Dans un autre monde, la sorcière Gray Alys a le pouvoir d’exaucer les vœux qu’on lui demande. Elle est alors mandatée par la souveraine de la ville pour lui donner le pouvoir de se transformer en loup. Pour que cela soit possible, la sorcière s’adjoint les services d’un aventurier et entame une quête dans les contrées perdues…
En 1982, quand George R.R. Martin publie le recueil de nouvelles «In the lost lands» («Dans les contrées perdues»), sa réputation n’est pas auréolée de nombreuses réussites publiques. II publie des nouvelles et romans depuis les années 70 en grande partie marqués par la Science-Fiction mais aussi l’horreur et la Fantasy. Il se tourne même vers la télévision en participant à l’écriture de séries comme LA CINQUIEME DIMENSION ou LA BELLE ET LA BETE. Il est aussi initiateur d’une série intitulée DOORWAYS dont la chaîne de télévision (nom de la chaine) décida de ne jamais diffuser le pilote. Tout cela nous mène au milieu des années 90 où l’auteur publie le premier livre consacré à l’univers de Westeros. Il remporte un certain succès auprès des fans de Fantasy littéraire mais la véritable explosion du phénomène surviendra en 2011 avec la série télévisée GAME OF THRONES. Les livres deviennent alors de véritables succès en librairie un peu partout dans le monde.
La popularité de la série ne cessant de croître, le nom de George R.R. Martin intéresse les producteurs. Le projet d’une série WILD CARDS d’après une série de ses livres entre gestation mais reste encore aujourd’hui dans les limbes. Syfy reprend une nouvelle des années 80 pour en faire la série NIGHTFLYERS qui avait déjà été adaptée en 1987 avec NIGHTFLYERS de Robert Collector qui était passé inaperçu. C’est dans ce contexte que le producteur Constantin Werner fait l’acquisition de trois nouvelles de l’auteur publiée entre 1976 et 1982 : «Un luth constellé de mélancolie» («The Lonely Songs of Laren Dorr»), «Aprevères» («Bitterblooms») et «Dans les contrées perdues» («In the Lost Lands»).
Constantin Werner a l’envie de réaliser et d’écrire lui-même IN THE LOST LANDS. A l’origine, son film devait narrer les trois récits dont il a fait l’acquisition à la façon d’une anthologie. Il est question dès le départ de donner le rôle-titre à Milla Jovovich avec Justin Chatwin pour lui donner la réplique. Mais le projet peine à décoller. Entre 2015 et 2021, des réécritures interminables sont opérées. Aimant les ouvrages de George R.R. Martin et la Fantasy, Milla Jovovich suit le projet durant toute cette période et finit par convaincre Paul W.S. Anderson de rejoindre IN THE LOST LANDS. La longue période de gestation prend ainsi «fin» et FilmNation réalise des préventes dès cette année-là sur les marchés du film. Au passage, Justin Chatwin est remplacé par Dave Bautista. IN THE LOST LANDS semble donc sur de bons rails !
A l’évidence, le projet a été mis en chantier pour surfer sur le succès de GAME OF THRONES. Mais George R.R. Martin a exigé que le film n’évoque ni de près, ni de loin, l’univers de Westeros. Bien que la nouvelle d’origine se déroule dans un univers de Fantasy, le film va modifier l’univers pour lui donner des accents Post-apocalyptique, Steampunk et Western. Paul W.S. Anderson a l’ambition de créer un univers où les personnages prendront place dans des décors inspirés par des peintres comme Jérôme Bosch et Pieter Bruegel. Le réalisateur aurait même dit à son équipe que ce film devait être «comme le roman graphique que Bosch n’a jamais peint». Plutôt ambitieux sur la forme, les images sont même volontairement désaturées avec des effets de clair-obscur évoquant la peinture flamande. Enfin, l’image est percluse d’effets d’halos linéaires («flare» en anglais) qui finissent de lui donner un côté irréel.
Pour concrétiser cette approche esthétique, le film a été entièrement réalisé en «Virtual Production». Avant le tournage, il a fallu 9 mois de développement de décors numériques grâce à Unreal Engine. Ensuite, le film fut entièrement tourné en studio en Pologne avec des murs composés d’écrans géants LED permettant aux acteurs d’évoluer en temps réel dans les décors. La technologie n’est pas nouvelle, elle a été utilisée sur des films comme THE BATMAN, THOR : LOVE AND THUNDER, MINUIT DANS L'UNIVERS et surtout la série THE MANDALORIAN (SERIE) tournée en grande partie de cette façon. Toutefois, IN THE LOST LANDS est le premier film qui a été intégralement tourné de cette façon !
Alors oui, c’est vrai, par moments, IN THE LOST LANDS offre de magnifiques images de décors ! Malheureusement, le procédé atteint ses limites en ce qui concerne la narration. A force de survols et d’effets de caméra impossibles, le film perd sa connexion avec la substance du récit. Il en découle un énorme décalage entre la temporalité du voyage dans des terres hostiles et l’impression que les comédiens changent de lieux comme on change de pièce en ouvrant seulement une porte. C’est assez flagrant lors de l’arrivée et du départ des protagonistes d’une auberge qui se trouve au milieu de nulle part. A chaque déplacement, on ressent plus une impression de téléportation que de voyages éprouvants. Au final, impossible d’y croire ! Ce qui était une ambition artistique se transforme en bouillie numérique digne d’une mauvaise cinématique de jeux vidéo. Le moteur 3D utilisé, Unreal Engine, sert depuis longtemps à des jeux vidéo mais ce n’est certainement pas la raison de cet échec.
Le vrai problème, c’est l’impression de suivre une histoire un peu niaise qui tente de se camoufler derrière une montagne visuelle astronomique. «Trop», c’est assurément l’adverbe négatif qui résume l’orgie visuelle non maitrisée de IN THE LOST LANDS. L’histoire est tellement mal menée dans cette débauche visuelle qu’elle en devient par moments un peu ridicule, comme le voyage aventureux retranscrit par des étapes donnant lieu, au mieux, à des scénettes passables.
On retiendra une histoire où l’intégrisme religieux est une force maléfique et où les puissants sont consumés par le pouvoir. Le personnage principal, Gray Alys exauce les vœux ce qui se traduit par des désillusions. Le film semble ainsi nous dire que ce n’est pas parce que l’on a tout que l’on est forcément heureux. Rien de neuf à l’horizon, cette idée est déjà présente dans de nombreux livres et films. Au passage, le réalisateur et son actrice ne peuvent s'empêcher de refaire les poses des RESIDENT EVIL. Et, par endroit, on sent même planer maladroitement l'ombre de MAD MAX 2 et MAD MAX : FURY ROAD. Au final, il faudra donc se contenter de quelques affrontements peu glorieux pour faire avancer une odyssée aux petits pieds !
Milla Jovovich ou Paul W.S. Anderson sont certainement honnêtes dans leur proposition. De même que Dave Bautista qui trouve ici un rôle «plus nuancé» que ceux qu’on lui propose d’habitude. Le comédien a même demandé à être crédité comme producteur, de même que Milla Jovovich. L’aspect un peu triste, c’est que que tout ce petit monde se soit investi autant pour accoucher du très passable IN THE LOST LANDS.
Revenons dans les années 80, quand George R.R. Martin va s’atteler à une nouvelle histoire de Gray Alys. Faute de temps, l’auteur ne dépasse pas les deux pages d’écriture avant de mettre à la poubelle cette idée. Au lancement du projet du film, l’écrivain annonce même qu’il reprendra l’écriture des aventures de la sorcière si son adaptation cinématographique est un succès. Lorsque Paul W.S. Anderson a présenté le film en avant-première à George R.R. Martin, celui-ci lui aurait répondu «tu as su capter ma voix mieux que quiconque en adaptatant l'un de mes récits». Si nous étions naïfs, nous pourrions penser que l’écrivain planche déjà avec ferveur sur de nouveaux écrits mettant en scène Gray Alys. Mais avec ses 55 millions de budgets et son accueil catastrophique dans les salles, il est probable que la notion de «succès» exprimée par George R.R. Martin le mène à refermer définitivement la porte de cette histoire !
Avec à peine 50.000 entrées en France, IN THE LOST LANDS n’est certainement pas le plus grand succès en salle de Metropolitan. La sortie vidéo va peut-être permettre d’élargir le nombre de spectateurs. Par contre, il apparait évident que les résultats en salle ont réduit drastiquement la voilure des suppléments. Un menu sous forme de carte géographique des terres désolées, intitulé «Planisphère» nous donne l’impression d’une grande interactivité sur le Blu-ray. Au final, il s’agit de l’écran des chapitrages. Des suppléments… il n’y en a tout simplement pas, à moins de considérer les bandes-annonces comme un bonus informatif. Soulignons toutefois qu’à l’écran, le Blu-ray offre une image de belle tenue malgré l’aspect intensif des images numériques. De même que les pistes en Dolby Atmos donnent du coffre à ce spectacle audio-visuel. Comme souvent chez l’éditeur, il y a une piste en audio description ainsi que des sous-titrages adaptés.