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Critique du film et du DVD Zone 2
CUJO 1983

 

Donna, Vic et leur fils Tad forment une petite famille aimante et paisible. Cependant, Donna, manifestement en proie au doute, s'autorise une liaison avec Steve Kemp, le meilleur ami de Vic. Alors qu'elle s'apprête à y mettre fin, son mari découvre le pot aux roses et voit rouge. Partagé entre son amour et la haine qui bout en lui à l'issue de cette tromperie, ce cornu de Vic décide de prendre le large pour quelques temps afin de réfléchir… Comme une tuile n'arrive jamais seule, c'est bien entendu à ce moment précis que la voiture de Donna présente de sérieux signes de fatigue. Elle se rend donc chez un garagiste isolé pour un état des lieux de sa Ford Pinto mais bien vite, l'horreur frappe à sa portière sous la forme d'un énorme Saint Bernard enragé. Prisonnière de sa voiture avec son fils de cinq ans, victime d'une chaleur suffocante, submergée par la panique et témoin de la mort lente de son rejeton, Donna devra affronter le monstre de poils et de crocs rendu fou par la maladie.

Initialement, CUJO est un roman de Stephen King nous contant donc l'histoire d'un Saint Bernard rendu malade et fou des suites d'une morsure de chauve-souris enragée. Bien qu'il ne soit pas reconnu comme l'une des pièces maîtresses de la bibliographie de l'auteur, ce roman de 1981 est aussitôt pressenti pour une adaptation sur grand écran. King, enthousiasmé par la vision de L'INCROYABLE ALLIGATOR, se permet même de proposer un réalisateur pour cette adaptation a priori risquée : Lewis Teague. Malgré cela, le réalisateur, fraîchement issu de l'industrie Corman, aura toutes les peines du monde à obtenir le poste et ce n'est qu'au prix de maintes discussions qu'il pourra commencer à monter ce projet qui aboutira en 1983. Dans les mains de Lauren Currier, le scénario de CUJO adopte une forme très proche de celle du roman, reprenant du reste une bonne part des dialogues du livre et l'intégralité de ses sous intrigues. Jugé excellent mais trop long, ce premier jet est confié aux bons soins de Don Carlos Dunaway qui élaguera donc le récit tout en restant le plus fidèle possible au matériau d'origine. Mission accomplie puisque CUJO, le film, ne dépaysera en aucun cas le lecteur amoureux de l'œuvre du Maître de l'horreur. Le pari était cependant des plus risqués. En effet, comme dans beaucoup de nouvelles ou de livres de King, la psychologie et les sentiments des personnages sont extrêmement développés et pour tout dire, au cœur de l'intrigue. Dans le cas de CUJO, ce sont bien entendu ceux des différentes victimes mais aussi du chien enragé qui nous sont exposés ! Si l'idée de retranscrire à l'écran des émotions et réflexions purement canines semble irréaliste voire grotesque, force est de constater que Lewis Teague s'en sort formidablement bien. Aidé en cela par le directeur de la photographie Jan De Bont, Teague nous propose maintes scènes particulièrement suggestives nous permettant de saisir la moindre des émotions du monstre velu.

Nous parlons ici de monstre mais CUJO n'est, en début de métrage, qu'un brave toutou obéissant appréciant qu'on lui gratte la nuque avec complaisance. Cependant, dès le générique aux allures de BENJI, le pauvre animal subit les assauts d'une horde de chiroptères hargneux. A cet instant, le brave Saint Bernard débute la lente et douloureuse transformation qui fera de lui une bête sauvage, un monstre de violence attaquant l'Homme sans distinction de sexe ou d'âge. Nous vivons donc cette transformation via quelques procédés clef tels que l'amplification de bruits anodins semblant de plus en plus dérangeants, la succession de travellings simulant la vision affaiblie et tourbillonnante de l'animal ou, plus simplement, sa dégradation physique. Car à chacune de ses apparitions, le Saint Bernard semble de plus en plus amoché, abîmé, dégoulinant pour finir par n'être plus qu'une créature ignoble, indestructible dont on se demande quelle force la maintient en vie. Ce processus, progressif et remarquablement bien mis en scène, est assuré par pas moins de onze acteurs canins aux capacités diverses et variées. Parmi ceux-ci, nous noterons même la présence d'un Labrador déguisé, bien plus apte à accomplir les performances physiques requises. Mais à la vue de la violence de certaines scènes, il est évident que les chiens, aussi bien dressés soient-ils, ne suffisent pas. Les effets spéciaux prennent donc le relais et c'est bien entendu une tête mécanique qui vient s'écraser et déformer la portière de la Ford Pinto… Plus fort encore, c'est un homme muni d'une fausse peau de Saint Bernard qui réalisera certaines des attaques du film ! A la lecture de ces mots, le ridicule semble prendre le pas sur le réalisme. Il n'en est pourtant rien. La mise en scène soignée et la photo de Jan De Bont font là encore merveilles. La magie du trucage est quasi indécelable et pour tout dire, l'ensemble est écrasé par une tension quasi-palpable. Car ne nous y trompons pas, si CUJO est effectivement un enième film consacré à un animal agressif, il est aussi et surtout un huis clos brillamment réalisé. La seconde partie du métrage met ainsi en scène les personnages de Donna et de son fils, tous deux enfermés dans leur voiture exposée à une forte canicule. A l'extérieur rode évidement Cujo, bien décidé à éliminer toute forme vivante. Malgré l'unité de lieu particulièrement étriquée et la durée de l'affrontement plutôt longue (environ trente minutes), cette deuxième moitié de métrage fonctionne à merveille. La caméra virevoltante et particulièrement audacieuse brisera toute possibilité de monotonie en nous offrant plusieurs plans d'une qualité assez exceptionnelle. Nous citerons parmi ceux-ci un étourdissant travelling circulaire montrant en alternance la mère et son enfant, tout deux sous le choc du drame qui s'abat sur eux.

La violence des assauts est telle qu'il semble par ailleurs suicidaire de tenter une sortie et pourtant… Le personnage de Donna, interprété avec justesse et force par Dee Wallace-Stone (E.T. L'EXTRA-TERRESTRE), n'a d'autre choix si elle veut sauver son fils, en proie à de terrifiantes crises de panique. A ce titre, CUJO nous propose une interprétation générale de grande qualité. Dee Wallace-Stone retrouve ainsi Christopher Stone avec lequel elle partageait déjà l'affiche du HURLEMENTS de Joe Dante. L'homme interprète ici l'amant acceptant difficilement la rupture qui lui est imposée. Son rôle se voit malheureusement grandement adouci dans le métrage de Lewis Teague. Un classement PG-13 étant imposé, le réalisateur fait donc l'impasse sur certaines «crises» de folie qui étoffaient pourtant ce personnage et le rendait par là même réellement menaçant. Une scène à forte connotation érotique entre les deux amants sera par ailleurs supprimée du montage final au profit d'une scène de moindre envergure. Ces choix commerciaux pourront être jugés regrettables dans une adaptation voulue fidèle, reste cependant que l'essentiel est préservé…

Autre personnage masculin, le mari est incarné ici par un Daniel Hugh Kelly qui renouera plus tard avec l'univers canin dans le très familial LE MUTANT. Ce personnage est lui aussi projeté au second plan ce qui ne sera cependant pas le cas de son fils. Le tout jeune Tad Trenton sera donc le premier véritable rôle d'un Danny Pintauro alors âgé de cinq ans. Bien connu pour son rôle juste passable dans la série MADAME EST SERVIE, l'enfant-acteur se révèle incroyablement talentueux dans CUJO. Rarement enfant aura pris vie à l'écran avec autant de justesse. La première partie du métrage est du reste essentiellement consacrée à son personnage et à la description de ses peurs (autre thème récurrent des œuvres de Stephen King). Le chien enragé sera ainsi une concrétisation de ses frayeurs infantiles par ailleurs mises en images avec beaucoup d'authenticité. Cujo passe dès lors du statut de chien à celui de monstre, sans pour autant franchir le cap du fantastique comme cela était suggéré dans le roman d'origine. L'ensemble reste ancré dans une réalité terrifiante qui incitera sans doute le spectateur à regarder d'un oeil inquiet son compagnon placide.

CUJO est donc une indéniable réussite auquel il manquait toutefois une édition DVD de qualité. L'erreur est presque réparée avec l'apparition en Belgique, et dans plusieurs autres pays européens, d'un disque proposant le film avec un transfert 16/9 au format 1.78 proche du cadrage d'origine. L'image est d'excellente tenue et quasiment exempte de défaut. Les couleurs sont chaudes et rendent justice au travail de Jan De Bont, désireux de créer une ambiance caniculaire alors que le tournage se déroulait par temps de pluie !

Le disque propose par ailleurs la version originale anglaise dans un mono très clair. Bien qu'il s'agisse de l'unique piste audio du DVD, le spectateur pourra sans doute trouver son bonheur avec l'un des nombreux sous-titrages proposés. Malgré cette abondance, pas de trace cependant d'un français qui aurait pu être salvateur pour certains…

En terme de bonus, cette édition dite «Collector» n'en propose qu'un seul et unique : Le commentaire audio (sous titré en anglais) du principal intéressé, Lewis Teague. L'homme parle avec conviction de ce film qu'il considère à juste titre comme son meilleur. Il évoque bien entendu les difficultés qu'il a rencontrées pour en obtenir la réalisation mais aussi l'aisance financière inhabituelle dont il a pu profiter. Il cite ses sources d'inspiration, qu'elles soient évidentes (LES DENTS DE LA MER avec un clin d'oeil lors la scène du repas en famille) ou plus pointues (SEULE DANS LA NUIT). Il s'explique aussi quant aux libertés prises avec la fin, différente de celle du roman selon les volontés du romancier… Pourtant, malgré son entrain et son amour pour le film, l'homme arrive bien vite aux limites de ce qu'il peut nous dire. Il devient par exemple très répétitif lorsqu'il parle de son directeur de la photographie ou de son autre collaboration avec Stephen King sur un projet partiellement animalier : CAT'S EYE. L'homme n'en demeure pas moins intéressant mais ne nous apprendra pour ainsi dire rien quant aux effets spéciaux, dressage des animaux ou même les rapports avec les différents acteurs. Un commentaire purement lié au métier de la réalisation en somme qui nous laissera quelque peu sur notre faim, d'autant que les quelques scènes coupées évoquées sont désespérément absentes du disque. Bien qu'incomplète, cette édition DVD n'en demeure pas moins techniquement excellente et constitue actuellement la meilleurs alternative pour découvrir CUJO.

CUJO s'impose comme une vraie réussite, proposant non seulement une adaptation de qualité mais aussi un métrage à la photographie soignée et souvent inventive. Les acteurs, avec en tête le très jeune Danny Pintauro, nous offrent là des prestations étonnantes pour ce qui est sans aucun doute l'un des meilleurs films d'agressions canines. Loin de l'exubérance de MAX, LE MEILLEUR AMI DE L'HOMME ou de l'abondance de DOGS, CUJO reste encore aujourd'hui un face à face homme / animal des plus aboutis, un film que l'édition belge proposée à bas prix rend tout simplement immanquable.

Rédacteur : Xavier Desbarats
Photo Xavier Desbarats
Biberonné au cinéma d'action des années 80, traumatisé par les dents du jeune Spielberg et nourri en chemin par une horde de Kickboxers et de Geishas, Xavier Desbarats ne pourra que porter les stigmates d'une jeunesse dédiée au cinéma de divertissement. Pour lui, la puberté n'aura été qu'une occasion de rendre hommage à la pilosité de Chuck Norris. Aussi, ne soyons pas surpris si le bougre consacre depuis 2006 ses chroniques DeViDeadiennes à des métrages Bis de tous horizons, des animaux morfales ou des nanas dévêtues armées de katanas. Pardonnez-lui, il sait très bien ce qu'il fait...
47 ans
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241 critiques Film & Vidéo
5 critiques Livres
On aime
Une excellente interprétation
Un huis clos angoissant
Un chien qui a de la gueule
On n'aime pas
Une légère édulcoration de la violence du roman
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L'édition vidéo
CUJO DVD Zone 2 (Belgique)
Editeur
Support
DVD (Double couche)
Origine
Belgique (Zone 2)
Date de Sortie
Durée
1h30
Image
1.78 (16/9)
Audio
English Dolby Digital Mono
Sous-titrage
  • Anglais
  • Espagnol
  • Supplements
    • Commentaire audio de Lewis Teague
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