GERARDMER 2012

2 février 2012 
GERARDMER 2012

Cette année, le Festival du Film Fantastique de Gerardmer nous aura offert un panorama assez complet du genre et de ses sensibilités. Tout du moins tel qu'exploré actuellement aux quatre coins du monde dans les différentes sections des films programmés. Un choix marqué par un dosage assez opérant, sur le papier, mariant le fantastique intimiste à l'européenne, le blockbuster américain euphorisant comme produit d'appel du samedi soir, en passant par l'inévitable film coréen et ses postures obligées… sans oublier la carte de l'improbable, cette année venue de Norvège et de Hollande.

Mais pour certaines des oeuvres présentées, cela suffira-t-il pour accéder au statut d'incunables du genre? Car en ce qui concerne les films eux-mêmes, et en dépit de leurs qualités respectives, leur capacité à susciter un enthousiasme durable n'a en tous cas rien d'une évidence.

En 2012, exit les rétrospectives qui firent le bonheur des spectateurs les plus insomniaques. Place à une nouvelle section un peu rapidement titrée "Extrême" (mais que vient donc faire là-dedans le BLOOD CREEK de Joel Schumacher ?). Place également à l'avènement des projections HD. En effet, cette année, il y a aura eu très peu de films présentés en copie argentique. Une tendance amorcée depuis les dernières éditions où les formats vidéos cotoyaient de plus en plus la pellicule et qui s'affirme pleinement en 2012.

BABYCALL - PosterAprès l'ouverture, avec la présentation du dernier film de Francis Ford Coppola, le très anecdotique mais pas déshonorant TWIXT, les spectateurs purent découvrir quelques métrages mettant le fantastique au coeur de drames en phase avec le quotidien. La déchirure d'un couple dans le danois BEAST de Christoffer Boe (déjà venu à Gérardmer avec ALLEGRO), aux confins du drame intimiste et de l'allégorie Zulawskienne. Suit l'enfance maltraitée avec le norvégien BABYCALL, avec Noomi Rapace. Seul représentant de l'Asie chère au festival, THE CAT (hormis UNDERWATER LOVE : A PINK MUSICAL et INVASION OF THE ALIEN BIKINI, présentés tous deux hors compétition), aura peiné à susciter l'engouement des plus fidèles du cinéma coréen. La fantaisie espagnole PASTORELA d'Emilio Portes aura lui déclenché des haussements d'épaules au sein de son audience.

EVA du catalan Kike Maillo avec son postulat de science fiction noyé dans son intrigue de dépit amoureux, se chargea de la touche émotionnelle poids lourd, à grands renforts de violons. Ceci en contrepoint de HELL, post nuke venu d'Allemagne et du très bancal THE MOTH DIARIES, sacrifiant son sujet aux sirènes des codes d'un fantastique grand public adolescent (qui a dit TWILIGHT?).

C'est finalement du côté d'une "Ghost Story" à l'anglaise, le très beau LA MAISON DES OMBRES de Nick Murphy, que l'on retomba dans un fantastique plus académique dans le bon sens du terme, mais aussi plus poétique dans sa façon d'illustrer le genre.

Cependant, un enthousiasme plus marqué émergea des sections parallèles à cette compétition. Avec notamment le film à sketches THE THEATRE BIZARRE, anthologie à sept histoires au rendu homogène, fourmillant d'idées et d'audace, et se dégageant sans grand mal de ses contraintes budgétaires par la seule force d'inspiration de ses talents. PERFECT SENSE de David MacKenzie cimenta son public et a conquis les plus endurcis autour de l'émotion suscitée, là ou EVA avait échoué.
De son côté, le français Alexandre Courtès n'eut pas grand mal à se faire remarquer avec son THE INCIDENT, présenté dans la toute nouvelle section "Extrême" avec son asile psychiatrique aux prises avec des occupants sanguinaires. Il impose un sens du rythme, de la tension et de l'efficacité aux accents gore, revigorant ainsi les esprits chagrins ayant senti leur adrénaline délaissée par une programmation tantôt jugée trop cérébrale, tantôt trop déprimante. C'est également dans ce cadre que le dernier opus de Darren Lynn Bousman, MOTHER'S DAY, fit figure d'uppercut. Avec sa figure de mère revancharde magistralement incarnée par Rebecca De Mornay, totalement habitée par son rôle, qui demeure au service d'une mise en scène confirmant le sens aiguisé de Bousman pour les situations tendues.

Mais que dire d'un film comme NORWEGIAN NINJA, à la limite du hors sujet, qui plongea l'assistance dans l'incompréhension face à son exercice vintage périlleux et à l'humour laborieux. Enchaînant les ruptures de ton pour finalement perdre une bonne partie des spectateurs dans son développement flou et confus, il a misé le reste d'attention vacillante du spectateur sur son simple visuel. Ce fut la séance éprouvante pour bon nombre des aficionados venus fêter le genre. Quant à GRAVE ENCOUNTERS des Vicious Brothers et sa caméra à la main, il faut croire qu'il a subi l'effet d'essoufflement des productions de ce type. Ceci jusqu'à la projection de l'ébouriffant blockbuster CHRONICLE de Josh Trank, reprenant le procédé en territoire geek pour en distiller un spectacle à la fois euphorisant et spectaculaire. Succès garanti.

Notons enfin la présentation du documentaire CORMAN'S WORLD : EXPLOITS OF HOLLYWOOD REBEL, véritable déclaration d'amour au réalisateur, scénariste et producteur. Même si dans la forme, il ne dépasse pas celle d'un super bonus de DVD, le film parvient à communiquer l'admiration porté à l'oeuvre unique d'une figure mythique du cinéma, l'une de ces icônes respectées à juste titre pour son immense contribution au cinéma. Le portrait émouvant et nostalgique d'une époque et d'un artisan passionné que rien n'arrête, en forme d'appel à vocation. Touchant.

Les quelques réorganisations au niveau de l'accès aux salles pour les festivaliers, n'auront pas évité certains couacs, comme quelques soucis de coordination entre les salles et l'extérieur, le personnel bloquant encore trop souvent l'accès en annonçant une salle pleine, alors qu'il n'en est rien. Le phénomène demeure toujours aussi incompréhensible !

Et persiste toujours ce problème à l'espace LAC : son confort de visionnage bien aléatoire, des problèmes de son qui grésille (TWIXT en a fait les frais), de point image qui n'est pas toujours fait (la projection, en présence du jury, de BABYCALL), et ses fauteuils mal agencés condamnant bon nombre de spectateurs à faire l'impasse sur des sous-titres pourtant de fort bon aloi sur des productions notamment norvégiennes.

Mais il est à noter qu'une prise en compte de certains problèmes des années précédentes a été faite et que manifestement un effort de bonne volonté a été entrepris... même s'il reste encore quelques voix qui s'élèvent dans les longues files d'attente du festival. Cela n'a tout de même pas entamé l'enthousiasme des amoureux du genre et l'affluence d'être au rendez-vous...

Il n'empêche que même si ce cru 2012 n'a pas généré de réelles nouvelles attentes, se contentant d'être trop souvent un timide panorama actuel, une vitrine froide et détachée, le festival de Gerardmer continue à dispenser son charme auprès des amoureux du genre. Il n'y a qu'à voir l'enthousiasme du public qu'on aimerait parfois voir gagner chez les principaux protagonistes professionnels, qui cette année se sont sans doute laissé un peu trop gagné par l'effet crise. Il serait fort dommageable que cet événement soit condamné à disparaître comme on a pu le suggérer à demi-mots içi et là dans les commentaires glanés auprès d'officiels. Souhaitons que 2013 connaisse un sursaut de vitalité pour ce festival. Le public, lui, est déjà prêt.

Nicolas Kannengiesser

Rédacteur : Christophe Lemonnier
Photo Christophe Lemonnier
Ancien journaliste professionnel dans le domaine de la presse spécialisée où il a oeuvré durant plus de 15 ans sous le pseudonyme "Arioch", il est cofondateur de DeVilDead, site d'information monté en l’an 2000. Faute de temps, en 2014, il a été obligé de s'éloigner du site pour n'y collaborer, à présent, que de manière très sporadique. Et, incognito, il a signé de nombreuses chroniques sous le pseudonyme de Antoine Rigaud ici-même.
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