WEEK-END DE LA PEUR 2008 : COMPTE-RENDU

6 octobre 2008 
WEEK-END DE LA PEUR 2008 : COMPTE-RENDU

La deuxième édition du Week-end de la Peur s'est achevée ce dernier week-end de septembre. Ce jeune festival, dédié au cinéma d'horreur tendance gore, est l'un des rares (le seul ?) événements promouvant ce genre dans le Sud de la France. A St Maxime, juste en face de St Tropez, nous avons donc pu profiter sur trois jours d'une sélection de longs-métrages et courts-métrages à ne pas piquer des hannetons. Le week-end s'est ouvert avec MARTYRS de Pascal Laugier, qui faisait ici sa première varoise. Le film suivant, MACHINE GIRL de Noboru Iguchi, offrait de son côté une vision du gore bien plus décontracté. L'histoire délirante est centrée sur une lycéenne amputée d'un bras et décidant de se venger d'une bande de Yakusa avec une mitraillette géante en guise de prothèse. Complètement fou, déluré et bourré d'humour parodique, MACHINE GIRL enchaîne les séquences aussi anthologiques qu'improbables malgré son budget limité. On en sort avec une banane d'enfer.

Si nous avons manqué GUTTERBALLS de Ryan Nicholson (mais mon petit doigt me dit qu'une chronique DVD devrait bientôt poindre sur le site), nous avons en revanche survécu à MANHUNT (alias ROVDYR) de Patrik Syversen. La campagne norvégienne est donc aussi mal famée que le bayou de DELIVRANCE, ce que nous démontre Syversen au détour d'un survival extrêmement tendu et soigné. Seule ombre au tableau, le scénario ultra classique n'a pas grand-chose à ajouter au sous-genre.

Beaucoup plus fun, JACK BROOKS : MONSTER SLAYER de Jon Knautz propose de revenir aux charmes surannés des films de monstres en latex des années 80. Dans ce film canadien, un jeune plombier, traumatisé par le meurtre de ses parents par une espèce de créature velue, va sauver son bled d'un professeur de physique (Robert Englund) "possédé" par un organisme belliqueux. Très soigné également, souvent très drôle, JACK BROOKS : MONSTER SLAYER peut se voir comme une lettre d'amour adressé aux séries B de notre adolescence. Seul petit bémol, le budget réduit du titre nous inflige quelques "tunnels" de séquences de longs dialogues entre des scènes fortes et trépidantes. Heureusement, le cabotinage de Robert Englund assure à lui seul le spectacle.

Dernier long-métrage présenté, TOKYO GORE POLICE de Yoshihiro Nishimura peut, en toute modestie, prétendre au titre du film le plus taré que l'on ait vu depuis très longtemps. Dans un Japon futuriste, une unité de police privée traque des mutants dont la chair se transforme en armes meurtrières. Menée par Eihi Shiina (la traumatisante beauté de AUDITION de Takashi Miike), cette chasse aux monstres est une excuse pour enquiller les idées les plus folles et les plus tordues : un homme avec un canon organique à la place du sexe, une esclave SM avec des longues lames à la place des bras et des jambes, un bazooka qui tire des bras humains, un homme dont les jambes viennent d'être coupées utilise les geysers de son sang pour se propulser dans les airs. Mais derrière ce maelström de n'importe quoi, TOKYO GORE POLICE se montre incroyablement cynique et provocateur vis-à-vis du Japon traditionnel et conservateur. Nous ne sommes pas loin de l'attitude de Paul Verhoeven et de son STARSHIP TROOPERS, auquel TOKYO GORE POLICE emprunte l'idée des nombreux faux spots télés humoristiques raillant les travers du Japon moderne (dont une hilarante pub parodiant la console de jeu Wii). Doté d'un rythme parfois inégal, le film est néanmoins une excellente surprise doté d'un véritable discours sur le métissage et l'occidentalisation du pays du soleil levant.

Le dernier jour du festival était consacré à un marathon de courts-métrages francophones : 19 films de genre aux approches pourtant très variées. Parmi les titres marquants, ROCHES ROUGES de Rodolphe Bonnet donnait à voir une variation très MASSACRE A LA TRONCONNEUSE du groupe d'ados en vacances. D'une efficacité certaine, on retient surtout l'intelligence de la mise en scène des séquences gores, réussissant le paradoxe d'être à la fois frontales et pourtant suggérées. Le survival était aussi à l'honneur avec SURVIVOR de David Luchini et Fabien Carrabin. Partant d'une histoire mixant LA CHASSE DU COMTE ZAROFF aux créatures de THE DESCENT, le film étonne par sa maîtrise visuelle et sonore inspirée des travaux de Kyle Cooper, le réalisateur notamment du célèbre générique d'ouverture de SEVEN de David Fincher.

La grosse artillerie était également de sortie avec l'impressionnant BATMAN : ASHES TO ASHES de Julien Mokrani et Samuel Bodin. Conçu plus comme une bande-démo qu'un métrage à la narration classique, le film compose un univers graphique superbe dans la lignée de SIN CITY de Robert Rodriguez et Frank Miller. Les néophytes de l'univers de Batman seront quant à eux sûrement un peu largués devant la densité de l'histoire et le nombres de personnages. Grosse déception malheureusement devant DEAD BONES d'Olivier Beguin. Ce western prenant place dans un village de cannibales ne parvient pas à convaincre malgré un concept alléchant, un budget élevé et des comédiens d'expérience. Un grand dommage.

Dans un registre plus intimiste, LA PETITE FILLE QUI MORDAIT SES POUPEES de Jonathan Rio surprend par la poésie noire de son portrait de petite fille pas comme les autres. Le choix d'une image en Super 8 renforce considérablement l'ambiance de ce très beau film. Tourné en noir et blanc, L'INSOMNIAQUE de Mathieu Mazzoni part d'un gag (un homme ne supporte plus les ronflements de sa femme) pour se terminer dans un délire kafkaïen. Une très bonne surprise. On aimerait parler aussi de KAOJIKARA, cet étrange court-métrage où une japonaise se perd au milieu d'une cité urbaine sans visage. Mais comme l'auteur de ses lignes et également l'auteur du film, la déontologie journaliste nous oblige à nous la fermer ! Sachez juste que le film est visible sur un site dédié ici.

Finissons avec TOTAL FURY de François Simard, qui aura fait éclater de rire toute la salle sur toute sa durée. Une écolière québécoise est séquestrée par des sadiques. Un pitch de films de tortures comme on en voit déjà trop. Sauf que notre héroïne est fan depuis l'enfance d'Arnold Schwarzenegger, et qu'elle a intégré des techniques inédites de self-défense. Ultra gore et volontairement stupide, TOTAL FURY est un bonheur qui a, en toute logique, remporté haut la main le prix du court-métrage.

En résumé, ce Week-end de la Peur fut une vraie réussite où programmation de qualité s'est conjuguée avec des conditions de visionnages optimales et une organisation des plus sympathiques. On regrette juste quelques détails "pratiques" sur place (un petit coin cafèt' a manqué aux passionnés ayant fait le déplacement) ou encore le manque de communication sur l'événement dans la région qui a privé le festival de spectateurs supplémentaires. Des défauts de jeunesse qui seront sans le moindre doute corrigé l'année prochaine, pour une troisième édition déjà annoncée par les organisateurs et les élus locaux.

Eric Dinkian

Le palmarès de l'édition 2008

Prix d'excellence (avec le soutien de la ville de Sainte-Maxime) :
MARTYRS de Pascal Laugier

Prix de la meilleure réalisation :
JACK BROOKS : MONSTER SLAYER de Jon Knautz

Prix du film le plus Gore (parrainé par le site Oh My Gore !) :
TOKYO GORE POLICE de Yoshihiro Nishimura

Prix du public (long-métrage) :
MANHUNT de Patrik Syversen

Prix du public (court-métrage) :
TOTAL FURY de François Simard, Anouk Whissell, Yoan-Karl Whissell

Rédacteur : Christophe Lemonnier
Photo Christophe Lemonnier
Ancien journaliste professionnel dans le domaine de la presse spécialisée où il a oeuvré durant plus de 15 ans sous le pseudonyme "Arioch", il est cofondateur de DeVilDead, site d'information monté en l’an 2000. Faute de temps, en 2014, il a été obligé de s'éloigner du site pour n'y collaborer, à présent, que de manière très sporadique. Et, incognito, il a signé de nombreuses chroniques sous le pseudonyme de Antoine Rigaud ici-même.
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