Fauchée comme les blés, Julia hérite d’une vieille bâtisse en Espagne. Elle décide de s’y rendre avec son fils et sa fille pour retaper l’endroit et faire une plus-value financière. (Elle ne devait pas être si fauchée que ça puisqu’elle a pu se payer le billet d’avion et toute une équipe d’ouvriers. Mais ne nous égarons pas.) Malheureusement l’endroit semble héberger une force maléfique. En parallèle, Gabriele Amorth rentre au Vatican après sa dernière mission d’exorcisme…
Gabriele Amorth est un stakhanoviste de l’exorcisme. Né en 1925 et décédé en 2016, cet homme d’église revendiquait plus de 160.000 exorcismes ! Rien qu’entre 2010 et 2013, il aurait réalisé 90.000 exorcismes ! Soit une moyenne de 3,42 exorcismes à l’heure en admettant qu’il ne dorme jamais ! Même si l’exorciste dont nous parlons ici indique qu’un exorcisme n’est pas compté par victime mais par prière et par rituel, cela s’avère plutôt impressionnant ! De telles statistiques font basculer, à elles seules, la réalité dans le Fantastique ! Une véritable performance qui nous oblige à mettre des tas de points d’exclamation dans ce paragraphe ! Autant dire que Gabriele Amorth est un peu (beaucoup ?) le Tartarin de Tarascon de l’Église catholique ! Qu’on le croie ou pas, il n’en reste pas moins que ce personnage réel est hors norme. William Friedkin, qui a réalisé L'EXORCISTE en 1973 et dont la carrière est en fin de vie, s’intéresse au personnage et réalise un documentaire mal foutu intitulé THE DEVIL AND FATHER AMORTH où le cinéaste filme l’ecclésiastique italien dans sa bien peu spectaculaire performance, peu représentative des statistiques énoncées plus haut.
Le décor est planté, à ma gauche un personnage réel qui sent le soufre à force de se frotter aux démons et à ma droite Hollywood qui sent l’argent à se faire. Quoi de plus logique, à partir de là, que de filer quelques bouquins de Gabriele Amorth à des scénaristes. Oui, Gabriele Amorth a aussi écrit un nombre astronomique de livres entre deux exorcismes (nous ne reviendrons pas sur les statistiques, ce n’est plus le propos). Screen Gems commandite ainsi en 2020 le réalisateur Ángel Gómez Hernández pour mettre en scène l’évocation cinématographique de l’exorciste et trois scénaristes se mettent au boulot. Les voies des producteurs sont impénétrables et nous ne ferons pas d’extrapolation sur les raisons de l’éviction du réalisateur de N'ÉCOUTE PAS au profit de Julius Avery en 2022. On ajoute deux scénaristes dans la boucle et on obtient enfin la livraison d’un film intitulé THE POPE'S EXORCIST ou L'EXORCISTE DU VATICAN en français.
Nous sommes au XXIème siècle, nous nous sommes déjà tapé des tas d’exorcismes au cinéma et en vidéo. On pensait avoir tout vu sur le sujet ! Critiques de peu de foi, on n’attendait rien de ce nouveau film ! Et il faut bien reconnaître que L'EXORCISTE DU VATICAN fait son effet et n’est pas foncièrement désagréable. Passé une introduction «choc», histoire que les spectateurs des plateformes ne zappent pas trop vite, le film de Julius Avery prend des directions inattendues, mêle des éléments incongrus mais qui fonctionnent… Par exemple, la séquence qui ouvre le film annonce un spectacle un peu extrême et gore mais dès que l’on fait connaissance avec le prêtre exorciste (incarné par Russell Crowe), on découvre un personnage débonnaire qui traverse les couloirs du Vatican de manière décontractée. Pour autant, la hiérarchie du Saint Siège est en mutation, dirigée par de jeunes cadres qui aimeraient bien le mettre dehors. Ces déambulations donnent l’impression de suivre un James Bond qui sortirait d’AU SERVICE SECRET DE SA PAPAUTÉ ou un flic coriace en butte à ses supérieurs trop laxistes ou progressistes. L'EXORCISTE DU VATICAN semble faire un pas de côté vers un second degré qui tranche avec les manifestations démoniaques. Dans le courant du film, l’intrigue lorgne même vers le «buddy movie». Notre vieux briscard exorciste travaille avec un jeune prêtre un peu naïf qui découvre le métier ! Tous ces éléments contrastent avec le sérieux habituel des ersatz de L'EXORCISTE et donnent à cet EXORCISTE DU VATICAN un cachet particulier, voire une aura salvatrice.
Tempérons tout de même en évoquant que L'EXORCISTE DU VATICAN ne s’amuse pas à flinguer complètement les images d’Epinal du genre. Au contraire, il va même parfois beaucoup plus loin que le séminal L'EXORCISTE. La dernière partie du film est un spectacle de sons et lumières pour bien nous faire comprendre l’énormité du mal que notre duo d’exorcistes affronte, véritable festival de flammes, de transformations et autres images improbables, dont une représentation démoniaque qui éclate comme une bulle d’hémoglobine ! Les plus faibles d’entre nous se laisseront bercer par cette dérive puérile qui ne vient, en réalité, que renforcer l’aspect ironique de l’entreprise. Avant l’ultime exorcisme, le personnage de Gabriele Amorth nous le dit, il ne faut pas croire tout ce que vous allez voir. Les scénaristes ne sont pas dupes. Cet avertissement laisse même entrevoir une sorte de pirouette amusante où l’on pourrait redéfinir la fin du film comme une fin idyllique fantasmée. Ce ne sera pas le cas, l’ambition est plus clairement de nous montrer l’envers du décor d’un Vatican qui planifie une vaste opération d’exorcisation de notre planète. Voilà une fin ouverte un peu con-con qui, l’air de rien, laisse entrevoir l’arrivée de plusieurs suites. Désolé de vous divulgacher le fait qu’il n’y a pour le moment aucune suite à l’horizon, le film n’ayant pas été complétement en odeur de sainteté au Box-Office.
Russell Crowe n’aime pas les films d’horreur, c’est lui qui le dit. Mais il aurait été séduit par le personnage de Gabriele Amorth et aurait donc décidé de faire le film. Curieusement, il avait déjà enfilé la soutane d’un prêtre exorciste auparavant dans L'EXORCISME de Joshua John Miller, fils de Jason Miller. Il est d’ailleurs intéressant d’évoquer ce film qui évoque le tournage d’un film d’horreur qui ressemble à L'EXORCISTE de William Friedkin. Quoi qu’il en soit, Russell Crowe a eu raison de prendre le rôle de Gabriele Amorth. Il est parfait en faux «Père tranquille» prêt à taper du poing et à brandir les icônes religieuses. Sans lui, le film ne serait probablement pas le même. Quand il n’est pas à l’écran, on suit l’intrigue trop classique d’une famille américaine à qui il arrive des misères. Lorsqu’il déboule, en scooter (forza Italia !) après avoir traversé toute l’Italie et une partie de l’Espagne, le film gagne en saveur. Particulièrement lorsque l’entité démoniaque lui balance des insultes dignes des racailles d’aujourd’hui ou encore lorsque notre héros se transforme en Indiana Jones. Dans ce film, il y en a pour tous les goûts !
N'ayant pas lu les écrits de Gabriele Amorth, il est difficile de savoir si certaines des idées véhiculées par le film viennent de ses livres ou bien de l’imagination fertile des scénaristes. Par exemple, le film évoque l’Inquisition et les horreurs perpétrées par cette institution religieuse en les imputant à des ecclésiastiques possédés par le Démon qui les aurait menés à ces dérives. On en arrive presqu’à dédouaner l’Église des méfaits avérés de l’Inquisition. Sa seule faute serait d’avoir mis la chose sous le tapis ! Difficile de prendre tout ça au sérieux mais à l’aune de la désinformation et des réseaux sociaux qui diffusent la «vérité vraie», voilà de quoi alimenter des pensées complotistes. Encore faut-il prendre ce spectacle au sérieux !
Les livres écrits par notre exorciste sont mis en avant dans le film. Une première fois par le héros lui-même qui, faisant preuve d’une grande humilité, déclare qu’«ils sont bons». Et une deuxième fois, cette appréciation est reprise, avec une amusante ironie, dans un texte juste avant le générique final. Mais on ne peut s’enlever de l’idée que cette «publicité» va certainement inciter des personnes à découvrir des livres qui traitent d’une «réalité» particulière. Pas sûr que ce soit le rôle d’un film tel que L'EXORCISTE DU VATICAN de faire ce type de prosélytisme.
Si L'EXORCISTE DU VATICAN n’est pas un grand film, difficile de ne pas lui reconnaître de qualité. Non, parmi les qualités, il n’est pas question d’évoquer les séquences ridicules d’un Pape incarné par un Franco Nero alité et en transe, pas plus que la puissance du démon qui semble être très inégale en fonction des séquences. Attendez… En fait, on va surtout reconnaître à L'EXORCISTE DU VATICAN d’être un film plutôt divertissant à prendre au second degré. Pour rappel, c’est un film emballé par le réalisateur d’OVERLORD, une évocation du débarquement des alliés en 1944... avec du gore et des créatures maléfiques. Vous vous attendiez à quoi ?