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Critique du film et du DVD Zone 2
HAPPY FEET 2006

 

Depuis quelques années, le septième Art se dote de films d'animation dont l'indéniable maturité thématique bénéficie de performances techniques de plus en plus ahurissantes. Co-réalisé en 2006 par George Miller, HAPPY FEET confirme cette tendance en conférant à l'anthropomorphisme classique des fables et contes édifiants un réalisme inégalé. Pour ce, le réalisateur des MAD MAX, SORCIÈRES D'EASTWICK et le géniteur au cinéma de BABE, exploite la compétence d'un nombre impressionnant d'artistes et techniciens chargés de matérialiser un scénario écrit en compagnie de Warren Coleman, John Collee et Judy Morris. L'utilisation du procédé de motion capture explique pareillement la présence du célèbre danseur Savion Glover au générique. Afin de donner vie aux animaux, ce dernier trouve dans la voix des comédiens Elijah Wood, Hugh Jackman, Nicole Kidman et Robin Williams, une aide précieuse prouvant qu'il reste encore possible de concilier nouvelles technologies et savoir-faire traditionnel. Le public ne s'y est pas trompé pour accueillir cette œuvre avec un enthousiasme qui justifie une analyse détaillée.

Lorsque deux membres d'une colonie de Pingouins Empereur souhaitent exprimer leur flamme, le chant demeure la seule façon de parvenir à faire comprendre à l'autre l'intensité du sentiment. Épris de Gloria (Brittany Murphy), le jeune Mumble (Elijah Wood) souffre d'une aphonie à l'origine de maintes moqueries et vexations. Le groupe accuse alors notre héros d'être la principale cause de la famine pour finalement l'exclure. L'exilé entame un long voyage au cours duquel il se liera avec d'étranges animaux.

HAPPY FEET s'inscrit dans la veine des films d'animation américains contemporains en proposant une grille de lecture à deux niveaux, tout à la fois interprétable par les adultes et les enfants. Ces derniers se voient ainsi offrir un scénario extrêmement simple qui, faute d'intrigue secondaire, flash back et autre ramification narrative, affiche une linéarité centrée sur l'action même. Point de temps mort dans un récit d'initiation qui permettra aux tout petits de suivre avec délectation les aventures d'un amusant manchot. L'histoire progresse rigoureusement en enchaînant des scènes parfois très drôles ou émouvantes. La couvaison rocambolesque des oeufs, l'amour naissant entre Mumble et Gloria, une rencontre inopinée avec d'étranges pingouins ou bien de terrifiants extraterrestres, enflammeront les imaginations et sens toujours fertiles du jeune public. Contaminé par l'enthousiasme débordant du métrage, le spectateur adulte s'abreuve à cette fontaine de jouvence sans pour autant subir l'inopportune action d'une régression débilitante. En cela, Miller pare au danger en pourvoyant son oeuvre d'assises référentielles qui parleront naturellement aux “vieilles” générations. Qu'elle vise une pratique sociale (rassemblement religieux), un genre cinématographique (épique) ou un titre précis (RENCONTRES DU TROISIÈME TYPE, la parodie double efficacement la narration première en évitant d'en ralentir le déroulement. Tout public, HAPPY FEET exploite l'opportunisme des formules qui ont entre autres contribué à faire des productions Pixar et Dreamworks de grands succès. À l'image de ses prédécesseurs et conformément à la tradition, le film se donne un objectif édifiant. Assumer sa différence au sein d'une communauté et se soucier du devenir de la planète, voilà les principaux messages délivrés ici.

En premier lieu, les mésaventures de Mumble trouvent leur origine dans une uniformité sociale dont il demeure bien difficile de s'affranchir. Parce qu'il préfère la danse au chant, notre héros suscite la moquerie puis la méfiance du groupe. D'abord méprisable, l'originalité génère l'angoisse en remettant implicitement en cause l'ensemble des valeurs qui constituent l'inévitable ciment d'une société. À ce titre, la métaphore animalière cultive l'analogie physiologique de manchots dès lors enclins à illustrer un conformisme considéré comme inhérent à tout rassemblement. Apparemment indissociables, les bêtes accusent une dépersonnalisation censée leur conférer quelque sécurité. Comme souvent, le postulat anthropologique se modalise en phénomène sociologique afin de dénoncer une certaine forme d'obscurantisme religieux. “Opium du peuple”, la religion entretient l'anidentité des ouailles qui, de la sorte, s'avèrent incapables de distinguer le vrai du faux. Guère originale, cette perspective d'approche est davantage intéressante lorsqu'elle s'attaque aux archétypes familiaux.

Invalider le bien-fondé d'une ressemblance à l'autre revient à enlever au père son rôle de modèle. En effet, l'entrée dans l'âge adulte sous-tend une rupture généalogique, voire une révolte contre le “patriarche”. Ce dernier accepte difficilement une nouvelle autonomie qui par définition appelle à réfléchir au délicat problème du poids attribuable aux connaissances innées et acquises. Se désolidariser du père et par élargissement de son éducation pour s'affirmer comme un individu à part entière, la puberté équivaudra à une libération fort salutaire. Cette dernière conduit Mumble à prendre conscience d'un monde extérieur visiblement bien mal au point.

Nul besoin de dévoiler le terme de l'aventure pour mentionner l'omniprésence d'un arrière-plan écologique chargé d'interpeller petits et grands sur la nécessité de respecter l'écosystème. La sagesse du propos gouverne une mise en scène qui se refuse à nous en mettre “plein la vue”. Si les glissades, danses ou déplacements marins relèvent du tour de force, le cinéaste semble d'abord ambitionner une harmonisation parfaite des composantes du métrage. Les scènes d'action succèdent à leurs équivalentes dialoguées pour aboutir à des images de danse et chant, le tout avec un naturel entre autres redevable à leur équilibrage. Cette propension au “moyen terme” s'inscrit dans une optique philosophique. Pour prendre en compte les lois de la nature, l'homme doit reconsidérer sa place au sein de l'univers et accepter le caractère dérisoire de faits et gestes qui, paradoxalement, influent sur le destin de notre planète. L'interaction entre les infiniment petit et grand restaurera une Harmonie universelle dont la rigueur formelle d'HAPPY FEET illustre les bienfaits.

De fait, Miller alterne perspectives globalisantes (la Terre perçue de la galaxie, immensité du pôle Nord, panorama urbain) et singulières (gros plans sur les manchots) non pour les opposer mais au contraire afin de repérer et reproduire leur point de convergence. Aussi, le spectateur appréciera la scène qui montre à voir Mumble s'élancer dans le vide. Toujours impressionnante, la sensation de vertige consécutive au procédé de focalisation interne cède rapidement la place à une curieuse “apesanteur” lorsque la “caméra” décide de rompre le processus d'identification en observant la bête de haut. Cette distanciation et l'impression de paix qui en ressort consacre l'indéniable subtilité — et donc modestie — d'une mise en scène conforme aux thèmes développés. À cela s'ajoutent les parodies de films musicaux (notamment ceux de Fred Astaire) dont la drôlerie raisonne comme un clin d'oeil ironiquement lancé aux prestigieux studios Disney lesquels en accordant une importance parfois démesurée au chant, trouvent au sein de productions telle HAPPY FEET, sinon des concurrents, du moins des contrepoints tant thématiques qu'esthétiques.

De manière générale, Miller offre au public un film d'animation intelligent pour évoquer les conséquences, ici considérées comme évitables, de l'inconscience humaine. Face à l'optimisme du cinéaste, le spectateur pourrait malheureusement rire jaune en constatant qu'un tel avertissement guida la plume de Jean de La Fontaine voilà plus de quatre siècles! En dépit du temps écoulé, l'Homme se trouve encore dans la situation qui justifia l'une des instigations les plus célèbres de la littérature française: “Vous chantiez? J'en suis fort aise. / Eh bien! dansez maintenant.

Les qualités techniques du DVD estampillé Warner traduisent à merveille l'excellent travail effectué par George Miller et son équipe sur HAPPY FEET. Irréprochable tant au niveau des contrastes que de l'encodage, le cinémascope respecté met en exergue le réalisme époustouflant des paysages polaires, marins et même urbains dont la beauté quasi picturale complète celle d'un ciel souvent troublé par de subtiles variations climatiques. Pareillement impressionnantes, les scènes de danse bénéficient d'un son Dolby Digital 5.1, nettement plus pêchu et défini en version originale sous-titrée, qui ravira les amateurs des chansons mais point les mélomanes tant il excelle à rendre justice au talent de certains interprètes. En ce qui concerne les dialogues, le doublage français présente un mixage bien moins raffiné que la version originale sous-titrée mais, fort heureusement, conserve les chansons en langue originale.

L'intelligence du métrage n'a guère inspiré l'interactivité du DVD. En effet, l'édition “Collector” propose une série de bonus qui, au final, présentent un intérêt fort limité. Introduite par George Miller, la scène modifiée en l'honneur de Steve Irwin s'avère peu convaincante tout comme la brève séquence “coupée” qui lui succède. Présentée par Carlos Alazraqui, Lombardo Boyar, Jeffrey Garcia et Johnny Sanchez (voix des pingouins Alédie), une leçon d'espagnol fait presque office de remplissage, fonction qui semble de même justifier la présence de trois clips abscons. Si “Danse comme un pingouin” transforme en inutile démonstration de danse ce qui aurait pu (dû?) constituer une analyse passionnante du procédé de motion capture, les “coulisses d'Happy feet” comblent partiellement cette dernière lacune. Essentiellement promotionnelles, les interventions de George Miller, Elijah Wood, Nicole Kidman, Hugh Jackman et Robin Williams conduisent laborieusement le Making-of à revenir sur les enjeux techniques du film, trop brièvement à notre goût! Dépités, nous passerons la bande-annonce (version originale non sous-titrée) pour apprécier “I love to Singa”, petite merveille réalisée par Tex Avery.

Rédacteur : Cécile Migeon
46 ans
33 critiques Film & Vidéo
1 critiques Livres
On aime
Une utilisation intelligente du motion capture
La drôlerie de quelques scènes
Le message écologique
Les séquences de danse
On n'aime pas
L’interprétation de certaines chansons
L’interactivité de l’édition collector
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L'édition vidéo
HAPPY FEET DVD Zone 2 (France)
Editeur
Support
2 DVD
Origine
France (Zone 2)
Date de Sortie
Durée
1h44
Image
2.35 (16/9)
Audio
English Dolby Digital 5.1
Francais Dolby Digital 5.1
Dutch Dolby Digital 5.1
Sous-titrage
  • Arabe
  • Néerlandais
  • Anglais
  • Français
  • Supplements
    • “Mumble rencontre une baleine bleue” (3mn20)
    • “Un instant HAPPY FEET” (0mn29)
    • “Danse comme un pingouin” (5mn21)
      • Clips vidéo
      • ”Hit Me Up” par Gia
      • ”The song of the heart” par Prince
      • ”Somebody to love” par Brittany Murphy
    • “Les claquettes d’Happy Feet” (4mn22)
    • “Leçon d’espagnol avec les pingouins Adélie” (5mn09)
    • “Les coulisses d’Happy Feet pour découvrir les secrets d’un film d’animation” (13mn02)
    • “I Love to Singa” (7mn52)
    • Bande-annonce
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