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Critique du film
MILLENIUM 2 2009

LA FILLE QUI REVAIT D'UN BIDON D'ESSENCE ET D'UNE ALLUMETTE 

Après MILLENIUM, à l'origine, il était prévu que les adaptations des deux autres romans soient destinés à la télévision. Ainsi MILLENIUM a-t-il été tourné spécifiquement pour le cinéma (et en DigitalScope 2.40:1), tandis que MILLENIUM 2 et MILLENIUM 3 étaient envisagés dès le début pour le petit écran, donc au format 1.85:1. Comme il est par ailleurs traditionnel en Scandinavie : les adaptations de VARG VEUM en Norvège (avec BITRE BLOMSTER) ou encore de WALLANDER en Suède (avec INNAN FROSTEN pour la nouvelle série) connurent les mêmes trajectoires pour les séquelles qui ont été engendrées.

Plusieurs mois se sont écoulés depuis la résolution du mystère Wenger. Lisbeth Salender (Noomi Rapace) est désormais convaincue de plusieurs meurtres. Son tuteur (Peter Andersson), qui l'avait violée, meurt assassiné. Deux reporters de la revue Millenium étant eux aussi tués suite à leur enquête sur le milieu de la prostitution en Suède. La jeune hackeuse se retrouve alors sur la piste d'un dangereux personnage (Georgi Staykov) qui s'avère être un transfuge russe du KGB, spécialisé dans le trafic de drogue et de femmes en provenance des pays baltes. Blomqvist (Michael Nyqvist), l'aide en parallèle, tout en tentant de sortir un nouveau numéro de Millenium qui en effraie plus d'un.

Adapter les romans de Stieg Larsson tient de la gageure. Des ouvrages touffus, nourris d'intrigues aux ramifications politiques, financières, sociales et concernant un pays, la Suède, dont la situation demeure relativement inconnue du grand public. L'influence grandissante de l'extrême-droite, du populisme bon teint lié étroitement aux trafics en tous genres, comme du banditisme financier trouvent leurs racines dans un passé tumultueux, comme il est très souvent dans la littérature et le cinéma contemporain scandinave et nordique. Les relations poreuses entre la Suède et feu la confédération russe (CCCP) apparaissent ainsi au grand jour.

Malgré la destination initiale d'une projection télévisée, cette adaptation contient quelques scènes de violence que nous ne verrons probablement jamais (ou pas avant longtemps) dans la «création» télévisuelle française. A savoir que, entre autres, pioche en plein genou, combats brutaux à mains nues qui se terminent dans le sang ou une enterrée vivante s'extirpant de sa tombe surgissent ça et là dans MILLENIUM 2. Pour une télévision empêtrée dans PLUS BELLE LA VIE, JOSEPHINE ANGE GARDIEN ou LOUIS LA BROCANTE, la France possède encore de la marge.

Il reste à noter que la durée du film étant de 129 minutes, il existe ainsi une différence notable par rapport aux deux épisodes télévisés de deux fois 90 minutes déjà diffusés sur Canal +. Déjà, 51 minutes en moins… mais curieusement, cette perte en durée correspond à un spectacle meilleur. Le découpage comporte ainsi moins de scènes en plans serrés, étudié afin de faire moins «série Tv sur grand écran». Sont privilégiés les plans larges, avec un rythme faisant la part belle aux scènes chocs du film qui ponctuent l'action, plutôt que de privilégier des cliffhangers pour la série. Les auteurs ont décidé d'une autre orientation pour la mise en conformité cinématographique de cette série de téléfilms.

Cette origine télévisuelle reste la raison principale d'un niveau en tous points inférieurs au MILLENIUM de Niels Arden Oplev. Autant le premier opus bénéficiait d'une optique cinéma claire, autant cette suite garde les stigmates d'un cadre beaucoup plus resserré. Un budget qui apparaît moindre : des décors moins diversifiés, une photographie moins travaillée en termes d'éclairages mais également concernant le travail sur la post-production. Le roman s'y prêtant aussi peut-être moins, l'action parait moins présente. Une bonne chose cependant : le scénariste a su trouver un bon équilibre dans son adaptation. Le roman original donnait un fil conducteur parasité par bon nombre de sous intrigues pas forcément nécessaires à la progression dramatique. Il a réussi à évacuer le superflu tout en conservant le nerf principal. A savoir le récit centré sur Lisbeth Salender et sa quête, aidée sans le savoir par Blomqvist. Mais également une vision inhabituelle de la Suède. Vue ici souvent comme une société avant-gardiste en terme de droits et d'avancées sociales, elle apparaît ici comme moins idéale. Avec les mêmes affres politiques, la corruption policière bien présente et un système social perméable aux velléités personnelles et politiques. L'individu, via le destin assez horrible de Lisbeth, n'y est pas aussi protégé qu'on ne l'imagine. Ceci couplé aux excès des filières de la prostitution, la femme se montre plus exploitée que jamais. Même si certaines arrivent à des postes de pouvoir, comme Erika Berger.

Les éclairs de violences, bien que toujours présents, explosent sur l'écran avec un ton en dessous. La brutalité du géant blond Ronald Niederman (joué à la perfection glaciale par Mikael Spietz) est palpable mais son intensité ne s'en ressent que trop brièvement. La manière de filmer de Daniel Alfredson (frère du réalisateur Tomas Alfredson, auteur de MORSE) se garde bien de tout débordement. Le cadre reste sage, centré sur les personnages et leur action. Mais on sent que tout ceci est comme calibré pour un espace plus limité. Finis les grands espaces australiens ou suédois, les amples travellings en pleine nature, la direction d'acteurs réglée au millimètre… le cadre serré sur la jungle urbaine s'avère un poil décevant, tout comme l'intensité des interprétations. La photographie rappelle celle de certains épisodes de la série des WALLANDER (celle avec Krister Henriksson) : teint blafard, petit matin blême… Stockholm au plus glauque de sa forme. Une scène très chaude vient perturber tout ceci, à savoir la scène d'amour entre Lisbeth et Miram (Yasmine Garbi). Lisbeth passe alors du statut de victime (le viol effrayant qu'elle subit dans MILLENIUM) à celui de jouet érotique. Le tout sublimé par une photographie aux teintes chaudes, variant d'un orangé lumineux à de superbes contrastes clair-obscurs. De par sa nature libérée et ultra-sensuelle, cette scène serait impensable à imaginer en France dans une série diffusée à heure de grande écoute.

Les amateurs du livre retrouveront cependant une progression narrative qui suit assez fidèlement l'évolution du récit initial. Nonobstant les coupes effectuées, comme la tentative d'Erika Berger de quitter la revue Millenium, entre autres. Le rythme s'accommode bien des multiples rebondissements de l'histoire, tout en privilégiant suspense et la psychologie requise. Si bien que l'ensemble se suit de manière plaisante. Pour les amateurs de thrillers, MILLENIUM 2 tient le haut du pavé en terme de mécanique, de suspense et de substance dramatique. La comparaison avec le premier opus s'avère inévitable, et là aussi, en termes d'action et de mystère, la séquelle se situe un cran en dessous. Il est vrai aussi que la matériau de base offrait moins de diversité et davantage quant à la découverte du passé de Lisbeth Salander, donc une orientation différente. Une plongée dans une psyché torturée, mais moins vertigineuse qu'un métrage 100% cinéma aurait pu laisser entrevoir.

Malgré ces scories, MILLENIUM 2 n'a pas grand mal à se trouver au-dessus de la mêlée des films à suspense qu'on nous balance à longueur d'année. Les divers sujets manient des thèmes qui sortent des sentiers battus hollywoodiens (Il est par ailleurs annoncé une nouvelle version de Millenium avec David Fincher aux manettes). Quelques courtes références à ce qui va se passer après-coup pour la troisième partie, tout comme la scène finale du premier film voit son explication ici. Le scénario possède d'ailleurs l'intelligence de ne pas s'appesantir sur ces digressions pour se concentrer sur le plus important. MILLENIUM 2 arrive ainsi aux mêmes conclusions amères que ses cousins que sont WALLANDER ou VARG VEUM, justement. Sans esbroufe, ni concession : la société suédoise est en état de malfonction et possède de sales petits secrets bien enfouis dans l'(in)conscience collective. Même si la mise en images décevra les amateurs du premier film, cette suite possède suffisamment de ressources et une Noomi Rapace convaincante pour intéresser même le spectateur le plus blasé.

Rédacteur : Francis Barbier
Photo Francis Barbier
Dévoreur de scènes scandinaves et nordiques - sanguinolentes ou pas -, dégustateur de bisseries italiennes finement ciselées ou grossièrement lâchées sur pellicule, amateur de films en formats larges et 70mm en tous genres, avec une louche d'horreur sociale britannique, une lampée d'Albert Pyun (avant 2000), une fourchettée de Lamberto Bava (forever) et un soupçon de David DeCoteau (quand il se bouge). Sans reprendre des plats concoctés par William Friedkin pour ne pas risquer l'indigestion.
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