4. Interview de Antti-Jussi Annila

Avant la projection de son film Antti-Jussi Annila est venu sur scène présenter son film. Là, il a livré une anecdote très surprenante. En effet, son film aurait dû être, à l'origine, un slasher tout ce qu'il y a de plus conventionnel. Après la vision du film, cette révélation sonnait un peu comme une blague compte tenu de ce que nous venions de voir. Il apparaît dès lors logique de lui demander ce qu'il en était vraiment. Le lendemain, durant quinze minutes, le cinéaste a donc répondu à nos questions en tête à tête. Toutefois, faites attention car il y a quelques révélations qui pourraient éventuellement vous gâcher la vision du film.

DeVilDead : Hier, lorsque vous avez présenté le film sur scène, vous avez évoqué le projet original de SAUNA. A savoir qu'un producteur vous propose de tourner un film avec un sauna hanté ou un tueur en série dans un sauna. A la vue du métrage, je me demandais si c'était vrai ou bien une blague.

Antti-Jussi Annila : C'est tout à fait vrai.

Car lorsqu'un producteur vous demande faire un film à propos d'un sujet résolument commercial et que vous arrivez finalement avec un film qui n'a rien à voir, cela ne pose pas un problème ?

C'est vrai que c'est totalement différent. Mais en fait, le producteur voulait de nouveau travailler avec moi. Ils avaient déjà produit mon premier film, JADE WARRIOR, et ils avaient donc la vague idée de mettre en chantier un film d'horreur assez classique, une sorte de slasher en quelque sorte. Avec un titre comme SAUNA, cela laissait à penser que l'on partirait vers un métrage teinté de comédie et ayant pas mal de nudité. Ils voulaient vraiment que je le fasse mais honnêtement je ne pouvais même pas concevoir l'idée de réaliser un film de ce genre. Je ne suis vraiment pas capable de réaliser un film de ce type. Je voulais vraiment faire quelque chose de différent. Donc, ils m'ont dit qu'ils étaient d'accord pour essayer autres choses. Ils ont vraiment apprécié le synopsis du film tel qu'il est aujourd'hui. Cela n'a donc rien à voir mais cela reste un film d'horreur.

Quel a été la première réaction du producteur en découvrant la nouvelle direction qu'allait prendre le projet ?

En premier lieu, la réaction fut assez mitigée car il savait que cela n'allait pas être un film facile à appréhender pour le public. Mais ils aimaient bien l'idée et on a donc pu faire le film ainsi.

Le film s'inscrit dans un contexte historique se déroulant dans le passé où des factions s'affrontent pour des questions de territorialités et de religion. Est-ce que c'était aussi une façon de porter un regard sur le monde d'aujourd'hui ?

Oui, exactement. A l'origine, nous ne voulions pas forcément faire un film se déroulant à cette période en particulier. Finalement, nous avons arrangé pas mal de chose pour leur donner un style intemporel car je pense qu'en fait, les problèmes et les gens sont en réalité les mêmes.

Dans le film, il y a donc un village situé au milieu des marais qui ne semble pas véritablement avoir de problème. Mais quand les Finlandais et les Russes arrivent, c'est un peu comme si ils amenaient leurs problèmes menant à la destruction de l'endroit.

Tout à fait. C'est un endroit assez particulier puisqu'il est possible d'y trouver le pardon. Mais en soit, ce n'est pas un lieu bénéfique. Donc les villageois essaient de vivre de la meilleure façon possible. Et puis tout à coup, ce groupe de "pêcheurs" débarquent à cet endroit et agissent de façon plutôt mauvaise. Mais c'est aussi un fait historique car lorsqu'ils ont dessiné les frontières en 1595, ils arrivaient dans des villages et déterminaient à qui il appartenait. Cela pouvait mener à couper en deux le village en provoquant d'inévitables problèmes au sein de la population.

Pour vous c'est un groupe de "pêcheurs" mais j'ai trouvé l'officier russe plutôt libéral alors qu'en face de lui, il a affaire à son opposé. Erik étant manifestement un ultra nationaliste empli de haine. Le frère d'Erik est, quant à lui, bien plus proche de l'officier russe. Pour moi, c'était un peu comme si il détestait l'officier russe car il lui rappelle son frère et ce qu'il n'est pas. C'était votre intention de créer ce contraste entre ces deux personnages ?

Complètement ! J'aime le contraste. Je n'aime pas les groupes uniformisés. La raison pour laquelle Erik déteste autant l'officier russe, c'est avant tout parce qu'il est un homme beaucoup plus sage et éduqué que lui.

Le thème de l'homosexualité est présent dans le film et on peut se demander si l'un des Russes est attiré par Erik de ce point de vue ou simplement parce qu'il représente un personnage fort, moins enclin à faire des concessions…

Clairement, le capitaine russe a le béguin pour le plus jeune des frères. A vrai dire, personne n'a rien à y redire à l'exception d'Erik. C'est lui qui finalement en fait quelque chose de sombre et de sale. Mais après que Knut soit entré dans le sauna, il n'est plus le même. Il devient une entité plus sombre et il va justement se servir de cet amour pour faire tuer l'officier supérieur qui est une figure paternelle assez forte. Mais nous voulions utiliser le thème de l'homosexualité pour montrer comment des personnages relativement maléfiques pouvaient polluer et salir cela.

A la vision du film, on peut se demander pourquoi le film continue après que le personnage principal entre dans le sauna car c'est un peu comme la finalité de l'histoire…

Nous avons eu des moments lors de l'écriture où nous avons voulu placer la fin du film au moment où il entre dans le sauna. Mais je voulais appuyer un peu plus le fait que même si Erik veut sauver la petite fille, il est déjà à un point où il est trop tard et ce même si il peut enfin entrer dans le sauna.

Le dernier dialogue entre Erik et l'enfant est particulièrement touchant. Mais finalement, à la fin, vous tuez la petite fille. C'est assez surprenant car si les autres ont résolu leurs problèmes en entrant dans le sauna elle ne semble pas du tout liée à cela…

L'enfant n'a effectivement rien fait de mal. Mais l'influence de Erik ne s'arrête pas, c'est un peu comme une pollution, quelque chose qui tâche les alentours et donc les gens qui se trouvent à son contact. Donc même si ils décident finalement de faire une bonne action, il est trop tard. Car dans la vie, il arrive un moment où il est trop tard pour se racheter. Mais c'est aussi pour dire clairement que les personnes innocentes souffrent elles aussi par la faute des autres.

Pourquoi avez vous choisi de tourner le film à Prague ? Ca peut sembler curieux d'aller s'installer ailleurs alors que l'action se déroule en Finlande, votre propre pays…

Nous n'avions pas assez d'argent pour construire le village. Nous avons essayé de trouver un lieu en Finlande mais ce ne fut pas possible. D'un autre côté, si nous avions construit le village en Finlande, je pense que nous aurions perdu quelque chose des bois où nous avons tourné. La lumière et les teintes y sont par exemple très différentes. Pour moi, il y a une grande différence émotionnelle et cela s'avère bien mieux pour l'ambiance. Car finalement, le village n'appartient pas vraiment à la Finlande ou à la Russie. Cela donne un peu cette impression d'un "no man's land". Et au niveau des coûts, il n'y avait pas de grande différence entre tourner en Finlande ou à Prague.

Enfin, nous avons été surpris de voir au générique que vous remerciez Charles Bronson.

Tout à fait.

Charles Bronson, l'acteur américain ? Pourquoi ?

Nous avons créé un club en Finlande quand nous étions plus jeunes et nous l'avions nommé Charles Bronson Club. Nous voulions être l'homme que Charles Bronson a toujours voulu être.

C'est plutôt surprenant car dans l'inconscient collectif, le nom de Charles Bronson fait penser à la série des UN JUSTICIER DANS LA VILLE et donc évidemment cela mène vers des idées politiques un peu extrême…

Quand moi je pense à Charles Bronson, je pense à IL ETAIT UNE FOIS DANS L'OUEST ou LES SEPT MERCENAIRES. C'est l'homme que Charles Bronson aurait voulu être et en vieillissant ça l'a rendu triste. Donc nous parlions de la tristesse de Charles Bronson. Mais nous ne parlions pas de sujets politiques. En fait, Charles Bronson était une personne qui aurait voulu être un homme meilleur que ce qu'il était vraiment.

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Dossier réalisé par
Francis Barbier & Christophe Lemonnier
Remerciements
Antti-Jussi Annila, Annelise Landureau, Camille Bonvallet, les organisateurs et tous les bénévoles du Festival du Film Fantastique de Gérardmer