Header Critique : ASSAUT (ASSAULT ON PRECINCT 13)

Critique du film
ASSAUT 1976

ASSAULT ON PRECINCT 13 

Suite à un braquage qui tourne mal, des gangs infligent des représailles sanglantes aux habitants d'un quartier. Un homme tue le chef d'une de ces bandes et parvient à s'échapper. Il se réfugie dans un commissariat. Une nuit de siège commence...

Après avoir bricolé DARK STAR avec quelques amis, John Carpenter réalise ASSAUT, son premier film professionnel. Il ne bénéficie que d'un budget très bas (100 000 dollars). Les comédiens principaux sont plutôt des habitués des seconds rôles : Austin Stoker (LA BATAILLE DE LA PLANÈTE DES SINGES), Darwin Joston (ERASERHEAD de David Lynch, FOG de John Carpenter), Tony Burton (la série des ROCKY).

Nous remarquons la présence de Henry Brandon, vieil habitué des plateaux hollywoodiens : il joue le rôle-titre dans le serial DRUMS OF FU MANCHU de 1940, ainsi que de nombreux rôles d'Indiens dans des westerns (il est le chef qu'affronte John Wayne dans LA PRISONNIÈRE DU DÉSERT de John Ford).

Carpenter n'a jamais caché qu'ASSAUT s'inspire de RIO BRAVO de Howard Hawks. Dans ce western classique, un shérif interprété par John Wayne est assiégé avec quelques amis dans un bâtiment exiguë. Le pseudonyme sous lequel Carpenter effectue le montage d'ASSAUT est ainsi John Chance, nom de ce shérif.

Dès ASSAUT, Carpenter traite d'un sujet qui le fascine alors : la violence urbaine. Si dans les westerns, les grandes étendues de l'Ouest s'avéraient sauvages et sans loi, ce sont désormais les centres-villes misérables et abandonnés par la société qui voient proliférer la brutalité et l'arbitraire. Carpenter poursuit ainsi la veine d'UN JUSTICIER DANS LA VILLE et annonce un MANIAC. Les grandes métropoles deviennent dangereuses et anxiogènes.

La rue accueille une guerre entre la société et des gangs de jeunes, insensibles à l'horreur de la violence et équipés d'armes à feu (Carpenter annonce avec clairvoyance les gangs américains très violents des années quatre-vingt-dix). Il portera encore un regard inquiet sur les rapports entre les enfants et la violence (dans le prologue de HALLOWEEN, dans LE VILLAGE DES DAMNÉS ou LOS ANGELES 2013).

Ici, le comportement des gangs évoque les tribus indiennes des westerns. Les chefs de bande scellent leur alliance en mêlant leur sang. Leurs fusils automatiques équipés de silencieux frappent aussi discrètement et mortellement que les flèches des Peaux-Rouges. Ils se livrent à des rituels guerriers (le drapeau et le sang déposés devant la porte du commissariat). Leurs déplacements sont silencieux et imperceptibles. Ils sont pratiquement muets. Leurs visages, toujours inexpressifs et impassibles, ne sont que très rarement aperçus. Cette manière abstraite et inquiétante de les présenter annonce déjà Michael Myers dans HALLOWEEN.

Carpenter traite les scènes d'action de manière brutale et sanglante. Il s'inscrit dans la mouvance d'un cinéma d'action et d'horreur qui, sous l'influence, entre autres, de la guerre du Vietnam, restitue la violence de plus en plus crûment. Nous pensons à LA NUIT DES MORTS-VIVANTS, LA HORDE SAUVAGE de Sam Peckinpah, LA DERNIÈRE MAISON SUR LA GAUCHE de Wes Craven, ORANGE MÉCANIQUE de Stanley Kubrick.

Une composante d'ASSAUT déterminante du cinéma de Carpenter est le traitement de ses personnages principaux. A l'issue de sa première demi-heure, tous les "héros" potentiels selon les codes hollywoodiens d'alors (les policiers blancs), sont hors-jeu. Ce sont un prisonnier, un policier noir, une femme et un condamné à mort qui résistent aux assauts des guérilleros urbains. A force de solidarité, d'intégrité et de courage, ils deviennent les vrais héros. Carpenter joue contre les clichés du cinéma classique américain et les préjugés du spectateur.

Napoléon Wilson n'est pas jugé sur son statut de condamné à mort, sur son passé (qu'on ne connaîtra jamais vraiment) ou sur ses paroles (il est très peu bavard). Mais sur ses actes, accomplis dans le moment présent. Il annonce Snake Plissken : hors-la-loi porteur d'un lourd passé et condamné par la société, sa méfiance envers les institutions (État, armée, gouvernement) peut le faire passer pour un cynique. Pourtant, il se caractérise par sa droiture morale et sa loyauté envers ses amis.

La réalisation d'ASSAUT est un modèle d'efficacité et de classe. S'il y a peu de mouvements de caméra (sans doute à cause d'un budget limité), Carpenter relève le pari de la sobriété incisive. Tout son art repose ici (comme dans ses meilleurs films) sur la précision et l'élégance de ses cadrages (superbe cinémascope) et sur un découpage impressionnant. Les deux fusillades du film en sont d'éclatantes démonstrations.

La première dévaste le commissariat sans qu'on entende une seule détonation (des silencieux équipent les armes des assaillants). La seconde brille par sa brutalité et sa sécheresse. Le metteur en scène inscrit avec sûreté l'action et le danger dans les locaux exigus du commissariat, comme il le fera plus tard dans la maison d'HALLOWEEN, la station service de BODY BAGS ou le motel de VAMPIRES.

John Carpenter nous sert déjà un thème électronique menaçant et sobre qu'il compose lui-même et qui annonce ses plus belles réussites en matière de musique de film (HALLOWEEN, NEW YORK 1997).

Nous apprécions encore la rigueur de la narration. Partant d'une situation d'une simplicité biblique, John Carpenter orchestre une imparable montée de la tension, ponctuée par trois paroxysmes (les deux fusillades, le final). Elle accompagne le recul de plus en plus inévitable des personnages principaux acculés.

Dès le début du siège, leur position est intenable. Ne disposant que de peu de moyens de défense, ils sont condamnés à être vaincus à brève échéance. Leurs actions ne servent pas à vaincre le péril, mais uniquement à gagner du temps, en espérant que "la cavalerie" arrive à temps pour les sauver.

ASSAUT apparaît aujourd'hui comme le premier film véritablement personnel de John Carpenter, et aussi comme une de ses réussites les plus irréprochables. Malgré un assez bon accueil critique, notamment en Europe, il n'est pas encore un succès commercial.

Rédacteur : Emmanuel Denis
Photo Emmanuel Denis
Un parcours de cinéphile ma foi bien classique pour le petit Manolito, des fonds de culottes usés dans les cinémas de l'ouest parisiens à s'émerveiller devant les classiques de son temps, les Indiana Jones, Tron, Le Dragon du lac de feu, Le Secret de la pyramide... et surtout les Star Wars ! Premier Ecran fantastique à neuf ans pour Le retour du Jedi, premier Mad Movies avec Maximum Overdrive en couverture à treize ans, les vidéo clubs de quartier, les enregistrements de Canal +... Et un enthousiasme et une passion pour le cinéma fantastique sous toutes ses formes, dans toute sa diversité.
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