Header Critique : GUILTY OF ROMANCE (KOI NO TSUMI)

Critique du film
GUILTY OF ROMANCE 2011

KOI NO TSUMI 

Izumi (Megumi Kagurazaka) est une femme au foyer totalement soumise à son mari, un romancier à succès. Figure effacée par un quotidien monotone et absurde, Izumi va peu à peu reprendre le pouvoir sur sa vie et son propre corps. Tout d'abord en posant dénudée, puis en jouant dans des productions érotiques. En se liant d'amitié avec Mitsuko (Makoto Togashi), une professeure d'université qui se prostitue le soir, Izumi va se laisser entraîner dans la faune nocturne des «Love Hotels» pour marchander des relations sexuelles.

A peine remis du fabuleusement sombre COLD FISH, nous pensions retrouver le cinéaste japonais Sion Sono avec LORDS OF CHAOS, sa première production américaine racontant l'histoire vraie du meurtre d'un musicien de Death Metal norvégien par le chanteur d'un groupe concurrent. En stand by alors que la pré production a déjà commencé, Sono en profite pour tourner GUILTY OF ROMANCE qu'il annonce comme le dernier volet de sa «trilogie de la haine» formée de LOVE EXPOSURE et COLD FISH. Sélectionné à la Quinzaine des réalisateurs du Festival de Cannes 2011, ce nouveau film est une étape supplémentaire dans la reconnaissance internationale de cet auteur hors norme. La version que nous avons vue à la Quinzaine est la version dite longue de 144 minutes alors qu'au Marché était diffusée pour l'exploitation une version de 112 minutes. Très étrangement, c'est la version courte qui est considérée par Sono comme le Director's Cut.

GUILTY OF ROMANCE est une nouvelle œuvre foisonnante et extrêmement libre dans sa gestion d'une narration volontairement construite sur les fractures de tons, les fausses pistes et les emphases qui ne déboucheront parfois sur rien du tout. Les habitués du cinéaste, déjà familiers avec cette écriture provocatrice et très littéraire, ne seront pas surpris. Le film s'ouvre sur la découverte par une femme policier (Miki Mizuno) de corps mutilés, découpés et dont les morceaux ont été séparés et enchâssés dans des mannequins en plastique. On pense alors que GUILTY OF ROMANCE est un film de serial killer dans le milieu glauque et fluo des «Love Hotels» japonais. Ce ne sera bien entendu pas le cas. Le film abandonne totalement cet univers passé ce prologue pour entrer dans le quotidien de femme au foyer d'Izumi. Avec un sens du détail et un humour décalé qui n'appartient qu'à lui, Sion Sono s'amuse à décrire la vacuité et l'asservissement de cette femme ne vivant que pour souhaiter une bonne journée à son mari le matin et l'accueillir le soir dans un sourire caricatural. On rie beaucoup face à cette femme préparant les chaussons de son mari toujours dans le bon sens, ou encore lorsqu'elle se fait réprimandé parce qu'elle n'a pas acheté du «savon de Marseille». Mais derrière l'immédiateté du rire devant ce spectacle absurde, Sono nous brosse le récit grave et choquant d'une déshumanisation. Bien entendu, cette parfaite épouse nippone va chercher à se reconquérir en tant que femme. Et dans cette peinture d'une société japonaise odieuse et machiste, la seule arme que possède Izumi est le sexe.

Le sexe en tant qu'affirmation de l'existence de la femme, c'est donc le véritable sujet de GUILTY OF ROMANCE. Sono va s'appuyer sur trois personnages pour développer son histoire tortueuse. Nous trouvons donc Izumi, femme docile qui va explorer les recoins insoupçonnés de sa psyché et de sa chair. Nous rencontrons ensuite Mitsuko, professeure d'université qui, derrière son apparence stricte et institutionnelle, se métamorphose le soir en prostituée prédatrice. Mitsuko va initier Izumi à la prostitution en tant que prise de pouvoir sur les hommes et la société qu'ils représentent. Enfin Kazuko, la femme policier qui est, quant à elle, un personnage dans l'illusion de la maîtrise. Son enquête criminelle en flashforward, qui interrompt régulièrement le récit de Izumi et Mitsuko, n'est là avant tout que pour nous rappeler que cette histoire se finira dans un bain de sang.

Passionnant, épuisant également, GUILTY OF ROMANCE est une œuvre exceptionnelle. Le cinéma de Sion Sono ne ressemble à rien d'autre, ce qui en fait sa préciosité. Adoptant comme à son habitude une organisation sous forme de chapitres à durées inégales, Sono rompt avec la photographie aride et naturaliste de ses derniers films pour conférer à GUILTY OF ROMANCE un écrin visuel de toute beauté. Le point fort du film restera quand même ses comédiennes et surtout Megumi Kagurazaka dans le rôle d'Izumi. Déjà vue dans COLD FISH dans un rôle sans emphase, la comédienne explose ici dans une performance la mettant à nu et à vif. Devant l'usage prononcé de la nudité dans le film, on pourra aisément qualifier GUILTY OF ROMANCE de film «pink» dans la grande tradition du genre. On pourra également le ramener à du cinéma purement d'auteur devant la cohérence du travail de Sion Sono. On pourra aussi se montrer excédé par ce maelström narratif ne voulant jamais s'arrêter, même lorsque le générique de fin se déroule à l'écran. Nul doute que GUILTY OF ROMANCE divisera, irritera et passionnera les spectateurs qui croiseront son chemin.

Rédacteur : Eric Dinkian
Photo Eric Dinkian
Monteur professionnel pour la télévision et le cinéma, Eric Dinkian enseigne en parallèle le montage en écoles. Il est auteur-réalisateur de trois courts-métrages remarqués dans les festivals internationaux (Kaojikara, Precut Girl et Yukiko) et prépare actuellement son premier long-métrage. Il collabore à DeVilDead depuis 2003.
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