Header Critique : ISLAND OF DEATH (TA PEDHIA TOU DHIAVOLOU)

Critique du film et du DVD Zone 2
ISLAND OF DEATH 1975

TA PEDHIA TOU DHIAVOLOU 

En 1974, la dictature militaire qui dirige la Grèce abdique et cède la place à la démocratie. Il s'ensuit un courant de libéralisation dont va profiter la création artistique du pays. Toutefois, les structures traditionnelles du cinéma populaire n'ayant pas su affronter la concurrence de la télévision, elles sont franchement moribondes. Ce sera surtout le cinéma d'auteur qui va s'épanouir, notamment à travers l'œuvre de son plus célèbre ambassadeur, Théo Angelopoulos. Mais, quand on est un jeune réalisateur nommé Nico Mastorakis, et qu'on a derrière soi un thriller fantastique (TO KORITSI VOMVA) et une carrière à la télévision, les perspectives ne sont guère prometteuses.

La vision de MASSACRE A LA TRONÇONNEUSE lui donne néanmoins une idée pour relancer sa carrière : tourner, pour un tout petit budget, un film encore plus violent, destiné à ramasser un maximum de recettes sur le marché international. Il réunit, avec l'aide d'un ami producteur, 30 000 dollars (soit le tiers du budget du film de Hooper), rédige un scénario en une semaine et recrute quelques comédiens anglophones, parmi lesquels, pour jouer le couple de psychopathes, Robert Behling (un mannequin voulant se lancer dans le cinéma) et Jane Ryall (dont ce sera la seule apparition sur grand écran). Ils se rendent sur l'île cycladique de Mykonos et y mettent en boîte TA PEDHIA TOU DHIAVOLOU, en décors naturels. Faute d'avoir à sa disposition tout le personnel dont il a besoin, Mastorakis tient lui-même le rôle d'un écrivain, et recrute des acteurs improvisés parmi les touristes !

Christopher et Celia, un jeune couple d'anglais, viennent sur l'île touristique de Mykonos, semble-t-il pour y faire un séjour en amoureux. Ce sont en fait de dangereux psychopathes en cavale, particulièrement le jeune homme qui s'est mis en tête de "punir" (c'est-à-dire d'assassiner) toutes les personnes qu'il considère comme des pervers ou des débauchés. Toutefois, un britannique, qui les surveillait à Londres, retrouve leur trace et se rend en Grèce...

TA PEDHIA TOU DHIAVOLOU raconte la cavale sanglante d'un jeune couple de serial killer anglais, se réfugiant en Grèce quand, dans leur pays d'origine, on commence à les soupçonner. Adoptant nettement le point de vue de ces deux détraqués (leurs aventures seront commentées en voix off par Christopher), cette course à la mort semble vite d'une rare absurdité : alors que les jeunes gens devraient tout mettre en oeuvre pour se faire oublier, ils restent pris dans la spirale de la folie meurtrière et accumulent les actes de violence. On est tenté de rapprocher cette fuite d'œuvres connues, comme BONNIE AND CLYDE, LA BALLADE SAUVAGE ou LES TUEURS DE LA LUNE DE MIEL. Toutefois, dans ces films, les criminels faisaient le mal surtout pour acquérir de l'argent facilement, alors que Celia et Christopher assassinent et torturent par pure cruauté, uniquement pour le plaisir. Ils annoncent donc plutôt les méfaits des TUEURS NÉS d'Oliver Stone. Certes, Christopher tente de justifier ses actes immoraux en prétendant éliminer la mauvaise engeance, les pervers et les corrompus, qui se vautrent dans des vices, selon lui, contre-nature. Ce discours délirant (proche, par exemple de celui du tueur de DEUX MAINS LA NUIT de Robert Siodmak) paraît d'autant plus délirant que cet ange exterminateur auto-proclamé s'adonne à des plaisirs peu ordinaires, par exemple en copulant avec une petite chèvre !

TA PEDHIA TOU DHIAVOLOU a souvent été présenté, même par son réalisateur, comme un simple catalogue de perversions et de scènes de sadisme diverses et variées. Pourtant, sa construction est adroite, et elle ménage bien des surprises au spectateur. Ainsi, le jeune couple semble, initialement, deux jeunes amoureux arrivant sur un site paradisiaque. Quelques détails éveillent déjà l'attention (la nervosité de Christopher), mais leurs premiers agissements sont bien innocents. Ce n'est que très progressivement qu'on comprend à qui on a affaire, et quel est le passé des personnages.

La première demi-heure joue ainsi un très habile jeu du chat et de la souris, en détournant les codes classiques de ce genre de cinéma pour mieux prendre à revers les anticipations du public : les assassins sont de riches et beaux jeunes gens ; certains crimes ont lieu en plein jour, sous un soleil éclatant... Tout cela est mis en forme par une réalisation dynamique, utilisant parfois d'astucieuses expérimentations (arrêts sur image montés en rafale et rythmés par les déclics d'obturateur d'un appareil photographique...).

Surtout, TA PEDHIA TOU DHIAVOLOU bénéficie d'un contexte visuellement exceptionnel : les superbes extérieurs de l'île de Mykonos, par ailleurs décrite comme un lieu de tourisme décadent et hippie, rappelant Ibiza dans le MORE de Barbet Schroeder. Servant d'écrin solaire aux méfaits de Christopher et Celia, ces décors méditerranéens, associés à une musique composée essentiellement d'un rock progressif omniprésent, assurent un dépaysement géographique et temporel fort, ainsi qu'une atmosphère des plus singulières.

Néanmoins, une fois la situation bien établie, il est exact de constater que TA PEDHIA TOU DHIAVOLOU tourne un peu à un inventaire de "perversions" (lesbianisme, toxicomanie, prostitution, viol...), toujours efficace, mais néanmoins assez lassant. Cette accumulation tend à devenir répétitive, et l'attention du spectateur peut se relâcher. L'impatience pointe parfois le bout de son nez...

TA PEDHIA TOU DHIAVOLOU reste néanmoins une curiosité tout à fait intéressante, et d'une originalité certaine. S'il est tentant de le considérer comme un film-choc bien dans son époque, du style de LA DERNIÈRE MAISON SUR LA GAUCHE ou OEIL POUR OEIL (titre vidéo), il peut tout de même se prévaloir d'une ambiance unique, inimitable, mêlant une folie perverse à un exotisme insolite.

TA PEDHIA TOU DHIAVOLOU s'est révélée une affaire très rentable (bien qu'il n'ait pas été distribué en France). Mastorakis refuse de faire un film du même genre aussitôt après, de peur de se voir cantonné dans ce style de cinéma. Il écrit alors le scénario de L'EMPIRE DU GREC, réalisé par Jack Lee Thompson et inspiré de la romance entre Jackie Kennedy et Aristote Onasis. Puis, il réalise lui-même ses propres œuvres, parfois consacrées au fantastique (THE TIME TRAVELLER, titre vidéo...) et à l'épouvante (ONDE DE CHOC...).

En 2002, il supervise lui-même une nouvelle édition en DVD de TA PEDHIA TOU DHIAVOLOU, devenu, entre-temps, une curiosité recherchée par les amateurs de cinéma exotique et audacieux. Le disque, multizone, est disponible, au choix, en PAL ou en NTSC, et il est distribué aux USA par Image. L'éditeur allemand Ciné Club en propose une nouvelle édition, qui va être testée ici.

L'image est proposée dans un cadrage 4/3 plein écran, fidèle au format de présentation d'origine. Le télécinéma, réalisé à partir du négatif complet détenu par le réalisateur, est vraiment très beau, particulièrement en ce qui concerne la gestion des couleurs et de la lumière. Certains plans nocturnes trahissent du bruit ou une granulation excessive, et on peut relever quelques défauts d'état, mais, pour une production aussi modeste, c'est vraiment de l'excellent travail.

La bande-son est disponible en version originale (en anglais, langue du tournage) dans un mono très convenable, même s'il a un peu tendance à saturer, ou bien à trahir un léger bourdonnement en bruit de fond. Un sous-titrage allemand amovible est disponible, ainsi qu'une bande-son mono allemande, qui sonne déjà un peu plus sale que la piste anglophone.

En bonus, on trouve la même interview récente de Nico Mastorakis, dédiée à TA PEDHIA TOU DHIAVOLOU, qui était déjà disponible sur les DVD antérieurs de ce titre. Durant 25 minutes, le réalisateur y parle en détail de la conception du film, en anglais (avec un sous-titrage allemand amovible).

En plus, l'édition allemande propose plein de petits suppléments exclusifs, à savoir : une bande-annonce allemande d'époque ; une galerie d'affiches et de matériel promotionnel ; une galerie de photographies de plateau ; une galerie de captures, servant en fait à illustrer une chanson du film placée en bande-son ; trois génériques de début alternatifs, provenant d'éditions vidéo antérieures (deux en allemand et un en anglais). Enfin, le lancement du long métrage lui-même est précédé par une petite présentation exclusive par Nico Mastorakis, en anglais sous-titré en allemand. On note encore que les menus sont illustrés par des chansons extraites de la bande originale du film. Enfin, un livret est inclus dans le boîtier, qui contient trois pages d'interview exclusive (en allemand) du réalisateur, ainsi que sa filmographie.

Cine Club propose donc l'édition la plus complète et la plus satisfaisante de TA PEDHIA TOU DHIAVOLOU disponible pour le moment. Qui plus est, les sous-titrages allemands étant amovibles, il est un achat tout à fait intéressant, que ce soit pour les collectionneurs anglophones ou germanophones.

Rédacteur : Emmanuel Denis
Photo Emmanuel Denis
Un parcours de cinéphile ma foi bien classique pour le petit Manolito, des fonds de culottes usés dans les cinémas de l'ouest parisiens à s'émerveiller devant les classiques de son temps, les Indiana Jones, Tron, Le Dragon du lac de feu, Le Secret de la pyramide... et surtout les Star Wars ! Premier Ecran fantastique à neuf ans pour Le retour du Jedi, premier Mad Movies avec Maximum Overdrive en couverture à treize ans, les vidéo clubs de quartier, les enregistrements de Canal +... Et un enthousiasme et une passion pour le cinéma fantastique sous toutes ses formes, dans toute sa diversité.
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L'édition vidéo
PEDHIA TOU DHIAVOLOU, TA DVD Zone 2 (Allemagne)
Editeur
Cine Club
Support
DVD (Simple couche)
Origine
Allemagne (Zone 2)
Date de Sortie
Durée
1h42
Image
1.33 (4/3)
Audio
English Dolby Digital Mono
German Dolby Digital Mono
Sous-titrage
  • Allemand
  • Supplements
    • Interview de Nico Mastorakis (24mn58)
    • Introduction au film par Nico Mastorakis (0mn36)
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