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Critique du film
CHAW 2009

 

Sammaeri est une petite ville coréenne rurale et prospère, basée sur une agriculture autosuffisante. Lorsque le corps d'une jeune femme est découvert horriblement mutilé, la piste criminelle est vite écartée. Il s'agit de l'œuvre d'un animal aussi puissant que monstrueux. Alors que les accidents se multiplient, policiers, écologistes et chasseurs vont s'unir pour venir à bout de la menace.

Sorti durant l'été 2009 en Corée, CHAW est une nouvelle superproduction destinée à secouer le box-office du pays. C'est à nouveau un film de monstre, tels que l'étaient les derniers succès locaux comme THE HOST de Joon-ho Bong ou encore D-WAR de Hyung-rae Shin. Bien que le budget du film soit très important compte tenu de la moyenne nationale, CHAW n'est que la deuxième réalisation de Jeong-won Shin après SISILY 2KM, un film de fantômes resté confidentiel. CHAW choisi de revisiter le sous-genre de «l'animal tueur» en mettant en scène un sanglier géant croisé avec un ours. On pense bien entendu au RAZORBACK de Russell Mulcahy, mais aussi au récent PIG HUNT de James Isaac. A tout ceux qui pensent cependant que CHAW va leur servir du réchauffé, ne partez pas trop vite. Grâce à la liberté d'inspiration typique du cinéma coréen, le film est un gigantesque mixeur de tons dont l'équilibre tient du miracle.

CHAW prend en effet la même route que le cinéma de Joon-ho Bong. Avec MEMORIES OF A MURDER et THE HOST, ce dernier avait réussi à transcender des genres très codifiés (respectivement ceux film de serial-killer et du film de monstre) pour y imposer un récit mixant humour et tragédie tout en étant articulé sur une galerie de personnages hauts en couleurs. A l'instar de la créature de THE HOST, le sanglier géant de CHAW est donc un prétexte à une immersion tragi-comique dans un village occupé par des figures toutes plus décalées les unes que les autres. Jeong-won Shin s'amuse à faire rebondir son intrigue via les multiples caricatures du film : un anti-héro à côté de ses pompes et sa mère attardée mentale, des flics tous plus stupides et incapables les uns que les autres, un maire plouc et lunaire ou encore un chasseur égocentrique surentraîné par des années d'aventures en Finlande. Ce parti pris d'attaquer l'angle du film «d'action» via une galerie de bras cassés est le ressort comique principal du film. CHAW va parfois loin dans la volonté de les ridiculiser tous sans exception, comme lorsque le chasseur enterre en pleurs ses deux chiens morts au combat en disposant en croix les deux os en plastique de ses molosses. Le héros n'est pas mieux servi car il va traverser l'affrontement final tout en souffrant d'une odieuse blessure aux fesses.

CHAW ne renie pas pour autant son devoir d'efficacité. Les assauts de l'animal sont récurrents et font plutôt mal. Si Jeong-won Shin ne cherche pas à révolutionner la représentation du genre (on a le droit aux classiques comme la vue subjective du sanglier), le réalisateur nous concocte quelques séquences de bravoure assez formidables. Le clou du spectacle est sans aucun doute l'attaque au coeur du film où le monstre charge une salle de fêtes où s'est réuni tout le village. Le budget important de la production est bien entendu justifié par les nombreux effets spéciaux nous donnant à voir généreusement la bête tour à tour via une marionnette en animatronique ou via des images de synthèse. Comme souvent, ce sont des spécialistes américains qui ont posé les bases des effets spéciaux avant de laisser l'exécution à une équipe locale. Le résultat est très satisfaisant bien qu'en dessous des références actuelles. La grande difficulté du travail infographique vient du fait que le sanglier compile ce qu'il y a de plus difficile à représenter en 3D (comme les poils). Certains plans souffrent du coup de certaines limites et font penser aux approximations des effets du PACTE DES LOUPS de Christophe Gans.

Mais plus que les effets, le grand bémol du film vient de la multiplication parfois excessive des personnages. Certains rôles ne sont là que pour faire exister un gag, comme la séquence héroïque ratée d'un flic pleutre lors de l'attaque centrale. Pire, certains personnages n'apportent rien à l'histoire si ce n'est de la confusion, comme cette mère et son enfant vivant reclus dans la forêt. Heureusement, Jeong-won Shin parvient à se discipliner lors de la deuxième moitié du film en ne choisissant que (?) cinq personnages pour faire vivre l'expédition punitive organisée pour tuer le monstre. La dernière limite du film tient également à un manque de profondeur. Les personnages de CHAW ne trouveront pas in fine un sens à leur vie, tel que leurs homologues de THE HOST par exemple. CHAW a beau tendre vers le cinéma de Joon-ho Bong, il n'a pas les épaules pour entrer trop profondément dans l'être humain. Le film préfère se terminer sur un plan extrêmement classique du film de «monstres», plus facile mais aussi plus «sûr».

Avec un concept similaire, CHAW n'a donc pas la maestria de MEMORIES OF A MURDER ou encore THE HOST. Il constitue malgré tout un excellent spectacle doté d'une écriture dense et d'une mise en image exigeante. Si l'influence de RAZORBACK est souvent détectable (notamment lors du final dans une usine désafectée), CHAW trouve sa personnalité grâce à un humour qui va constamment chercher la petite bête dans cette histoire de grosse bête. On rit beaucoup, on frissonne et, comble du film, on se surprend à ressentir au final de l'empathie pour le monstre. Que le spectateur s'identifie plus à une sanglier géant qu'à une bande de guignols est l'ultime provocation de ce métrage aussi malin que hautement divertissant.

Rédacteur : Eric Dinkian
Photo Eric Dinkian
Monteur professionnel pour la télévision et le cinéma, Eric Dinkian enseigne en parallèle le montage en écoles. Il est auteur-réalisateur de trois courts-métrages remarqués dans les festivals internationaux (Kaojikara, Precut Girl et Yukiko) et prépare actuellement son premier long-métrage. Il collabore à DeVilDead depuis 2003.
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