Header Critique : NOSFERATU LE VAMPIRE (NOSFERATU, EINE SYMPHONIE DES GRAUENS)

Critique du film
NOSFERATU LE VAMPIRE 1922

NOSFERATU, EINE SYMPHONIE DES GRAUENS 

Hutter, un jeune clerc de notaire, est mandaté en Transylvanie pour y rencontrer le Comte Orlok, un aristocrate solitaire désireux d'acheter une maison en ville...

L'allemand Friedrich Wilhelm Murnau réalise NOSFERATU LE VAMPIRE un an après la sortie de LE CABINET DU DOCTEUR CALIGARI, film fondateur du cinéma expressionniste et premier grand succès de la production fantastique germanique. Dans les rôles principaux de NOSFERATU LE VAMPIRE, nous trouvons des acteurs comme Gustav Von Wangenheim, vu dans d'autres classiques ayant hanté les écrans allemands au cours des années vingt : LE MONTREUR D'OMBRE d'Arthur Robison ou LA FEMME DANS LA LUNE de Fritz Lang, par exemple. Nous retrouvons également Gustav Botz, croisé pour sa part dans LE CRIME DU DOCTEUR WARREN de Murnau ou MABUSE LE JOUEUR de Fritz Lang. Comme ce sera souvent le cas pour les grands acteurs vampiriques, la personnalité de l'acteur Max Schreck qui incarne ici Nosferatu, nourrit de nombreux fantasmes. Il s'agit pourtant d'un acteur à la carrière classique pour son époque, ayant notamment appartenu à la troupe de théâtre expressionniste de Max Reinhardt, vivier de grands comédiens dont est aussi sorti Conrad Veidt.

Friedrich Wilhelm Murnau, le réalisateur de NOSFERATU LE VAMPIRE, est considéré aujourd'hui comme un des grands pionniers de l'art cinématographique, au même titre que des chercheurs aussi inventifs que l'américain D. W. Griffith ou le français Abel Gance. Murnau commence à réaliser des films dès 1919 et, avec LE CRIME DU DOCTEUR WARREN, adaptation officieuse du roman «Docteur Jekyll et Mr. Hyde» de Stevenson, il aborde le fantastique le Fantastique pour la première fois. En 1924, LE DERNIER DES HOMMES, qui raconte la déchéance d'un portier d'hôtel, est un énorme succès international et s'avère le second grand classique tourné par son auteur après NOSFERATU LE VAMPIRE. Il tourne encore quelques films en Allemagne, dont un fameux FAUST, puis part travailler aux Etats-Unis où il fait entre autres L'AURORE, très bien accueilli par le public et la critique. Mais il meurt en 1931 dans un accident de voiture.

NOSFERATU LE VAMPIRE est une des premières transcriptions cinématographique du roman «Dracula», publié par Bram Stoker en 1897, mais il est quand même précédé par d'autres longs métrages, très rares si ce n'est perdus, tels que DRAKULA HALALA du hongrois Karoly Lajthay. Dans le cas de NOSFERATU LE VAMPIRE, les producteurs "omirent" du générique les références explicites au roman et à ses personnages. Néanmoins, les similitudes avec le récit de Stoker restent évidentes et suite à un procès, les copies et le négatif original furent détruites. Heureusement, NOSFERATU LE VAMPIRE a pu être totalement reconstitué par la suite.

Le roman de Bram Stoker mettait en place, en s'inspirant de diverses croyances populaires, la figure du vampire telle que nous la connaissons aujourd'hui. En voici les traits essentiels : Le vampire dort toute la journée dans son cercueil en raison de son indisposition à la lumière du soleil. A la tombée de la nuit, il part chasser des victimes humaines dont il boit le sang. En théorie immortel, un pieu enfoncé dans son cœur peut néanmoins l'exterminer. De l'ail ou un crucifix permettent de le tenir à distance. Le vampire a le pouvoir de se transformer en des animaux chasseurs et nocturnes, tel un loup ou une chauve-souris. Il peut même se changer en brouillard et il n'a pas de reflet dans les miroirs ou les autres surfaces réfléchissantes.

Dans NOSFERATU LE VAMPIRE, le non-mort est loin des élégants personnages qu'interpréteront Bela Lugosi ou Christopher Lee : Nosferatu est un être maigre et flétri, ressemblant aux rats porteurs de la peste qui l'escortent dans ses voyages. Déjà, il se repaît du sang des humains et seuls les rayons du soleil peuvent causer sa perte. Ce dernier point est une invention du film qui sera reprise ensuite dans la plupart des œuvres mettant en scène des vampires, au point d'être intégrée à la culture populaire.

LE CABINET DU DOCTEUR CALIGARI, réalisé par Robert Wiene, avait marqué en 1920 la naissance du cinéma expressionniste en Allemagne. Ce courant a été grand amateur de thèmes fantastiques (déjà présents dans le cinéma allemand auparavant, avec par exemple LE GOLEM de 1915) et a participé à la mise en place des bases du film d'épouvante. Dans la foulée des expériences du Docteur Caligari, nous assistons à la sorties en Allemagne d'œuvres telles que LE GOLEM de Paul Wegener et Carl Boese, LE CABINET DES FIGURES DE CIRE de Paul Leni ou LES MAINS D'ORLAC de Robert Wiene parmi toute une salve tournée vers l'effrayant et l'inquiétant.

NOSFERATU LE VAMPIRE est souvent rattaché au mouvement artistique expressionniste. Nous y retrouvons le goût du surnaturel et du morbide, ainsi que l'utilisation des ombres et des contrastes tranchés pour la composition des images. Pourtant, il diffère par bien des aspects des œuvres classiques du cinéma expressionniste. Ainsi, la direction artistique paraît bien sobre comparée aux délires de Caligari. D'autre part, le tournage a lieu en grande partie dans des décors naturels et non dans des studios. Alors que des réalisateurs comme Wiene ou Leni installent leurs histoires dans des atmosphères urbaines angoissantes, les images les plus insolites que nous proposent Murnau proviennent de l'observation de la nature.

Le voyage de Hutter nous fait traverser des vallées oppressantes et des forêts lugubres. Le château d'Orlok est planté au sommet d'une montagne gigantesque et se détache sur un fond de nuages tourmentés. Sur une plage désolée, une maigre jeune fille contemple les flots déchaînés de l'océan. Cette esthétique de la nature sauvage et de la ruine est en fait plus proche des peintres romantiques allemands du XIXème siècle comme Caspar Friedrich que d'artistes expressionnistes du XXème siècle comme Kirschner ou Kokoschka. Ce goût pour l'imaginaire romantique s'avère un choix logique, le roman «Dracula» étant un exemple tardif de littérature gothique, plus contemporaine et proche du romantisme que d'un art urbain et contemporain comme l'expressionnisme allemand des années 1920.

NOSFERATU LE VAMPIRE ne se distingue pas uniquement par ses sources artistiques. Il innove aussi en matière de techniques cinématographiques, Murnau parvient à introduire une sensation d'étrangeté en recourant à d'audacieuses expérimentations. Il utilise avec intelligence les opportunités artistiques permises en 1922 par les caméras de cinéma : ralentis, accélérés, négatif, enregistrement image par image... Il intègre même dans cette œuvre fantastique des visions plus à leur place dans un documentaire scientifique. Nous assistons par exemple aux déplacements fascinants de minuscules organismes observés au microscope. Ces trouvailles géniales, parfaitement intégrés au flux du film, ajoutent une habile touche d'insolite purement cinématographique. Ces collages inattendus font faire un pas décisif au cinéma fantastique d'alors, LE CABINET DU DOCTEUR CALIGARI s'avérant en terme de technique cinématographique bien plus sage.

Mais, le plus fascinant dans ce NOSFERATU LE VAMPIRE reste l'imagerie morbide déployée par le réalisateur. Cercueils, processions funéraires, croque-morts, pestiférés, rats porteurs de maladies, cimetières, plante carnivore... Cette accumulation de détails macabres indique une obsession pour la Mort. L'originalité et la force de l'imagination de Murnau dans ce domaine sont hallucinantes. Un radeau transporte des cercueils sur un torrent furieux. Une vieille horloge est ornée de squelettes ricanants. Une file de cercueils portés par des hommes en noir traversent une ville déserte. Ces visions inoubliables participent largement à la puissance de cette œuvre unique.

La séquence de la mort du vampire évoque déjà un élément déterminant du cinéma d'épouvante à venir : le monstre amoureux. Ensorcelé par la beauté et la pureté d'Ellen, Orlok oublie de se soucier du lever du jour et, pris au piège, est emporté par les rayons du soleil. Il est ainsi un des premiers monstres tragiques, annonçant ceux qui vont hanter l'âge d'or du film d'horreur américain, avec LE FANTOME DE L'OPERA de Rupert Julian, LA FIANCEE DE FRANKENSTEIN de James Whale ou LA MOMIE de Karl Freund.

Plus de soixante-dix ans après sa réalisation, NOSFERATU LE VAMPIRE reste un splendide poème d'images macabres à la magie funèbre toujours vivace. Historiquement, il est une date fondamentale dans la mise en place du mythe cinématographique du vampire, appelé à devenir le monstre le plus plus populaire du cinéma fantastique.

En effet, avec l'arrivée du parlant, la compagnie américaine Universal produira avec beaucoup de succès DRACULA en 1931, interprété par Bela Lugosi. Ces créatures deviendront un archétype récurent du film d'épouvante que nous croiserons par exemple dans LE CAUCHEMAR DE DRACULA de Terence Fisher dans les années 50, ou le DRACULA de Coppola. En 1979, Werner Herzog, forte tête du jeune cinéma allemand d'alors, tournera NOSFERATU, FANTOME DE LA NUIT remake du classique de Murnau, avec cette fois-ci Klaus Kinski dans le rôle du vampire.

Rédacteur : Emmanuel Denis
Photo Emmanuel Denis
Un parcours de cinéphile ma foi bien classique pour le petit Manolito, des fonds de culottes usés dans les cinémas de l'ouest parisiens à s'émerveiller devant les classiques de son temps, les Indiana Jones, Tron, Le Dragon du lac de feu, Le Secret de la pyramide... et surtout les Star Wars ! Premier Ecran fantastique à neuf ans pour Le retour du Jedi, premier Mad Movies avec Maximum Overdrive en couverture à treize ans, les vidéo clubs de quartier, les enregistrements de Canal +... Et un enthousiasme et une passion pour le cinéma fantastique sous toutes ses formes, dans toute sa diversité.
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