Header Critique : KILL BILL : VOLUME 2

Critique du film et du DVD Zone 2
KILL BILL 2004

VOLUME 2 

Laissée pour morte le jour de ses noces alors qu'elle était enceinte, «La Mariée» poursuit son œuvre de vengeance. Remontant la trace de ses tueurs, un groupuscule d'anciens professionnels dont elle fit elle-même partie, notre héroïne va enfin se confronter à Bill, ex-amant et porteur du coup de grâce qui la plongea dans un profond coma.

On ne dit pas KILL BILL 2 mais KILL BILL VOLUME 2 ! Une subtilité linguistique ménageant la politique d'exploitation de ce dernier film de Quentin Tarantino. Car KILL BILL VOLUME 2 n'est pas une suite mais LA suite de KILL BILL. Tourné au départ comme un seul et unique film, la décision fut prise avec l'aval de son metteur en scène de le couper en deux pour des sorties séparées. Initialement, il s'agit de laisser le champ libre à son auteur en termes de durée afin de sortir dès le départ des montages définitifs et non des versions light destinées à être gonflées par de futures éditions DVDs (comme ce fut le cas avec la trilogie du SEIGNEUR DES ANNEAUX). L'avenir nous a malheureusement prouvé que cette méthode n'était qu'un vil stratagème marketing destiné à faire payer de multiples fois le spectateur pour un seul et même métrage.

Mais passé une politique commerciale odieuse, il y a un film qui aurait peut-être mérité une (première) vision moins chaotique. On était pourtant peu convaincu par le « premier volume », une enfilade de références certes recopiées avec talent mais recopiées quand même. La limite entre hommage et pompage, si redondante chez Tarantino, s'y faisait plus que jamais ténue. Le rythme du film semblait par moment s'étirer artificiellement (voir les scènes avec Sonny Chiba), ce qui donnait la fâcheuse impression que le film se gonflait plus que de raison afin de justifier sa juteuse coupe. Restaient quelques moments de bravoures, comme une orgie finale gore qu'un monochrome désamorceur vidait de tout son excès graphique (le public japonais eut droit à une version non censurée, prétexte à créer des versions intégrales artificielles). Quant à la fin du film, le spectateur avait la peu délicate impression de se faire débarquer à froid de la salle de cinéma tant il n'y en avait pas justement.

Un bilan lourd donc, qui ne laisse que peu de chance d'appréciation à son spectateur. Heureusement le VOLUME 2, vraie suite mais fausse séquelle, offre enfin les lignes de fuite nécessaires à l'intérêt de KILL BILL. Il y a ainsi une vraie césure dans KILL BILL. D'une narration morcelée en zapping cinéphile autocentré sur son propre médium, de personnages réduits à des silhouettes poseuses et référentielles, d'un regard de cinéaste emprunté et recycleur, KILL BILL accède enfin grâce à ce VOLUME 2 à un statut d'authentique film en opérant un virage stylistique conséquent. Les intentions de Tarantino s'y font claires, les clins d'œils honnêtes et généreux, les personnages retrouvent le talent d'écriture du bonhomme, et le spectacle devient enfin jouissif et sans embarras.

L'action du VOLUME 2 prend place quasi exclusivement au Texas, l'occasion de planter une ambiance de western Européen si chère à la culture bis de notre auteur. Malin, Tarantino justifie son changement de point de vue entre les deux parties en remettant en cause, voire en se moquant de certaines séquences du premier volume. Le VOLUME 2 s'ouvre sur un flash-back explicitant la fusillade lors des noces de l'héroïne. Les faits sont divergents par rapport à ce que l'on pensait savoir, ceci étant justifié par la source erronée du premier film (les journaux et une enquête de police flegmatique) tandis qu'ici, c'est la mariée elle-même qui raconte. Un peu plus tard, David Carradine alias Bill révèlera que les « Crazy 88's », le groupuscule de yakusa que l'héroïne avait occis à elle seule, n'était pas vraiment 88 ! Une dévalorisation des exploits du premier opus qui place le VOLUME 2 dans une autre optique : KILL BILL VOLUME 1 était un film basé sur le cinéma (et donc le mensonge et la simulation), KILL BILL VOLUME 2 prend ses racines dans le «réel» et donc bénéficie d'une autre épaisseur.

Les personnages sont les premiers valorisés par ce changement de cap. Elle Driver (Daryl Hannah) passe d'une brutale machine à tuer à un personnage perfide de psychotique dénué de remords. Une adversaire bien plus prometteuse que la Meiko Kaji contrefaite par Lucy Liu dans le VOLUME 1. Aperçu en « Reservoir Dogs » dans le premier segment, le redoutable Michael Madsen alias Budd nous est présenté comme une épave vivotant dans une caravane. Il gagne péniblement sa vie en étant videur de bar sous la tyrannie d'un patron ne cessant de le prendre pour une merde. Soit l'envers de décor du tueur qui «a décidé de raccrocher» ! Et puis nous faisons enfin réellement la connaissance de Bill sous les traits de David Carradine. Odieux salopard sans pitié, Bill nous apparaît ici comme un homme digne et noble, une dualité qui ne cessera de s'imposer à la définition de ce personnage complexe.

Le VOLUME 1 faisait la part belle à l'action, le VOLUME 2 la met volontairement en sourdine pour mieux s'autoriser quelques scènes vraiment qualitatives. Le duel opposant la mariée et Elle Driver est à ce titre très brillant. Tarantino place cette séquence dans un décor si exigu que les deux personnages n'ont même pas la place de dégainer leurs sabres. S'ensuit un affrontement très brutal et très imaginatif (comme cet impromptu et génial split screen), un vrai tour de force compte tenu des contraintes imposées par l'espace. Le VOLUME 2 s'arrête enfin sur la tutelle de la mariée par Pai Mei, grand maître des arts martiaux dont la sagesse s'est mué en sadisme ludique (ce personnage, ayant véritablement existé, est à nouveau joué par Gordon Liu après son rôle de chef yakusa dans le VOLUME 1). Là encore, Tarantino fait preuve de talent en mélangeant constamment comédie et action, en faisant preuve d'une excellente maîtrise de l'ellipse directe, et surtout en parvenant à retranscrire le style filmique de la Shaw Brothers non sans une relecture sincère et amusée. La référence est ici pleinement hommage, et réconciliera enfin tous les spectateurs du cinéma de Tarantino, la jeune génération comme les érudits du « bis ».

A l'instar du VOLUME 1, Uma Thurman porte le film d'une manière encore plus significative. Dans le premier segment, on ne pouvait que vanter ses mérites au sabre, son phrasé japonais, sa présence nerveuse mais non le personnage qu'elle incarnait réellement. C'est maintenant chose réparée avec le VOLUME 2, qui lui offre enfin la dimension prompte à faire exister humainement son alter ego (le film lève enfin le voile sur son identité bipée, qu'une astuce d'écriture nous avait finalement révélée dès le départ). D'icône de bédé, de super héroïne, la mariée redevient un être humain qui souffre, qui saigne et surtout qui doute. Le processus de vengeance, si linéaire dans la première partie, se cabosse et se distord tant et si bien que l'on se met à s'interroger de la légitimité du titre. KILL BILL ?

KILL BILL VOLUME 2 est une réussite qui donne son ampleur au projet, et s'affirme comme un contrepoint adulte à la frénésie récréative et référentielle de sa première partie. Le spectacle est nourri, élégant, personnel et fédérateur. Généreux aussi, puisqu'il offre à David Carradine une magnifique porte de sortie, taillée sur mesure. On pourrait presque penser que l'intérêt du film tient dans ces ultimes minutes avec l'acteur, sans aucun doute les dernières de sa carrière sur grand écran. Reste à revoir KILL BILL réunit en un seul film, et de l'expérimenter dans la longueur et sans interruption. Ce qui ne saurait d'ailleurs tarder...

L'édition DVD de KILL BILL VOLUME 2 est techniquement (presque) parfaite. Image à tomber et bande-son à la fois fine et tonitruante. On regrette juste amèrement que la piste DTS ne soit accordée qu'à la version française et non à la version originale. A l'instar du premier film, un second disque de bonus (très peu rempli) vient faire l'illusion d'une édition « Collector ». L'intérêt principal est d'y retrouver la fameuse scène coupée avec Michael Jai White (SPAWN, SILVER HAWK), seule séquence d'ailleurs où Bill croise le fer. Intéressante bien qu'un peu maladroite, cette découverte aurait mérité d'être replacé dans son contexte plutôt que de nous être livrée en brut de cette manière.

La suite du maigre disque oscille entre le doucement sympathique (un mini-concert des Chingon, groupe de Robert Rodriguez responsable de quelques morceaux du film) et l'inintérêt total (une vingtaine de minutes de featurettes archi-bonimenteuses, déjà diffusée en boucle sur les chaînes de télé spécialisées lors de la sortie en salle du titre). Un bien maigre butin alors que l'on imagine les cartons de Miramax bourrés à craquer de matériel inédit sur le film. Ce sera encore pour une (des) prochaine(s) édition(s).

On ne peut pas achever cette chronique sans s'arrêter une dernière fois sur cet implacable plan commercial dont KILL BILL est la vedette. L'édition de ce VOLUME 2 ne se faisant qu'au travers d'un coffret regroupant les DVD du VOLUME 1 ainsi que les deux bandes originales du film. Il faudra au consommateur attendre deux mois pour pouvoir enfin mettre la main sur KILL BILL VOLUME 2 à l'unité, soit le temps de tenter les plus fanatiques au ré-achat. C'est d'autant plus limite que ces éditions n'ont rien de définitives et que le chaland sera vraisemblablement repoussé au ré-ré-achat lors de l'exploitation de KILL BILL réunit en un seul film.

Cet ultime KILL BILL a déjà été montré en aparté au dernier festival de Cannes et est toujours prévu pour une sortie en salles. L'édition DVD qui devrait logiquement suivre s'annoncerait donc comme véritablement " Collector ". Reste le cas des versions japonaises, le VOLUME 1 ainsi que le VOLUME 2 bénéficiant de rajouts hardcores ou supprimant les monochromes des scènes gores. Miramax a uniquement limité l'exploitation de ces montages à l'archipel nippon (prétextant le goût local pour l'extrême) alors que le degré de tolérance de nombreux pays (à commencer par le notre) aurait volontiers laissé passer ces versions dures sans interdictions renforcées. On peut supputer que ces variantes plus saignantes atteindront nos contrées via un luxueux « Director's Cut », histoire de pousser le vice à un ultime ré-ré-ré-achat. Du jamais vu !

Rédacteur : Eric Dinkian
Photo Eric Dinkian
Monteur professionnel pour la télévision et le cinéma, Eric Dinkian enseigne en parallèle le montage en écoles. Il est auteur-réalisateur de trois courts-métrages remarqués dans les festivals internationaux (Kaojikara, Precut Girl et Yukiko) et prépare actuellement son premier long-métrage. Il collabore à DeVilDead depuis 2003.
48 ans
1 news
287 critiques Film & Vidéo
On aime
Une séquelle (?) qui donne son sens au projet
Enfin un film de Tarantino que profanes comme érudits pourront apprécier également
On n'aime pas
La politique d’exploitation commerciale du film
Une édition collector qui cache mal sa vacuité
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L'édition vidéo
KILL BILL : VOL. 2 DVD Zone 2 (France)
Editeur
Support
2 DVD
Origine
France (Zone 2)
Date de Sortie
Durée
2h11
Image
2.35 (16/9)
Audio
English Dolby Digital 5.1
Francais DTS 5.1
Francais Dolby Digital 5.1
Sous-titrage
  • Français
  • Supplements
    • Scène coupée (3mn27)
    • Making Of (25mn01)
    • Concert des Chingon (11mn03)
    • Bandes-annonces et Teaser : Kill Bill Volume 1 & 2
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