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Critique du film
LAS BRUJAS DE ZUGARRAMURDI 2013

 

Le turbulent réalisateur espagnol du JOUR DE LA BETE, d'ACCION MUTANTE ou encore du CRIME FARPAIT a encore frappé. Et cette fois-ci, il s'attaque à une congrégation de sorcières qui attendent la venue d'un groupe de voleurs dans leur village de Zugarramurdi. L'enfant qui les accompagne pourra ainsi concrétiser une prophétie ce qui n'ira pas sans diner cannibale et autre gigantesque sabbat.

«LES SORCIERES DE ZUGARRAMURDI» est une co-production franco-espagnole, chapeauté par les producteurs français habituels d'Alex de la Iglesia. A savoir Franck Ribière et Vérane Frediani, les anciens tenanciers de la défunte Fabrique de Films. Distribué à grand renfort de publicité par Universal en Espagne, le métrage demeure un produit pur jus Alex de la Iglesia. Branque, bordélique, exagéré, doté de personnages hauts en couleurs et fortement irrévérencieux. Le ton est donné dès le générique du film qui voit défiler des photos et peintures d'ensorceleuses historiques, aussi bien de reines cruelles que d'actrices comme Greta Garbo ou Marlène Dietrich, jusqu'aux sorcières contemporaines que sont Margaret Thatcher ou Angela Merkel (succès assuré dans la salle de projection !). Ainsi, Alex de la Iglesia masque à peine la parabole politique et économique dans son oeuvre.

Image d'une Espagne en dérive sociale, le film démarre par un braquage d'un vendeur d'or par un groupe de pieds nickelés déguisés en Jesus (Javier Botet), soldat en plastique (Mario Casas), Bob l'Eponge ou encore Minnie la souris. Le tout aidé par le jeune fils du chef du gang. Violent, drôle, rentre-dedans avec une énergie à toute épreuve, le réalisateur ose l'impensable : Bob l'Eponge se fait cribler de balles, la croix de Jesus cache une mitraillette, des innocents se font tuer... Au point que l'on se demande de quelle manière le cinéaste va maintenir un tel rythme pendant toute la durée de son film

C'est justement là où le bât blesse car le soufflé retombe aussitôt la fuite commencée... S'ensuit de longs tunnels de dialogues, des problèmes maritaux par téléphones interposés teintés d'une légère misogynie, aussi ironique soit-elle. Après digressions et atermoiements, le petit groupe arrive enfin à Zugarramurdi, on désespérait de voir arriver les sorcières. Mais on a alors la sombre impression que l'auteur se répète, reprend des thèmes de ses précédents métrages, les recycle dans une structure emprunté à d'autres films... Le magot au coeur de l'intrigue, c'est déjà MES CHERS VOISINS ! L'avènement d'un nouvel ordre combattu par un petit groupe déguingandé, c'est LE JOUR DE LA BETE... Auto-références ? Marque d'un auteur ? Manque de renouvellement ? Un peu tout cela à la fois. Il y aussi cette ressemblance structurelle avec LOBOS DE ARGA, une récente comédie horrifique espagnole de Juan Martinez Moreno. Sorti il y a à peine un an en Espagne, elle utilisait déjà l'un des acteurs de LA BRUJAS DE ZUGARRAMURDI, Carlos Areces, mais exploitait surtout un même chemin narratif. En échangeant sorcières avec loups-garous, on obtient quasiment le même résultat. Argument peu original au final et LA BRUJAS DE ZUGARRAMURDI s'enlise petit à petit dans le conventionnel. Ceux qui attendent des débordements sanglants devront repasser : hormis un bras mordu, il n'y a rien à se mettre sous la dent. Le film reste assez sage en ce sens.

Pourtant, les ingrédients ne manquent pas de piquants. Carmen Maura en tête qui s'ingénie à dynamiser un propos peu novateur. Elle est aidée par l'armée d'acteurs habitués de l'univers du réalisateur espagnol. Terele Pavez, la Ramona mémé volante de MES CHERS VOISINS, campe ici une sorcière volcanique et mordante... Ou encore Enrique Villen, avec son visage reconnaissable entre mille, qui ajoute joyeusement son grain de sel au cirque ambiant. On notera également un Santiago «TORRENTE» Segura hallucinant dans le rôle d'un travesti méconnaissable, bourrant la gueule des victimes de crapauds pressés. Quelques clins d'œil ici et là tentent de relever une intrigue déjà vue, comme ce crucifix brandit par un des protagonistes (Jaime Ordonez) devant une sorcière gothique simili-Lisbeth Salander jouée de manière sexy par Carolina Bang... pour se rendre compte que la religion ne sauvera en rien la mise.

Puis Alex de la Iglesia relève la tête pour le dernier quart où l'on sent clairement une volonté de tout laisser aller. Une course-poursuite entre les sorcières déchainées et le groupe de survivants tourne à une hystérie collective bien venue. Puis des travellings aériens incessants sur une foule hurlante formant des processions gigantesques, Carmen Maura en roue libre et volant dans tous les sens... Mais aussi une créature monstrueuse qui va en laisser pantois plus d'un. La satire a la main lourde et le final parait un peu trop forcé pour être honnête. Mais entre des combats volants, des sacrifices humains, la chanson entonnée, les centaines de figurants déchainés, chacun assume le délire forcené qui envoute littéralement l'écran Cinemascopé. On passera juste sur certains effets spéciaux numériques passablement ratés qui font un peu tâche dans l'ensemble...

Il y a de l'argent et ça se voit. Cependant, LA BRUJAS DE ZUGARRAMURDI demeure une série B élaborée avec un budget de série A. Le scénario manque de cachet, de trouvailles véritables et de rigueur mais tente de compenser en extravagances visuelles et sonores (merci les Bloody Beetroots). Les amateurs de Alex de la Iglesia adoreront, ses détracteurs continueront à détester et les autres, poussés par une éventuelle curiosité, passeront un moment somme toute agréable. Pas du grand cinéma, loin s'en faut, mais une distraction parfois frénétique, jamais vraiment originale, complètement amorale, qui force la sympathie et montre que l'Espagne possède le gout véritable des horreurs comiques. Malgré cela, le produit reste moyen, trop long pour son sujet, près de deux heures avec au moins vingt minutes de trop. Et on imagine assez mal le film rencontrer un quelconque succès en France, hormis auprès des fans déjà acquis à la cause.

Rédacteur : Francis Barbier
Photo Francis Barbier
Dévoreur de scènes scandinaves et nordiques - sanguinolentes ou pas -, dégustateur de bisseries italiennes finement ciselées ou grossièrement lâchées sur pellicule, amateur de films en formats larges et 70mm en tous genres, avec une louche d'horreur sociale britannique, une lampée d'Albert Pyun (avant 2000), une fourchettée de Lamberto Bava (forever) et un soupçon de David DeCoteau (quand il se bouge). Sans reprendre des plats concoctés par William Friedkin pour ne pas risquer l'indigestion.
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