CARLOS ENRIQUE TABOADA (1 / 2)

5 mars 2013 
CARLOS ENRIQUE TABOADA (1 / 2)

Les 15 et 16 février dernier, en partenariat avec le Festival de Gérardmer, la Cinémathèque Française se proposait de nous faire découvrir Carlos Enrique Taboada. Qualifié par Jean-François Rauger de "chaînon manquant de l'épouvante mexicaine", c'est logiquement dans le cadre des séances Cinéma Bis que ses films ont été projetés. En l'occurrence, exceptionnellement, deux soirées consécutives dans le calendrier, pour quatre oeuvres d'atmosphère gothique, couvrant une quinzaine d'années, de la fin des 60's jusqu'au milieu des années 80.

L'attente, pour notre part, était forte puisque l'on parle ici d'un réalisateur très méconnu dont le nom est quasiment absent des encyclopédies papier à disposition et autres ouvrages couvrant les cinémas fantastiques et d'horreur mondiaux. Une origine, le Mexique, qui nous a offert ces dernières années des œuvres remarquables et remarquées. Peut-être influencées par cet auteur, justement. Et surtout, une période, les années 60 et 70, chères au cœur de tout amateur de cinoche Pop et Bis qui se respecte. Attente attisée par les deux pages rédigées dans le programme de la Cinémathèque par le programmateur.

Pour la première séance, proposant EL LIBRO DE PIEDRA (1969) et HASTA EL VIENTO TIENE MIEDO (1967), Jean-françois Rauger était accompagné du responsable du festival mexicain Morbido, à l'origine de la redécouverte en salle de Carlos Enrique Taboada. L'ineffable présentateur des soirées Bis nous apprend avoir découvert ces films par le biais de vidéos achetées lors d'un voyage au Mexique. Attiré par le visuel des jaquettes, il ne faisait que supposer leur appartenance au genre. Et bien entendu, il les avait visionné à l'époque sans sous-titres. Marqué par leur souvenir, il s'était promis d'essayer de les montrer ici.

L'invité nous introduit ensuite la personnalité méconnue de Carlos Enrique Taboada. L'auteur d'une centaine de films, en tant que scénariste ou réalisateur, réputé pour un cinéma résolument contemporain de son temps. C'est bien dans les 60's que se déroulent les deux premiers métrages de ce mini cycle, même si l'atmosphère s'apparente au domaine gothique habituellement illustré dans le cadre du 19ème siècle. Les quatre œuvres seraient d'ailleurs les seules incursions du cinéaste dans le domaine de l'épouvante en tant que réalisateur. A part cela, on nous présente ces intrigues comme résolument féminines, partageant essentiellement le point de vue du sexe dit faible. Les personnages masculins seraient, pour leur part, inconsistants, disparaissant vite du déroulement de l'intrigue. Importance serait aussi donnée au monde animal. Voilà décidément de quoi parachever notre curiosité. Place à la projection.

Suite à cela, il est préférable d'aborder les métrages selon un ressenti général. Car, au final, rien de transcendant ni d'original à se mettre devant les yeux. On a affaire à des œuvres d'intérieurs, physique comme mental, accrocheuses au départ, mais dont l'intérêt s'effiloche au fur et à mesure. Les décors ont beau être "modernes", l'imagerie n'est guère différente des bandes gothiques de l'époque. Au bout du compte, on a droit aux sempiternelles allées et venues d'une pièce à l'autre, d'un jardin à une cabane. La mise en scène, soignée, appliquée, ne propose que peu d'effets de montage, il n'y a guère que les balayages de la caméra qui instillent quelques mouvements dans un cadre somme toute empesé.

Le scénario, jouant sur l'ambiguïté entre réel et imaginaire, à partir d'anciens événements tragiques, est là aussi classique. Les effets ont déjà maintes et maintes fois été utilisés, du hors champ à la rotation à 360 degrés du cadre permettant la disparition d'une silhouette. Cela peut même être grossier. Et quoi qu'en disait l'organisateur du Morbido, la femme ne semble pas mise sur un piédestal par rapport à l'homme. Et l'enfant n'est vu que par le filtre de l'adulte. On reste résolument dans une optique pré-68.

En ce qui concernerait un particularisme mexicain, seul semble y correspondre la relation entre les riches propriétaires et le personnel de maison de EL LIBRO DE PIEDRA. Mais ce n'est guère qu'une toile de fond. Et ces serviteurs ne semblent toujours là que pour prouver leur inutilité, plantés comme des piquets, attendant qu'on leur intime l'ordre d'appeler un docteur ou de partir à la recherche d'un disparu. Occasionnant par-là les sourires attendus à la suite de situations d'un autre temps...

De LA MAISON DU DIABLE aux INNOCENTS, bien trop de réminiscences dans les images de Carlos Enrique Taboada pour considérer tout cela comme une véritable découverte. Tout juste une illustration routinière de nationalité sud-américaine. "Chaînon manquant", peut-être, sans doute même, à l'échelle du cinéma mexicain, en cette époque de catcheurs justiciers. Pour le cinoche de genre mondial, cela reste à relativiser.

Les films ont été projetés en copie numérique. Des images aux couleurs un peu passées et agréables à l'œil, mais une définition d'ensemble tout juste satisfaisante pour une projection sur grand écran. Les plans larges ne permettant pas du tout de deviner les traits des acteurs. Mais bon, ne faisons pas la fine bouche, le but étant de visionner ces films dans les meilleures conditions à disposition et non pas d'organiser un concours technique. D'ailleurs, le contraste n'en sera que plus saisissant le lendemain, avec la projection de VENENO PARA LAS HADAS (DU POISON POUR LES FEES), dans son ultime copie 35mm, présentée ainsi pour la dernière fois avant son retour au pays. Lumineuse, cristalline… Mais ceci est une autre histoire...

Rédacteur : Laurent Savoy1
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