Header Critique : DIABLE DANS LE SANG, LE (CHEMICAL WEDDING)

Critique du film
LE DIABLE DANS LE SANG 2008

CHEMICAL WEDDING 

A Cambridge, le département informatique accueille un scientifique américain venu expérimenter une tenue révolutionnaire de réalité virtuelle couplée au super ordinateur de l'université. Pendant ce temps, un professeur de littérature anglaise a l'idée de détourner cette technologie sans se douter qu'il va ramener parmi nous la réincarnation de l'homme le plus malfaisant de la planète, Aleister Crowley.

Alpiniste et écrivain, Aleister Crowley va surtout passer à la postérité en tant que grande figure de l'occultisme et ce dès l'aube du 20ème siècle. Rumeurs, exagérations et propos ambigus vont esquisser la légende d'un Crowley sataniste convaincu et réalisant des sacrifices humains dans d'étranges cérémonies occultes. En plein fantasme, Aleister Crowley ne cherchera pas vraiment à enrayer de telles allégations et persistera même via des propos équivoques, très certainement pour mieux alimenter sa mégalomanie. En Grande Bretagne, il sera surnommé l'homme le plus «malfaisant» du monde et la culture populaire ne manquera pas de s'en inspirer au travers de la littérature, de la musique et du cinéma. Sa réputation satanique le mènera forcément à devenir un modèle maléfique à l'écran comme dans RENDEZ-VOUS AVEC LA PEUR de Jacques Tourneur ou bien LES VIERGES DE SATAN de Terence Fisher. Ce dernier, l'adaptation d'un livre de Dennis Wheatley, paraît assez intéressant puisqu'il fait s'affronter d'un côté un sorcier dévoué aux forces sataniques et de l'autre un érudit adepte d'une magie blanche tout aussi occulte, ce qui n'est pas sans rappeler Moonchild, œuvre de fiction écrite par Aleister Crowley. Mais c'est surtout du côté de THE WICKER MAN qu'il faut aller chercher un personnage qui s'approche bien plus du personnage réel. Le film instaure une véritable ambiguïté en confrontant deux croyances très opposées, entre autres, par leurs valeurs morales : le christianisme pudibond y découvre avec horreur un paganisme libertaire. Ce détachement des chaînes de la société établie, c'est justement l'une des caractéristiques du véritable Aleister Crowley qui, dans ses délires, était probablement bien plus «malfaisant» à l'encontre des institutions en place qu'envers ses semblables.

Marqué à son adolescence par sa découverte des écrits d'Aleister Crowley, le chanteur Bruce Dickinson ne manquera pas bien vite de nourrir l'imaginaire des chansons qu'il écrira pour le groupe Iron Maiden avec ses connaissances mythologiques, poétiques ou bien occultes. On retrouve ainsi des traces d'Aleister Crowley dans les morceaux «Revelations» et, bien évidemment, «Moonchild». Son érudition, le chanteur va la mettre à profit pour CHEMICAL WEDDING, un projet de film traitant d'Aleister Crowley qu'il porte avec Julian Doyle depuis plus de quinze ans. Le film fourmille de nombreuses références historiques, littéraires, cinématographiques et musicales. A tel point qu'elles sont parfois très difficiles à discerner de ce qui ne sont en réalité que de simples coïncidences. Ainsi, lorsque le personnage de Samson est évoqué, on peut être amené à se demander s'il s'agit d'une citation fortuite ou bien d'un clin d'œil au premier groupe dans lequel le chanteur a œuvré. Les albums d'Iron Maiden présentent d'ailleurs parfois le même type de caractéristiques. Ainsi, lorsqu'un album se nomme «A Matter of Life and Death» ou une chanson «Run Silent, Run Deep», il apparaît évident qu'il s'agit d'hommages, respectivement ici, aux films de Michael Powell et Robert Wise sans pour autant pouvoir l'affirmer à 100%. Mais le film CHEMICAL WEDDING ne se borne pas à placer ici ou là des clins d'œil comme en donnant à ses protagonistes des noms faisant référence à de véritables personnes comme celui du héros qui renvoie à Samuel Liddell Mathers, opposant à son époque de Aleister Crowley. En effet, le film essaie de placer tout ce qui est possible sur le sujet quitte à transformer la fiction en réalité et inversement. Par exemple, le fameux «Moonchild» évoqué dans le film ne fait pas référence à une «véritable» cérémonie occulte de Aleister Crowley mais à un livre totalement fictionnel écrit par ses soins. Cette partie de l'intrigue est d'ailleurs intégrée de façon plutôt astucieuse au sein de personnages quant à eux bien réels en 1947. Bruce Dickinson s'amuse donc avec la légende et amène sa propre pierre à cette mythologie. Ainsi certains pensent que Aleister Crowley était la réincarnation d'un autre occultiste. Cette rumeur sert de moteur à l'intrigue mais le scénariste l'amplifie en donnant à son Aleister Crowley une «lignée» qui passe par le Français Eliphas Lévi et l'Italien Cagliostro.

Relativement touffu, CHEMICAL WEDDING ne s'inscrit pas vraiment dans le registre du cinéma horrifique traditionnel. L'intrigue fait irrémédiablement penser au MESSE NOIRE de Eric Weston dans lequel un étudiant timide se voit possédé par le démon après avoir programmé dans un ordinateur les écrits d'un sataniste du 16ème siècle. De même, la relation entre science, occulte et sexualité n'était pas étranger du FROM BEYOND de Stuart Gordon. La séquence d'orgie donne pour sa part l'impression de se calquer sur celle de SOCIETY sans toutefois reprendre la folie des effets spéciaux de Screaming Mad George. Mais, à vrai dire, CHEMICAL WEDDING s'en écarte dans son traitement et ne joue que finalement assez peu avec l'horreur et l'épouvante. Au contraire, le film s'ancre plutôt dans un Fantastique très européen, voire carrément britannique. Il est ainsi impossible de ne pas penser aux écrits de Clive Barker que ce soit dans le type de récits ou avec cette façon très particulière de placer le sexe (hétéro, homo ou bi) au centre de sa narration. Forcément scabreux par endroits, CHEMICAL WEDDING pourra d'ailleurs choquer par ses idées, certaines justifiées et d'autres, hélas, bien plus gratuites. De plus, le film accompagne son côté un peu transgressif d'un humour plutôt bien venu. Passé les deux premiers tiers du métrage, le film va malheureusement se prendre les pieds dans le tapis avec une conclusion clairement bordélique. Jusque là, le film tissait une ambiance particulière et finalement réussie tout en jouant sur les paradoxes de son personnage très équivoque. En voulant conclure son histoire en apothéose, CHEMICAL WEDDING a un peu tendance à se saborder lui-même. Tour à tour trop malin, un peu incohérent avec une histoire de date de naissance qui laissera perplexe les adeptes du calcul mental, et surtout largement trop ambitieux, le final s'avère tout aussi saugrenu qu'embarrassant.

Terminons toutefois sur une bonne impression avec les deux acteurs qui incarnent à l'écran Aleister Crowley. Tout d'abord John Shrapnel qui en impose dès la première séquence du film, particulièrement réussie, en donnant corps à un Aleister Crowley détestable et pourtant charismatique. Mais le film va surtout être porté par les épaules de Simon Callow. A l'évidence, son interprétation accompagne le ton parfois ironique du film. L'acteur en fait des tonnes lorsqu'il joue un professeur affublé d'un énorme bégaiement se plaçant souvent dans le même registre que l'excellent Terry Jones. Changeant complètement, il devient carrément impérial et pervers en assumant la réincarnation d'un Aleister Crowley qui entend bien continuer ses frasques à notre époque ! L'idée d'exprimer le paradoxe d'Aleister Crowley en lui donnant deux facettes est d'ailleurs plutôt bien vue : celle du simple être humain ainsi que celle de son imposant double fantasmé et dénué d'inhibition. Véritable attraction de CHEMICAL WEDDING, Simon Callow fait ainsi assurément partie des grandes qualités d'un film qui a le mérite de trancher avec le tout venant et ce à défaut d'être vraiment réussi.

Rédacteur : Christophe Lemonnier
Photo Christophe Lemonnier
Ancien journaliste professionnel dans le domaine de la presse spécialisée où il a oeuvré durant plus de 15 ans sous le pseudonyme "Arioch", il est cofondateur de DeVilDead, site d'information monté en l’an 2000. Faute de temps, en 2014, il a été obligé de s'éloigner du site pour n'y collaborer, à présent, que de manière très sporadique. Et, incognito, il a signé de nombreuses chroniques sous le pseudonyme de Antoine Rigaud ici-même.
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