CINEMA : LAND OF THE DEAD

30 juin 2005 
CINEMA : LAND OF THE DEAD

Vingt années se sont écoulées depuis LE JOUR DES MORTS-VIVANTS qui clôturait la trilogie des morts-vivants de George Romero initié par les deux monuments du cinéma fantastique et d'horreur que sont LA NUIT DES MORTS-VIVANTS et ZOMBIE. Trois films qui auront inspiré et suscité des ersatz cinématographiques tout en gravant dans le marbre les règles du film de morts-vivants moderne. Il s'est donc écoulé deux décennies où George Romero a pondu quelques métrages (LA PART DES TENEBRES, le premier segment de DEUX YEUX MALEFIQUES ou BRUISER) qui n'ont pas déchaîné les passions face aux attentes de ses fans même dans le cas du très bon INCIDENT DE PARCOURS ! Les mêmes fans qui attendent de pieds ferme et beaucoup d'espoir LAND OF THE DEAD, un quatrième opus dans la saga des morts-vivants.

Depuis quelques temps, les morts-vivants ont été exhumés et exhibés avec succès sur les grands écrans de la franchise RESIDENT EVIL au remake de ZOMBIE, L'ARMEE DES MORTS, en passant par toute une tripotée de productions aux budgets éclectiques. Les morts sont donc encore bien vivants et l'on pourrait penser que George Romero fait preuve d'opportunisme en revenant maintenant au genre qui lui a donné la gloire. Erreur puisque le cinéaste américain rame depuis pas mal de temps déjà pour monter le budget nécessaire au tournage de sa suite. Le paradoxe, c'est qu'il ne se trouve plus chef de file mais parmi les suiveurs qui ne doit la mise en chantier de son film qu'au revival d'un genre qu'il a forgé. Et même en essayant de donner un prolongement à une trilogie de films véritablement cultes, il se retrouve avec un budget inférieur à ceux des réalisateurs plus jeunes qui se sont lancés récemment sur le créneau. En plus de l'attente d'un grand film de morts-vivants qui viendra s'imposer comme un jalon incontournable de sa saga, on en vient aussi à espérer que le vétéran Romero va mettre la fessée aux gamins débutants !

Beaucoup d'attente donc pour cette suite de la mythique trilogie des morts-vivants de George Romero… Mais faut-il à tout prix attendre obligatoirement un chef-d'œuvre de cette suite ? Dans l'affirmative, on se dirige dans les salles avec un à priori qui risque de gâcher la vision du meilleur film de George Romero depuis fort longtemps, et supérieur à son JOUR DES MORTS-VIVANTS. Pourtant LAND OF THE DEAD se rattache de manière complètement cohérente dans l'œuvre de Romero. Ce nouveau film vient apporter une nouvelle pierre à l'édifice dans la continuité des métrages précédents. En apparence moins désespéré, le film place son récit dans une situation de statu quo où l'humanité a survécu dans des bastions protégé avec d'un côté les riches dans leur tour d'ivoire et, en bas, la populace qui assure le bien être des puissants. Un schéma qui n'est pas sans rappeler la science-fiction des années 70 avec, en tête, SOLEIL VERT. A la différence des autres films de zombies et autres morts-vivants vus sur les écrans, Romero développe un propos bien plus intelligent. Mais, à force qu'on lui ait répété qu'il était un auteur et que ses œuvres étaient politiques, George Romero a du se sentir obligé de développer grandement cet aspect quitte à souligner au marqueur, rouge sang bien sûr, une critique sociale et politique de l'Amérique et même du monde entier. Idée géniale de voir le territoire des morts comme le tiers monde où les plus évolués viennent faire acte d'ingérence en pillant les ressources qui s'y trouvent. LAND OF THE DEAD prend vite la tournure d'une caricature à peine camouflée de notre monde actuel (inégalités sociales, revendications armées ou pacifiques, corruption…). George Romero en arrive à la conclusion que la menace se trouve parmi ceux qui nous dirigent et certainement pas dans les populations soumises ou même carrément lobotomisées. Etrangement, avec l'âge, George Romero a semble t'il retrouvé une lueur d'optimisme clôturant son film de manière moins apocalyptique.

LAND OF THE DEAD, cela reste en tout cas, un film de morts-vivants pur jus où Romero a manifestement tiré les leçons du JOUR DES MORTS-VIVANTS. Quasiment aucun temps mort sur l'heure et demi de métrage qui balance sans arrêt un foisonnement d'idées et de séquences sympathiques où le gore s'avère assez présent. Avec George Romero, pas question de bouger sa caméra en branlo-vision pour camoufler le festin des morts. Il adopte toutefois une mise en scène plus énergique que celle du JOUR DES MORTS-VIVANTS et offre un compromis entre un cinéma classique et un emballage moderne. Du vrai cinéma, donc ! Seul écueil, George Romero n'a pas les moyens de ses ambitions et le film doit s'accommoder d'un budget maigrelet. La quinzaine de millions de dollars, LAND OF THE DEAD réussit quand même a les transcender en offrant un spectacle de grande qualité et il s'impose sans aucun problème comme ce qui a été fait de mieux dans le genre ces dernières années.

Pour la première fois sur la série des morts-vivants, le cinéaste bénéficie d'un casting un peu plus renommé qu'à l'accoutumée. Le héros prend les traits un peu passe-partout de Simon Baker, sûrement pas le personnage le plus charismatique de la planète mais en tout cas parfait pour interpréter un rôle d'anti-héros qui est assez proche de ceux rencontrés dans certains des films de Carpenter comme INVASION LOS ANGELES. Asia Argento apporte une touche féminine peu nécessaire au récit, John Leguizamo joue les rebelles et Dennis Hopper cabotine délicieusement ! Tom Savini, s'il ne s'occupe pas des effets spéciaux, apparaît dans un clin d'œil amusant à ZOMBIE. Plus anecdotique, les habitués des productions Charles Band reconnaîtront Phil Fondacaro dans un petit rôle rigolo alors que les auteurs de SHAUN OF THE DEAD se balade parmi les morts-vivants…

LAND OF THE DEAD n'est pas le chef d'œuvre que certains attendaient. C'est juste un excellent film. Et, un excellent film, c'est déjà beaucoup ! Surtout qu'avec des dizaines de zombies avariés sur les écrans ces derniers temps, George Romero partait avec un sacré handicap. Force est de reconnaître que le cinéaste n'a rien perdu de son mordant, à l'instar de ces créatures, avec un LAND OF THE DEAD mortellement attractif.

Sortie en salles le 10 août

Arioch

Rédacteur : Christophe Lemonnier
Photo Christophe Lemonnier
Ancien journaliste professionnel dans le domaine de la presse spécialisée où il a oeuvré durant plus de 15 ans sous le pseudonyme "Arioch", il est cofondateur de DeVilDead, site d'information monté en l’an 2000. Faute de temps, en 2014, il a été obligé de s'éloigner du site pour n'y collaborer, à présent, que de manière très sporadique. Et, incognito, il a signé de nombreuses chroniques sous le pseudonyme de Antoine Rigaud ici-même.
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