (voir notre point sur le Week-end de la peur 2008) avant d'être édité en DVD. Là encore, ce seront les Etats-Unis qui se verront servis en premiers via l'éditeur Tokyo Shock. Pour un film au casting exclusivement japonais, cette priorisation a de quoi surprendre mais ne nous plaignons pas puisque nous pourrons donc découvrir le métrage sans avoir à débourser les sommes folles qu'induisent l'import nippon. Cela nous permettra par ailleurs de disposer d'une édition intégralement sous-titrée en anglais. Ces derniers épaulent du reste notre vision du film avec un certain brio puisque les chansons mentionnées dans la chronique se voient elles aussi traduites et retranscrites. Sur le plan sonore, il sera possible d'opter pour la version originale japonaise ou pour un doublage anglais sans intérêt. Dans les deux cas, le spectateur pourra choisir entre un format stéréo et un encodage en Dolby Digital 5.1. Les options multi-canaux ne s'avèrent guères convaincantes et l'ambiance sonore se portera essentiellement sur les avants. Nous favoriserons sans surprise la piste originale 5.1 aux dialogues dynamiques et à l'énergie appréciable.

Du côté de l'image, notre constat sera à peu de chose près le même que celui fait lors de la chronique de MACHINE GIRL. A savoir que malgré un encodage 16/9ème respectant le ratio 1.78 d'origine, la définition n'est malheureusement pas toujours optimale. La copie est parfaitement propre mais les couleurs manquent de pèche et les contrastes se montrent en deçà de nos attentes... L'encodage s'avère pour sa part perfectible en de nombreuses occasions. En bref, nous avons là un transfert honnête mais tout même assez éloigné des standards actuels du support DVD... La section bonus est pour sa part assez limitée puisque nous n'y trouverons qu'une maigre série de bandes-annonces. Celle de TOKYO GORE POLICE bien évidemment mais aussi celles de quatre autres métrages asiatiques édités par le label Tokyo Shock : THE NEIGHBOR NUMBER 13, DEVILMAN, FUDOH et VERSUS.

Rédacteur : Xavier Desbarats
Photo Xavier Desbarats
Biberonné au cinéma d'action des années 80, traumatisé par les dents du jeune Spielberg et nourri en chemin par une horde de Kickboxers et de Geishas, Xavier Desbarats ne pourra que porter les stigmates d'une jeunesse dédiée au cinéma de divertissement. Pour lui, la puberté n'aura été qu'une occasion de rendre hommage à la pilosité de Chuck Norris. Aussi, ne soyons pas surpris si le bougre consacre depuis 2006 ses chroniques DeViDeadiennes à des métrages Bis de tous horizons, des animaux morfales ou des nanas dévêtues armées de katanas. Pardonnez-lui, il sait très bien ce qu'il fait...
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L'édition vidéo
TOKYO ZANKOKU KEISATSU DVD Zone 1 (USA)
Editeur
Tokyo Shock
Support
DVD (Double couche)
Origine
USA (Zone 1)
Date de Sortie
Durée
1h50
Image
1.78 (16/9)
Audio
Japanese Dolby Digital 5.1
Japanese Dolby Digital Stéréo
English Dolby Digital 5.1
English Dolby Digital Stéréo
Sous-titrage
  • Anglais
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