Header Critique : L'ETRANGE NOEL DE MONSIEUR JACK (THE NIGHTMARE BEFORE CHRISTMAS)

Critique du film
L'ETRANGE NOEL DE MONSIEUR JACK 1993

THE NIGHTMARE BEFORE CHRISTMAS 

Le projet de L'ÉTRANGE NOËL DE MONSIEUR JACK date du début des années quatre-vingts. A cette époque, Tim Burton travaille pour Disney et y réalise deux programmes courts : le film d'animation VINCENT de 1982 et le moyen-métrage FRANKENWEENIE de 1984. Mais ce dernier, classé PG aux USA (tout public avec avertissement), est mis au placard par le studio.

Qui plus est, le projet de Burton d'un moyen-métrage L'ÉTRANGE NOËL DE MONSIEUR JACK, inspiré par le roman pour enfants «How the Grinch stole Christmas !» du Dr. Seuss, est refusé.

Tim Burton rompt alors avec ce studio et vole de ses propres ailes. Il enchaîne de beaux succès avec PEE-WEE BIG ADVENTURE en 1985, BEETLEJUICE en 1988 et surtout BATMAN de 1989. Ce dernier est un triomphe commercial qui lui laisse les mains libres pour réaliser un projet plus personnel : EDWARD AUX MAINS D'ARGENT, encore bien accueilli.

En 1991, il peut donc mettre en route les projets qu'il souhaite. Certes, il accepte de tourner BATMAN, LE DÉFI, suite de BATMAN. Mais il relance aussi L'ÉTRANGE NOËL DE MONSIEUR JACK. Passionné par les séquences d'animation image par image, à la manière de celles concoctées par Willis O'Brien pour KING KONG ou par Ray Harryhausen pour JASON ET LES ARGONAUTES, il décide de faire L'ÉTRANGE NOËL DE MONSIEUR JACK en employant cette technique - comme il l'avait prévu en 1983.

Autre particularité : il s'agira d'une comédie musicale incluant des chansons de Danny Elfman (BEETLEJUICE, EDWARD AUX MAINS D'ARGENT), compositeur-fétiche de Burton. Le projet ayant été déposé en son temps chez la firme de Mickey, Disney en possède les droits. Vu le statut de réalisateur prestigieux de Tim Burton en 1991, la firme ne se fait plus prier pour le produire.

La réalisation d'un tel projet est un travail de longue haleine, exigeant des compétences techniques et une patience que Tim Burton n'a pas. Il en confie alors la réalisation à Henry Selick, animateur expérimenté qu'il a rencontré chez Disney. Il a notamment travaillé sur les habillages avant-gardistes de la chaîne MTV à la fin des années quatre-vingts.

Le script de Burton est largement remanié par des scénaristes, même après le commencement de la réalisation. Pourtant, la musique et les chansons sont déjà enregistrées avant le tournage, si bien que le récit est tout de même charpenté à l'avance. Pour les voix des personnages, Burton fait confiance à des proches, comme Danny Elfman, qui interprète les chansons de Jack, Catherine O'Hara (BEETLEJUICE) ou Paul Reubens (PEE-WEE BIG ADVENTURE).

L'ÉTRANGE NOËL DE MONSIEUR JACK met donc en scène des personnages en volume, animés image par image, comme c'était déjà le cas dans VINCENT. Cette technique a fait les beaux jours des effets spéciaux du cinéma fantastique américain depuis LE MONDE PERDU de 1925. Puis elle a connu, au cours des années quatre-vingts, une certaine apogée technique grâce au travail expert de Phil Tippett : l'assaut des AT-AT dans L'EMPIRE CONTRE ATTAQUE, le robot ED 209 dans ROBOCOP...

Pourtant, au tournant des années quatre-vingt-dix, les images de synthèse émergent de façon concrète dans les effets spéciaux. Si les trucages informatiques de TERMINATOR 2 restent typés, certaines séquences du JURASSIC PARK de Spielberg achèvent de convaincre les sceptiques. Et c'est à ce moment que Burton lance le projet d'un long métrage intégralement réalisé en animation image par image, technique alors menacée de désuétude accélérée.

Le résultat est ici d'une perfection à couper le souffle. Jack et ses amis se déplacent avec vie et souplesse, accompagnés par des mouvements de caméra fluides et inventifs (rendus possibles grâce à des déplacements de caméra très précis, guidés par ordinateur, selon une technologie employée pour la première fois dans LA GUERRE DES ÉTOILES). Les interactions entre les personnages et leur environnement sont sidérantes, aussi bien pour leur précision technique que pour leur permanente inventivité.

Pourtant, L'ÉTRANGE NOËL DE MONSIEUR JACK n'est pas qu'une simple sucrerie visuelle. Il propose un récit classique, mais habilement construit. Jack, le Roi d'Halloween, veut, pour se changer les idées, être le maître de la fête de Noël. Il fait enlever le père Noël et prépare, avec l'aide des habitants d'Halloween, les événements de la nuit du 24 décembre. Malgré toute sa bonne volonté, Jack ne comprend pas les tenants et les aboutissants de Noël...

Ce conte invite à chercher le bonheur dans ce que l'on a, en acceptant ce que l'on est. Rien ne sert à une Créature de la Nuit tel que Jack Skelington, admiré et aimé par ses pairs, de se prendre pour le héros des guirlandes colorées et des bonbons fondants. La voix de la sagesse est incarnée par Sally, créature du professeur Finklestein et amoureuse de Jack. Elle explique que Jack trouvera le bonheur et l'accomplissement en se conformant à sa nature de créature d'Halloween, parmi ses compagnons du folklore horrifique américain, et non en tentant de se conformer à l'univers lumineux de Noël, qui n'est pas le sien.

C'est avant tout dans la retranscription visuelle du royaume de Jack que L'ÉTRANGE NOËL DE MONSIEUR JACK impressionne. Une multitude de créatures terribles et amusantes, issues d'une imagerie largement inspirée par le cinéma fantastique américain des années trente, se bouscule à l'écran : vampires à cape noire, hybride mi-homme mi-poisson, savant fou et ses créatures rapiécées, zombies, arbre aux pendus... Ce bestiaire hallucinant et cocasse, basé sur les dessins de Burton, est la plus grande réussite du film. Elle rend ainsi justice au talent d'illustrateur et de directeur artistique de Tim Burton.

Nous apprécions aussi la fluidité et l'inventivité du découpage des séquences dansées et chantées. Une telle réussite paraîtrait déjà admirable avec des acteurs réels. En animation image par image, cela semble prodigieux ! De même, le récit, pourtant ponctué de fréquents numéros musicaux, glisse remarquablement bien. Nous regrettons juste une ou deux chansons en trop (Jack s'interrogeant sur Noël dans son laboratoire).

L'ÉTRANGE NOËL DE MONSIEUR JACK est une réussite attachante, qui connut un beau succès à sa sortie et est devenu, en quelques années, un classique du cinéma pour enfant.

Toutefois, des polémiques apparaissent. Il est reproché à Tim Burton, notamment parmi l'équipe du film, de s'attribuer le travail de Selick et de ses collègues. Henry Selick et Tim Burton collaborent pourtant à nouveau pour JAMES ET LA PÈCHE GEANTE de 1996. Ces deux films vont remettre à la mode les longs-métrages entièrement en animation de volume, qui avaient quasiment disparu avant L'ÉTRANGE NOËL DE MONSIEUR JACK.

Face au rendu lisse et déréalisé des longs métrages en animation numérique, lesquels émergent avec TOY STORY en 1995, ces productions en Stop Motion vont rester une alternative appréciée. Tim Burton y reviendra avec LES NOCES FUNÈBRES et la version long-métrage de FRANKENWEENIE. D'autres réalisateurs de renom s'y frotteront, comme Wes Anderson avec FANTASTIC MR. FOX ou récemment Guillermo del Toro avec PINOCCHIO.

Rédacteur : Emmanuel Denis
Photo Emmanuel Denis
Un parcours de cinéphile ma foi bien classique pour le petit Manolito, des fonds de culottes usés dans les cinémas de l'ouest parisiens à s'émerveiller devant les classiques de son temps, les Indiana Jones, Tron, Le Dragon du lac de feu, Le Secret de la pyramide... et surtout les Star Wars ! Premier Ecran fantastique à neuf ans pour Le retour du Jedi, premier Mad Movies avec Maximum Overdrive en couverture à treize ans, les vidéo clubs de quartier, les enregistrements de Canal +... Et un enthousiasme et une passion pour le cinéma fantastique sous toutes ses formes, dans toute sa diversité.
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