Header Critique : COLLINE À DES YEUX, LA (THE HILLS HAVE EYES)

Critique du film
LA COLLINE À DES YEUX 1977

THE HILLS HAVE EYES 

Une famille de touristes traverse une portion de désert sous prétexte d'y visiter une mine d'argent dont ils ont héritée. Suite à un accident, ils sont isolés parmi des collines rocailleuses. Ils sont encerclés par une tribu de sauvages...

Sorti en 1972, LA DERNIÈRE MAISON SUR LA GAUCHE de Wes Craven, tourné pour très peu d'argent, déplaît à la critique mais connaît un beau succès public, notamment grâce au parfum de scandale l'entourant. Ce film devient le catalyseur du genre «Rape and Revenge», appelé à une grande postérité. C'est la première fois, mais pas la dernière, que le cinéma de Wes Craven influence profondément le cinéma d'horreur et engendre une ribambelle d'imitations.

Ensuite, le cinéaste a du mal à rebondir. Il travaille comme monteur sur IT HAPPENED IN HOLLYWOOD, un film porno réalisé par son ami Peter Locke. Craven réalise aussi sous pseudonyme l'incestueux THE FIREWORKS WOMAN, un autre film X. Il ne parvient pas à faire financer ses projets classiques.

Devant le succès de LA DERNIÈRE MAISON SUR LA GAUCHE, Peter Locke propose de produire un film du même genre réalisé par Wes Craven. Ce dernier accepte, plus par nécessité que par motivation artistique, et il rédige lui-même le scénario. Nous y rencontrons dans un de ses premiers rôles Dee Wallace-Stone, qui va s'imposer comme vedette de films fantastiques (HURLEMENTS, E.T. L'EXTRA-TERRESTRE, CUJO). Et surtout Michael Berryman, au physique spectaculaire et inquiétant (VOL AU-DESSUS D'UN NID DE COUCOU de Milos Forman, AMAZONIA, LA JUNGLE BLANCHE de Ruggero Deodato).

LA COLLINE A DES YEUX présente un groupe de citadins isolés dans une région désertique et harcelés par une famille de sauvages dégénérés, pratiquant, entre autres horreurs, le cannibalisme. Wes Craven s'inspire pour cette tribu de la légende écossaise du Sawney Bean, un clan qui, dans l'Écosse du XVème siècle, agresse et dévore les voyageurs aux alentours de son antre. Craven est particulièrement intéressé par le fait que ces actes barbares soient commis en plein cœur d'une aire géographique dite civilisée.

Par conséquent, nos barbares du désert sévissent dans un recoin aride et reculé des États-Unis, une désolation abandonnée de tous, à l'exception d'une base d'essais militaires. Difficile de ne pas rapprocher cette situation d'autres œuvres antérieures dans lesquelles des touristes inconscients se rendent dans des coins mal connus du continent nord-américain et sont confrontés à des indigènes très peu accueillants. Nous pensons à DEUX MILLE MANIAQUES de Herschell Gordon Lewis, avec ses Sudistes à la rancune tenace ; à DÉLIVRANCE de John Boorman, avec ses Cajuns antipathiques ; et surtout à MASSACRE À LA TRONÇONNEUSE de Tobe Hooper, avec sa famille de Texans dégénérés et cannibales.

Le scénario de LA COLLINE A DES YEUX connaît plusieurs versions, dont une mouture orientée vers la science-fiction pessimiste et dont voici l'argument : en 1984, la circulation des citoyens américains est très strictement contrôlée. Une famille fuit clandestinement New York, devenue invivable à cause d'une pollution horrible, et se perd dans le désert où elle rencontre la tribu sauvage.

Par bien des aspects, LA COLLINE A DES YEUX rappelle LA DERNIÈRE MAISON SUR LA GAUCHE. Des actes d'un sadisme insoutenable sont commis par des personnages brutaux, idiots, se complaisant dans la cruauté. Un homme se fait crucifier et rôtir vif avant d'être dévoré par les cannibales. Une femme est abattue sous les yeux de ses filles. Un bébé est enlevé pour servir de dessert au festin de Papa Jupiter et sa famille. Un chien égorge un homme... Moins psychologiquement éprouvant que LA DERNIÈRE MAISON SUR LA GAUCHE, LA COLLINE A DES YEUX surenchérit en matière de gore. Ce qui est en vogue à l'époque (LES DENTS DE LA MER de Steven Spielberg, SUSPIRIA de Dario Argento).

Le contexte géographique n'est plus celui de LA DERNIÈRE MAISON SUR LA GAUCHE. La forêt verdoyante et somptueuse cède la place à un désert stérile, écrasé par un soleil implacable faisant ressembler LA COLLINE A DES YEUX à un western. Ainsi la famille des cannibales avec son antre dans des canyons rappelle, en beaucoup plus barbare, les membres dépenaillés du clan Hannassey dans le western classique de William Wyler LES GRANDS ESPACES.

Dans LA COLLINE A DES YEUX, les sadiques ne sont plus des dealers et des repris de justice, mais une famille de sauvages ayant grandi complètement coupés de la société américaine. Certes, comme dans LA DERNIÈRE MAISON SUR LA GAUCHE, la brutalité des bourreaux entraîne, de la part des "héros", une réponse brutale. Pourtant, si il y a bien une idée de vengeance, les citadins sombrent dans la sauvagerie avant tout pour se maintenir en vie. Ils se montrent cruels, mais pour survivre à des ennemis impitoyables.

LA COLLINE A DES YEUX s'articule autour du conflit entre ces deux familles américaines que tout oppose. Celle des citadins, auquel le spectateur tend à s'identifier, est apparemment garante de valeurs de civilisation, de la morale et de la religion chrétienne. Ils bénéficient d'armes à feu et d'un attirail technologique pour se défendre. Les sauvages, affamés par la terre stérile sur laquelle ils vivent, portent tous des noms des dieux païens et se battent avec leurs ruses et des armes blanches.

Comme dans LA DERNIÈRE MAISON SUR LA GAUCHE, la violence appelle la violence et, après avoir constaté l'inutilité de leurs armes à feu et de moyens techniques comme leur CB, les citadins se reportent sur des armes primitives et des astuces de chasseurs. Les civilisés retournent à l'état de sauvagerie, c'est-à-dire à l'état que Wes Craven, pessimiste, considère l'état naturel de l'homme.

En effet, nous savons que Papa Jupiter a été abandonné durant son enfance dans les collines sauvages. Il a survécu dans le désert et a fondé une famille pratiquement vierge de tout contact avec la civilisation. Cette famille n'est pourtant pas composée de bons sauvages, innocents des vices de la société humaine. Ce sont des brutes mues par leurs instincts primaires, telles les pulsions sexuelles ou de mort.

Comme dans LA DERNIÈRE MAISON SUR LA GAUCHE, Craven introduit une nuance optimiste dans son portrait sombre de la nature humaine. Nous trouvons dans la famille de Jupiter le personnage de Katy, jeune fille compatissante et intelligente, qui aide les citadins à échapper à la brutalité de ses frères et de son père.

Certains critiques ont vu dans LA DERNIÈRE MAISON SUR LA GAUCHE et LA COLLINE A DES YEUX une forme d'apologie de la violence et de l'auto-défense, à la manière de films comme UN JUSTICIER DANS LA VILLE avec Charles Bronson. Ce raisonnement nous paraît simpliste. Craven présente toujours les actes de violence comme repoussants et inacceptables, même lorsqu'ils sont commis par les "gentils" de l'histoire. La conclusion de LA COLLINE A DES YEUX avec son arrêt sur image et son fondu au rouge sur le visage bestial du citadin poignardant Mars, va dans ce sens, en refusant d'héroïser la brutalité, quelle qu'en soient la provenance et la justification.

LA COLLINE A DES YEUX n'est pas dénué de défauts. La description assez invraisemblable de la famille sauvage tire parfois (volontairement ?) vers le burlesque, tout comme la multiplication des effets gore. L'interprétation globalement peu convaincante n'aide pas à s'intéresser au récit ou aux personnages. L'ensemble manque de crédibilité et d'efficacité, et donne une impression de redite, en moins intéressant, de LA DERNIÈRE MAISON SUR LA GAUCHE et de MASSACRE À LA TRONÇONNEUSE. Néanmoins, le film se laisse voir sans ennui, contient quelques séquences éprouvantes (l'invasion de la caravane) et bénéficie, notamment grâce à son décor naturel, d'une atmosphère inédite.

LA COLLINE A DES YEUX est donc une réussite mineure dans la carrière de Wes Craven. Il connaît un bon accueil du public et de certains magazines américains spécialisés dans le cinéma d'horreur, comme «Fangoria». Ce succès permet à Wes Craven de sortir de sa difficile situation professionnelle, et il accepte ensuite de travailler pour la chaîne de télévision NBC sur le (médiocre) téléfilm L'ÉTÉ DE LA PEUR avec Linda Blair.

S'il n'invente pas le Survival en terrain sauvage, genre vraiment établi et codifié par DÉLIVRANCE en 1972, LA COLLINE A DES YEUX redonne un coup de fouet au genre et s'avère encore un titre de Wes Craven très influent. Au début des années quatre-vingts, alors que sa carrière traverse une phase hésitante, il revient au clan de Papa Jupiter avec LA COLLINE A DES YEUX 2, une suite effarante de médiocrité.

En 2006, LA COLLINE A DES YEUX a droit à un remake réussi signé Alexandre Aja, remake lui aussi appelé LA COLLINE A DES YEUX. Moins réfléchi et original que sa source, il est d'une grande efficacité et rencontre un beau succès commercial. Il est suivi par LA COLLINE A DES YEUX 2 de Martin Weisz, métrage plus anecdotique.

Rédacteur : Emmanuel Denis
Photo Emmanuel Denis
Un parcours de cinéphile ma foi bien classique pour le petit Manolito, des fonds de culottes usés dans les cinémas de l'ouest parisiens à s'émerveiller devant les classiques de son temps, les Indiana Jones, Tron, Le Dragon du lac de feu, Le Secret de la pyramide... et surtout les Star Wars ! Premier Ecran fantastique à neuf ans pour Le retour du Jedi, premier Mad Movies avec Maximum Overdrive en couverture à treize ans, les vidéo clubs de quartier, les enregistrements de Canal +... Et un enthousiasme et une passion pour le cinéma fantastique sous toutes ses formes, dans toute sa diversité.
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