Evil Dead : The Musical

2. Acte I

Bien évidemment, l'équipe de Devil Dead n'allait pas laisser le show abandonner les planches sans y jeter auparavant un coup d'œil. Direction donc Toronto, où le spectacle est joué de manière intensive : une représentation chaque soir, et deux le samedi et le dimanche. Lors de l'achat du billet, le jeune guichetier nous demande en pointant le premier rang : " Voulez-vous être dans la Splatter Zone (la zone d'éclaboussure) ? ". Nous savions que le show versait dans la comédie, la musique, mais pas le gore jeté à gros bouillons aux visages des premiers rangs. Le guichetier nous rassure pourtant : des ponchos en plastiques sont distribués dans la salle, sachant que le faux sang disparaît facilement à la machine à laver. Courageux mais pas téméraires, nous optons pour le second rang, que nous pensons alors sans danger d'humidité intempestive (pauvres de nous). Nous nous asseyons dans la (plutôt grande) salle devant une reproduction géante du Necronomicon (alias le livre des morts), posée sur un trépied au milieu de la scène. Le temps que les sièges se remplissent d'une foule hétéroclite (des familles, des enfants d'une douzaine d'années, des punks, de paisibles retraités, des gens " normaux " aussi…), les lumières s'éteignent enfin. A cet instant, nous ne savons toujours pas à quoi nous attendre. Un hommage ? Une parodie ? Une sale blague ? Un spectacle de Céline Dion (n'oublions pas qu'elle est canadienne) ?...

Comme nous pouvions le deviner, le Necronomicon géant s'ouvre et une vidéo projection donne l'impression que les pages du grimoire s'écrivent sous nos yeux. Une voix caverneuse nous explique les origines du livre. Pas de doute, voici reconstituée l'introduction d'EVIL DEAD 2. La couverture se ferme dans un bruitage glaçant, le livre disparaît de la scène et le rideau rouge s'ouvre dans une ambiance ténébreuse... Ash, sa sœur Cheryl, sa petite amie Linda, son ami Scott et la compagne de ce dernier, Shelly, sont en voiture sur le chemin des vacances devant une toile peinte au style particulièrement naïf. Ils chantent euphoriques " Cabin in the Woods ", un hymne rockabilly derrière la fameuse Oldsmobile Delta 88 reconstituée dans du carton. Devant ce tableau digne d'un épisode live de SCOUBI-DOU, la salle est secouée de son premier éclat de rire. Il y en aura beaucoup d'autres. La chanson passée, la troupe doit franchir le fameux pont qui doit couper la cabane du monde. Comment reconstituer un tel décor sur scène ? A peine avons-nous formulé la question dans nos têtes qu'un pont miniature à roulettes est nonchalamment balancé aux pieds des comédiens. Reconstituer de manière " cheap " les efforts visuels des films intransposables sur scène sera l'un des ressorts comiques les plus récurrents du spectacle.

La petite troupe enjambe béatement le pont et prend possession du décor principal de la pièce : la fameuse cabane en bois, immédiatement secouée d'un violent " Join Us " ! Ca doit être le vent, répond Cheryl. Ou un chat, corrige Shelly… Première grosse liberté prise avec le film de Sam Raimi : Shelly est blonde ! C'est la plus blonde des blondes que le cinéma d'horreur n'a jamais osé mettre en scène… Une aubaine pour Scott, dont le sens du romantisme est situé dans une zone délimitée entre le bas et le haut de la braguette, et qui compte bien profiter de la " lenteur " de sa damoiselle pour s'amuser un peu ! Ce n'est bien évidemment pas le cas de notre héros, le romantique Ash, qui attendra que tout le monde soit couché pour offrir un joli collier à sa Linda. Un cadeau touchant que cette dernière promet de porter " aussi longtemps qu'elle vivra " !! La salle n'a pas le temps de digérer sa gaudriole qu'Ash et Linda se lancent dans une chanson romantique sur leur rencontre dans la superette où ils travaillent, " Housewares Employee " (" J'étais assigné aux tailles haies lorsque je suis tombé amoureux de toi "). Les paroles incroyablement cul-cul incitent les acteurs à quelques pas de danse parodiant les chansons d'amour chantées en duo (souvenez vous de Patrick Fiori et de Lara Fabian).

Dans les minutes suivantes, le groupe d'amis découvrent la trappe, quelques objets anodins (un fusil, une tronçonneuse, le poignard en os humain), ainsi que le fameux magnétophone dont la lecture des bandes révèle les incantations d'un certain professeur expert en démons. Enfin couché, Cheryl n'arrive pas à dormir à cause de ces caverneux " Join Us " qui retentissent contre tout bon sens. Faut-il réveiller les autres ? Non, mieux vaut mener l'enquête seule ! Voici Cheryl dans la forêt, pour la traumatisante séquence de l'attaque (suivi du viol) par les arbres. Le rendu sur scène est irrésistible ! La jeune fille est au milieu de comédiens engoncés dans des costumes d'arbres en mousse, qui s'approchent d'elle en criant dans son dos, pour se figer maladroitement lorsqu'elle se retourne. Un pathétique numéro de 1,2,3 Soleil qui se termine en viol collectif (et par derrière) sur le tombé de rideau. Les enfants sont ceux qui rigolent le plus fort. Revenue dans la cabane, Cheryl fait une crise pour quitter le lieu. Ash, cède enfin pour la ramener.

Le rideau noir tombe, pour signifier un extérieur nuit. Ash et Cheryl cherche le chemin du pont que chaque spectateur d'EVIL DEAD sait saccagé par les démons. Une nouvelle fois, le pont en plastique à roulettes est balancé sur la scène. Il est enrobé de ruban " danger ". Cheryl fond en larmes ! Ils ne peuvent plus partir… Retour dans la cabane. Toute la troupe se détend autour d'un Pictionnary local. Il faut deviner un mot avec une suite d'indices. La blonde et pulpeuse Shelly se rend coupable d'idioties qui ont le don de mettre la salle en transe. Cheryl, prostrée face à la fenêtre, parviens néanmoins à deviner les mots à peine les cartes tirées. Elle se retourne : elle s'est transformée en démon !! L'actrice porte un masque lui déformant les traits, et son hyper expressivité impressionne quelque peu l'assistance. S'ensuit une bagarre générale excellemment chorégraphiée. L'énergie de la séquence dégage une vapeur de violence, qui nous fait oublier un instant que nous étions jusqu'ici en train de rire à gorge déployée des mésaventures de nos héros. Cheryl est alors enfermée dans la cave. Elle y restera jusqu'à la fin du spectacle.

A peine le temps de respirer, et c'est la bécasse Shelly qui est à son tour possédée. Scott empoigne la carabine et tire sur son ancienne fiancée. Le premier bouillon de sang vient éclabousser le visage de l'actrice qui disparaît du décor. Un ange passe dans la salle, inconfortable devant la découverte de la fausse hémoglobine. La glace est aussitôt brisée par la chanson qui s'invite aussitôt, " What the fuck was that ?!? "… Tandis que la salle retrouve le sourire, Scott abandonne Ash et Linda (blessée) dans la cabine pour trouver une issue dans la forêt. Bien évidemment, Linda tourne également zombie et se fait décapiter en ombre chinoise grâce à une astuce de mise en scène. Le sang gicle, et la comédienne profite de la diversion pour encastrer sa tête à l'intérieur d'un faux meuble. Elle jouera désormais la tête coupée de Linda, prompte à harceler notre pauvre Ash. Cheryl, toujours dans sa cave, provoque notre héros en lui lançant une nouvelle chanson : " Join Us " (" Ta vie à la superette est nulle de toute façon, tu ferais mieux de nous rejoindre !! "). Le chœur de la chanson est repris par tous les objets de la cabane qui se mettent à tournicoter, en référence à la fameuse séquence du fou rire d'EVIL DEAD 2. Vous vous souvenez de la tête d'élan du film ? Canada oblige, elle est remplacée par une tête de caribou qui ne manquera pas de poursuivre le refrain et informer notre héros que sa main est possédée ! Ash se met à se battre contre lui-même sous l'hystérie des démons et du génial caribou (" un caribou candarien démoniaque ", précise-t-il), jusqu'à trancher son poignet à la tronçonneuse.

Un rideau noir tombe. Un avion en plastique mal attaché à quelques gros fils passe en travers de la scène. La narration d'EVIL DEAD 2 continue de s'immiscer dans celle du premier opus. Annie, la fille du professeur expert en démons, et son petit ami Ed, viennent d'atterrir (" Il y avait SPIDER-MAN dans l'avion, quel film de merde " lance Annie sous des applaudissements généralisés). Ils essaient de passer par le pont à roulettes toujours balancé nonchalamment sur scène. Ils font alors connaissance avec un certain Jake, un rustre bénéficiant d'un magnifique " bronzage agricole ", prompt à leur indiquer un autre chemin pour rejoindre la cabane. Retour dans celle-ci. Ash contemple son moignon : " Ma main, nous avons passé de si bons moments ensemble "… La main coupée de notre héros, se baladant discrètement sur la table de la cuisine en arrière scène, mime un mouvement de masturbation. Arrive alors Scott, le ventre ouvert et l'intestin pendant… Sous les rires de la tête coupée de Linda, Ash commence à devenir fou. Il empoigne sa tronçonneuse et scie le crâne de cette dernière. Un rappel tragique de sa chanson d'amour " Housewares Employee " retentit. Le pauvre bougre essaie de chanter son refrain, mais un jet de sang pointant dans sa bouche l'empêche de formuler correctement ses paroles si romantiques. La scène ressemble bien évidemment à un bain de sang, et le comédien principal commence à être bien cramoisi. C'est le moment que choisissent Annie, Ed et Jake pour entrer le cœur joyeux dans la cabane. Le spectacle leur donne un haut le cœur. Ash leur répond benoîtement : " Ce n'est pas si grave que ça en a l'air ! ". Les spectateurs explosent de rire et le rideau se ferme, l'entracte tombe après près d'une heure de spectacle.

RECHERCHE
Mon compte
Se connecter

S'inscrire

Index
Dossier réalisé par
Eric Dinkian