LUFF 2011 : DEUXIEME JOUR & CRITIQUE : DUFFER

22 octobre 2011 
LUFF 2011 : DEUXIEME JOUR  & CRITIQUE : DUFFER

Deuxième journée au LUFF... A chaque jour suffit sa peine et le choix des films fait parfois peur. Entre la carte Blanche à Stephen Thrower (musicien, acteur et journaliste auteur de livres sur Lucio Fulci) qui propose des films rares, les débordement de baquets de sang de la sélection Gore Factor, les extravagances cinématographique sélectionnées par Peaches Christ et la sélection officielle, il y a de quoi se faire vriller le cerveau de la meilleure manière qui soit.

Les différents endroits de projection à travers Lausanne offrent une qualité là aussi très diversifiée. En même temps, on a presqu'envie d'excuser les aléas, d'un point de vue de spectateur - tant que la projection entière n'est pas ruinée. En commençant par le Zinéma (le premier "miniplexe" de Suisse !), où il fut possible de découvrir une perle déviante et surtout oubliée depuis près de quatre décennies : DUFFER, dont on vous propose une chronique détaillée en cliquant sur l'image en bas de ce texte,.

Zinéma toujours, mais dans la salle d'à côté (non, ce n'est pas du Truffaut) pour assister à THE TAINT, un long-métrage écrit, réalisé, produit, monté, démonté, craché, éjaculé par Drew Bolduc. Un vrai film de sale gosse. Où une pollution de l'eau transforme les hommes en monstres priapiques misogynes au sexe démesuré qui n'ont pour seul but que d'écrabouiller la tête des femmes. Okay. Un point de départ comme un autre pour un métrage outrageant, repoussant les limites du bon gout et de l'idiotie généralisé. Un grand mérite : sa courte durée d'à peine 70 minutes. Le métrage fait la part belle à des effets spéciaux oscillant entre l'amateur le plus total jusqu'à des scènes spectaculaires (dont une tête écrasée dans une portière de voiture) qui étonnent par leur professionnalisme. A côté de cela, on nage dans la caricature la plus totale avec cette histoire de Cockzantium, produit élaboré par des total geeks afin de bénéficier d'une grosse bite et de prendre le pouvoir sur les femmes. Drew Bolduc possède visiblement un problème (ou une obsession) avec les bites. Il y a en a partout dans le film. Grosses, crachant des flots de sperme crémeux, se faisant exploser à coup de révolver et jaillissant des braguettes d'hommes aux limites de la zombification. Ca se veut transgressif et de mauvais goût : ça l'est, assurément. Bordé d'insultes homophobes à prendre au 20ème degré et de misogynie ambiante rachetée par le discours caricatural de l'ensemble. Sauf que le scénario se prend les pieds dans le tapis. Mal écrit et qui tente par tous les moyens de rallonger la sauce, handicapé par une construction en flash back inutile. C'est amateur à presque tous les étages, mais animé d'une belle énergie. Proprement n'importe quoi et juste assez court pour ne pas être chiant. Mais un exercice un peu vain.

S'aérer un peu entre deux gouttes de pluie, c'est ça aussi, le LUFF. Quelques pas dans un Lausanne maussade, on traverse un pont pour arriver à la Cinémathèque pour assister à une rare projection 35mm du VENIN DE LA PEUR de Lucio Fulci. Un giallo tendance hitchcockienne au titre racoleur qui tente de raccrocher à la mode animalière initiée par Dario Argento et son OISEAU AU PLUMAGE DE CRISTAL. La vision sur grand écran révèle des détails insoupçonnés pour ce type de films découverts soit en VHS ou en DVD. A savoir ici la qualité architecturale de la mise en scène du grand Lucio. Il s'agit de quelque chose qui ne saute pas aux yeux de manière automatique, ni pour les habitués des débordements sanglants tardifs du maitre, ni pour les aficionados du genre. Fulci a magistralement intégré la topographie des lieux et des décors à la construction labyrinthique du scénario. Les court-circuits entre le réel, l'imaginaire et le fantasme résonnent dans les bâtiments vides, les lignes de fuite sur les toits de Londres, l'orgue démultipliée, la cathédrale vidée, les escaliers en colimaçon. Un cauchemar tourbillonnant qui épouse les décombres, les arcades, les souterrains et les palaces abandonnés. Comme une psychologie (certes un peu primaire) de l'héroïne en voie de délabrement. Un délabrement qui semble être par ailleurs le mot d'ordre de cette seconde journée, après un DUFFER dépressif et THE TAINT privé de ses repères. Mais c'est aussi une vision de quelques scènes de cauchemar de Florinda Bolkan qui signalent à quel point MURDEROCK est une version 80's terriblement appauvrie de ce lézard à peau de femme. Terrible glissement de terrain pour Fulci, en thématique et en images.

Délabrement toujours avec la projection en compétition d'HELLACIOUS ACRES de Pat Tremblay, dont nous reviendrons en détail d'ici peu. Une science-fiction post-apocalyptique avec une humanité ravagée par une énième guerre qui a tout rasé. Où des extra-terrestres se sont installés, et notre héros bardé d'une combinaison protégeant de l'environnement se réveille d'un sommeil cryogénique pour partir en mission. Un tournage-marathon sur plusieurs mois, un humour décalé et une performance de centrer 108 minutes de film sur quasiment un seul personnage. Long mais intéressant.

Enfin, la (les) pièce(s) de résistance, avec Joshua Grannell venue présenter le cultissime LES SEINS QUI TUENT de Doris Wishman, nommé aussi MAMELL'STORY en nos contrées - le générique de début de la copie 35mm présente par ailleurs ce titre précis. Rien de fantastique en la matière, mais une vraie pièce d'exploitation 70's opérée par l'un des rarissimes femmes réalisateurs avec Roberta Findlay. Doris Wishman a voulu jouer sur le même terrain que des auteurs comme Ted V. Mikels ou encore Russ Meyer, a indiqué J. Grannell. Et a décidé d'y injecter le côté " freak " avec Chesty Morgan et sa poitrine démesurément gigantesque. C'est indéniablement trash, très mal jouée et qui plus est agrémenté de la VF d'époque qui ajoute une patine supplémentaire dans le déglingué nawak. Chesty Mogan (dont le générique la crédite du nom de " Zsa Zsa ") est une actrice dont l'expressivité frôle le "- 15" sur une échelle de "0" à "10". Même une huitre en fin de vie se serait mieux débrouillée. L'histoire est un prétexte à aligner les scènes de poitrine dénudée de l'héroïne. Ca ressemble à un Franco avec une énième histoire de vengeance d'une femme dont l'homme a été tué. Le scénario exécute un surplace monstrueux et la mise en image d'une pauvreté absolue tente d'entrelarder des stocks shots venus d'ailleurs. Histoire de créer une épaisseur et l'illusion d'un budget le temps de séquences "autres". Dont une sorte d'ambiance de communion supposée donner le change d'un public assistant au strip-tease de Chesty. Ouhlalalala. La VF achève le tout. Et on assiste, médusés, à un spectacle d'un autre âge, témoin d'une époque où tout était fait pour rameuter le chaland, quitte à exécuter les plus pauvres spectacles avec un emballage supposément excitant. C'est un petit miracle que ces seins qui tuent : ils étouffent à la fois les méchants de l'histoire, mais également toute velléité de crédibilité. Mais il s'agit curieusement de cette absence de talent qui créé sa particularité et l'attachement progressif qu'on lui témoigne.

Et on ressort vers minuit et demi. Repu d'images délirantes, stroboscopiques et psychotroniques, prêts pour une autre journée qui s'annonce tout aussi volcanique.

Francis Barbier

Rédacteur : Christophe Lemonnier
Photo Christophe Lemonnier
Ancien journaliste professionnel dans le domaine de la presse spécialisée où il a oeuvré durant plus de 15 ans sous le pseudonyme "Arioch", il est cofondateur de DeVilDead, site d'information monté en l’an 2000. Faute de temps, en 2014, il a été obligé de s'éloigner du site pour n'y collaborer, à présent, que de manière très sporadique. Et, incognito, il a signé de nombreuses chroniques sous le pseudonyme de Antoine Rigaud ici-même.
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