Header Critique : LES SORCIERES D'EASTWICK (THE WITCHES OF EASTWICK)

Critique du film
LES SORCIERES D'EASTWICK 1987

THE WITCHES OF EASTWICK 

George Miller, réalisateur australien, devient célèbre grâce à son film d'anticipation ultra-violent MAD MAX de 1979. Ce métrage est suivi par son chef-d’œuvre MAD MAX 2, sommet du cinéma d'action et de science-fiction.

Le troisième volet de cette saga, MAD MAX AU-DELA DU DÔME DU TONNERRE de 1985, bénéficie d'un financement plus important et du soutien d'Hollywood. Pourtant, le film est artistiquement décevant.

George Miller a alors déjà fait son passage à Hollywood, en tournant un sketch du long-métrage fantastique LA QUATRIÈME DIMENSION produit par Steven Spielberg. Le producteur Neil Canton, qui vient de connaître un gros succès avec RETOUR VERS LE FUTUR, propose alors au réalisateur de porter à l'écran le récent best-seller de John Updike : «Les sorcières d'Eastwick».

Le film est essentiellement tourné dans l'état du Massachusetts, berceau du puritanisme américain. Pour jouer les "sorcières", l'équipe fait appel à trois actrices aux profils variés. La rousse Susan Sarandon a déjà une belle carrière derrière elle, avec THE ROCKY HORROR PICTURE SHOW, ATLANTIC CITY de Louis Malle ou LES PRÉDATEURS de Tony Scott. La blonde Michelle Pfeiffer est en pleine ascension après SCARFACE de Brian De Palma et LADYHAWKE, LA FEMME DE LA NUIT de Richard Donner.

La brune Cher a avant tout travaillé comme chanteuse à partir des années soixante, puis a tenté de bâtir une carrière au cinéma à partir du début des années quatre-vingts. Parfois avec un certain succès, pour LES SORCIÈRES D'EASTWICK ou ÉCLAIR DE LUNE. Le rôle du personnage démoniaque est confié à Jack Nicholson pour qui ce sera, à l'époque, un de ses rôles les plus marquants aux yeux du public, aux côtés de SHINING ou BATMAN.

A Eastwick, petite ville tranquille de Nouvelle-Angleterre, Alexandra, Jane et Sukie, toutes trois célibataires, s'ennuient dans leurs vies monotones. Au cours d'une de leurs soirées entre amies, elles décrivent chacune leur vision de l'homme idéal. Ce qu'elles ignorent, c'est qu'elles sont douées de pouvoirs très particuliers : lorsqu'elles souhaitent une chose simultanément, l'événement en question se réalise ! Leur souhait est donc exaucé et un homme mystérieux, Daryl van Horn, s'installe dans la demeure la plus ancienne d'Eastwick, célèbre pour avoir été le siège d'un lynchage de présumées "sorcières" au XVIIème siècle.

Ce personnage excentrique, apparemment doué de pouvoirs surnaturels, les séduit successivement jusqu'à ce qu'ils en viennent à vivre dans un ménage à quatre. Les trois femmes trouvent enfin l'épanouissement, mais cette situation fait jaser la communauté puritaine d'Eastwick. Daryl, prenant trop à la lettre les désirs de ses compagnes, provoque la mort d'une de leurs ennemies. Les trois amies décident de se séparer de l'encombrant compagnon...

LES SORCIÈRES D'EASTWICK n'a rien d'un film d'épouvante traditionnel. Il louche en fait vers les comédies fantastiques hollywoodiennes, genre qui s'est développé suite au succès de FANTÔME À VENDRE de 1935, tourné en Grande-Bretagne par René Clair. Citons dans le même style LE COUPLE INVISIBLE avec Cary Grant ou MA FEMME EST UNE SORCIÈRE, encore de René Clair, métrage qui met déjà le personnage de la sorcière et les souvenirs de Salem à la sauce humoristique.

Pourtant, le ton des SORCIÈRES D'EASTWICK n'est pas celui de ces classiques. Il propose une vision des rapports entre la femme et l'homme fortement inscrite dans les années quatre-vingts. Il s'organise autour des personnalités respectives de ses trois protagonistes féminines principales.

Alexandra (Cher), veuve, est une femme énergique, artiste spécialisée dans la confection de petites statuettes de femmes rondelettes, évoquant certaines petites figures préhistoriques. Sukie (Michelle Pfeiffer) est une jeune mère de cinq enfants que son mari a laissé tombé. Ce personnage est hélas peu développé, et on ne comprend pas bien où le récit cherche à en venir avec elle. Jane (Susan Sarandon), enfin, vient de divorcer et se retrouve seule. Elle partage son temps entre la pratique du violoncelle et l'enseignement de la musique aux enfants de la région.

Si elles trouvent toutes les trois l'épanouissement auprès de leur démoniaque compagnon, leur mode de vie très libéré les conduit à affronter le conservatisme de la communauté d'Eastwick, incarné par le personnage de Felicia Alden, bigote délirante. LES SORCIÈRES D'EASTWICK, en jouant sur la mythologie américaine des chasses aux sorcières de Salem au XVIIème siècle, démontre malicieusement que le pire ennemi de ces sorcières (que certains dialogues présentent en fait comme des femmes fortes, capables de s'assumer seules) sont les institutions religieuses, réactionnaires par essence. Ce qui entraîne un renversement du rapport "bien-mal" traditionnel.

La même ambiguïté se retrouve dans la peinture du personnage "diabolique" de Van Horn, incarné par Jack Nicholson. Le film n'est pas très clair quant à la nature de ce dernier. En s'en tenant à la logique du récit, son apparition est le seul fruit du souhait formulé par les trois amies. Il incarne leur volonté, l'homme idéal.

Ses actions sont alors dictées par les seuls désirs (pas toujours assumés) des sorcières. En mettant à mort Felicia suite à la prise en compte trop littérale d'un souhait formulé par celles-ci, il croit exécuter leur volonté, et donc leur faire plaisir. La façon dont elles le rejettent ensuite devient alors incompréhensible pour Daryl.

Cependant, au vu de son comportement, il semble qu'on ait en fait affaire à un Démon voire au Diable lui-même. Un de ses objectifs qui nous est révélé (il souhaite faire porter aux trois femmes ses fils) renvoie à certains classiques du cinéma démonologiste (comme LA MALÉDICTION).

La logique du récit repose avant tout sur un argument : les trois femmes découvrent enfin l'homme parfait, entièrement à leur service, puis le rejettent pour enfin s'assumer seules, sans le soutien d'aucun homme. Le message semblerait a priori féministe. Si on ne notait pas aussi, par endroit, une certaine apologie de la polygamie. Et si, à la fin, les trois sorcières n'avouaient pas que Daryl leur manque !

LES SORCIÈRES D'EASTWICK tient cinématographiquement très bien la route. La réalisation énergique et virtuose de George Miller est toujours très riche, même si elle n'a pas l'occasion de s'épanouir aussi complètement que dans un MAD MAX 2. Certaines scènes fantastiques, que la critique d'alors a parfois ravalées au rang de simples accumulations de trucages, sont en fait très réussies, comme le fameux match de tennis, ou le duel de magie final (qui rappelle celui entre Boris Karloff et Vincent Price dans LE CORBEAU de Roger Corman, film dans lequel on croisait un tout jeune Jack Nicholson).

Pourtant, il est indéniable que LES SORCIÈRES D'EASTWICK souffre de longueurs (il met bien du temps à démarrer) et de séquences inégales (les punitions infligées par Daryl). Certains personnages souffrent d'une caractérisation floue (Sukie, mais aussi la puritaine Felicia et ses crises de délires). Ce qui rend les passages les concernant discutables ou vains.

LES SORCIÈRES D'EASTWICK bénéficie d'indéniables atouts. Son interprétation, sa photographie soignée (signée Vilmos Zsigmond), ses décors délirants ou sa réalisation énergique font oublier ses faiblesses de rythme et de scénario.

LES SORCIÈRES D'EASTWICK connaît un excellent accueil auprès du public à sa sortie. Après divers travaux de moindre envergure (il est producteur de CALME BLANC de Phillip Noyce), Miller réalise le drame LORENZO de 1992, qui est un échec commercial. Il écrit et produit ensuite le film familial BABE, LE COCHON DEVENU BERGER de 1995, réalisé par Chris Noonan, beau succès. Puis il en réalisera lui-même la suite BABE 2 : LE COCHON DANS LA VILLE qui est par contre un bide.

Rédacteur : Emmanuel Denis
Photo Emmanuel Denis
Un parcours de cinéphile ma foi bien classique pour le petit Manolito, des fonds de culottes usés dans les cinémas de l'ouest parisiens à s'émerveiller devant les classiques de son temps, les Indiana Jones, Tron, Le Dragon du lac de feu, Le Secret de la pyramide... et surtout les Star Wars ! Premier Ecran fantastique à neuf ans pour Le retour du Jedi, premier Mad Movies avec Maximum Overdrive en couverture à treize ans, les vidéo clubs de quartier, les enregistrements de Canal +... Et un enthousiasme et une passion pour le cinéma fantastique sous toutes ses formes, dans toute sa diversité.
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