Header Critique : TYGRA, LA GLACE ET LE FEU (FIRE AND ICE)

Critique du film et du DVD Zone 2
TYGRA, LA GLACE ET LE FEU 1983

FIRE AND ICE 

Le vil sorcier Nekron et sa mère Juliana ont le pouvoir de maîtriser la glace. Depuis son palais, Nekron invoque de gigantesques glaciers rasant tout sur leur passage, et envoie ses hordes de soldats piller les villages dévastés. Une seule région parvient à tenir tête à Nekron, le royaume du feu. Pour museler son roi, le sorcier kidnappe sa fille, la plantureuse Tygra. Parvenant à s'échapper, la jeune fille va faire la connaissance de Larn, un jeune guerrier dernier survivant de sa tribu.

Daté de 1983, TYGRA, LA GLACE ET LE FEU est réalisé par Ralph Bakshi, un nom alors bien connu du monde de l'animation. Après un parcours classique d'assistant dans la bande dessinée, puis d'animateur dans diverses séries animées pour enfants (dont SPIDERMAN), Bakshi secoue le monde de l'animation en 1972 avec son premier long-métrage FRITZ THE CAT (l'adaptation de la bande dessinée de Robert Crumb). Narrant les élucubrations d'un chat très porté sur le sexe et les substances illicites, il s'agit du premier film d'animation commercial à recevoir un classement X aux Etats-Unis. Le grand succès du projet permet à Bakshi d'enchaîner les productions tout en imposant la très décriée technique d'animation qu'est la rotoscopie (on filme d'abord des comédiens en situation puis on redessine sur leurs mouvements). Dans ses œuvres marquantes, on note une première adaptation du SEIGNEUR DES ANNEAUX en 1978 (qui laisse d'ailleurs de nombreux plans «lives» dans le film fini), ainsi que ce TYGRA LA GLACE ET LE FEU dont l'échec financier marquera la fin du règne de Bakshi. La suite de sa carrière deviendra dès lors bien chaotique, et ses activités de metteur en scène s'achèveront avec COOL WORLD en 1992 où l'animation côtoie des acteurs comme Brad Pitt ou Kim Basinger. Rangé du monde du cinéma, l'homme est revenu à l'illustration et à la peinture.

Plus qu'un film de Ralph Bakshi, TYGRA, LA GLACE ET LE FEU est un métrage qui se veut l'adaptation de l'univers du génial illustrateur Frank Frazetta. Né en 1928, l'homme commence sa carrière en tant que dessinateur dans diverses séries de bandes dessinées au style prédéfini. Ce sont les années 60 qui marquent le début de la véritable œuvre de l'artiste. Abandonnant la bande dessinée pour l'illustration, Frazetta va petit à petit créer un univers et une iconographie à l'impact hors norme. Manipulant majoritairement la peinture à l'huile, l'artiste travaille les ambiances d'héroïc fantasy, les héros musculeux et barbares, les femmes plantureuses, les poses iconiques avec un sens du «mouvement suspendu» fascinant. Ses peintures les plus célèbres sont bien évidemment ses représentations de Conan le Barbare. De nombreuses personnalités du cinéma s'intéresseront bien évidemment à son travail (Clint Eastwood lui commandera l'affiche de L'EPREUVE DE FORCE, visuel repris seulement sur le DVD anglais). Pour TYGRA, LA GLACE ET LE FEU, Frazetta participera au design des personnages mais aussi au scénario et à la production.

Comment adapter au cinéma une œuvre constituée d'instantanés dont la force provient avant tout de la puissance picturale ? Si l'affiche de TYGRA, LA GLACE ET LE FEU, signée Frazetta, met l'eau à la bouche, les premières images du film obligent au constat suivant : le travail de l'illustrateur, privé de sa maîtrise de la peinture et de sa science du mouvement figée, perd toute sa saveur. Le rendu du film, comme la technique de l'animation le permettait à cette époque, invoque des personnages composés uniquement de contours remplis d'une couleur unique entraînant une absence de détails gênants. Le principe de la rotoscopie, s'il permet des mouvements très réalistes résistant plutôt bien à l'épreuve du temps (avec de nombreux plans filmés au ralenti), il prive également les personnages des aptitudes physiques «bigger than life» des illustrations de Frazetta. En bref, l'adaptation de l'univers du peintre est ratée, aussi bien techniquement qu'en termes de ton (le film, malgré une certaine violence, n'ose pas exclure les enfants). Seuls les attributs très généreux de l'héroïne nous renvoient sans aucun doute à l'univers de l'artiste. C'est peu (enfin, si l'on peut dire…).

Mieux vaut donc faire le deuil des peintures de Frazetta et prendre TYGRA, LA GLACE ET LE FEU pour ce qu'il est : une bande dessinée animée d'héroïc fantasy vintage. L'intrigue se contente de placer nos héros au cœur de péripéties périlleuses s'enchaînant sans interruption. Car lorsque Tygra et le musculeux Larn ne doivent pas lutter contre l'armée des «sous-hommes» de Nekron, ils sont systématiquement en proie à une faune particulièrement agressive (comme une version animée avant l'heure du KING KONG de Peter Jackson). Heureusement, il ne seront pas seul dans ce monde de brutes, puisque le mutique Darkwolf viendra leur prêter main-forte. Le personnage est construit sur le modèle du «Death Dealer», l'un des personnages les plus impressionnants imaginé par Frazetta. Bien que sa représentation soit édulcorée, il s'agit de loin, la figure la plus marquante du film.

TYGRA, LA GLACE ET LE FEU est donc un divertissement assurément vieillot mais non sans un certain charme pourvu que l'on ait été élevé à la bande dessinée fantasy des années 70/80. Le mérite est donc plus dans la convocation de ses souvenirs de jeune adolescent que dans une véritable démarche cinématographique. Mais les films corrects bénéficiant de cet univers étant de toute manière si peu nombreux, que l'on peut se laisser aller avec un certain plaisir à cette douce nostalgie.

Le film avait en son temps bénéficié d'une sortie en salle en France, puis était tombé quelque peu aux oubliettes. Après une résurrection en DVD américain sous l'égide de Blue Underground, c'est au tour de la France de se souvenir de ce titre. L'image, au format, ne pose aucun souci particulier. Les pistes sonores en version originale ou française bénéficient du stéréo d'origine et d'un remixage en 5.1. Très centré sur l'avant, ce nouveau mixage sollicite vos enceintes arrières essentiellement sur les séquences à grand spectacle (comme lors de l'avancée des glaciers invoqués par Nekron).

Un deuxième disque se consacre entièrement aux bonus, dont la ligne éditoriale est largement plus centrée sur Frank Frazetta que sur TYGRA, LA GLACE ET LE FEU. Pour preuve, le morceau de choix est un documentaire d'une heure et demie, TOILES DE FLAMMES, retraçant méthodiquement la carrière du peintre. Convoquant les propos de quelques grands noms de la bande dessinée et de l'illustration mais aussi du cinéma (Bakshi bien évidemment, mais aussi John Milius qui adapta CONAN LE BARBARE en 1982), le documentaire nous dresse un portrait pointu et attachant de Frazetta. Le film n'évite pas les contradictions de l'homme (passionné de sport, il pensait un temps abandonner son art pour devenir professionnel, mais fut rattrapé par sa fainéantise), et ose s'immiscer dans sa vie privée avec beaucoup de pudeur. De nos jours, Frazetta est toujours vivant mais très marqué psychologiquement et physiquement par toute une série de graves problèmes de santé. Loin de tout pathos, le documentaire le montre serein et combatif alors qu'il semble bel et bien au crépuscule de sa vie. Ayant perdu la dextérité de sa main droite, Frazetta a appris à maîtriser son bras gauche et continue son art.

Si le disque français ne conserve pas le commentaire audio de Ralph Bakshi sur TYGRA, LA GLACE ET LE FEU, il place en revanche celui consacré à TOILES DE FLAMMES. Le réalisateur du documentaire Lance Laspina et son producteur Jeremy J. DiFiore se chargent donc de combler les propos de leur film. Grands admirateurs de Frazetta, ces derniers s'attardent sur la magnifique ouverture en image de synthèse reproduisant l'affiche la plus célèbre de Conan, ainsi que sur les nombreux moments hors caméra. Rien de bien particulier cependant, et l'auditeur aura vite fait de trouver le temps long.

Un module intitulé «Frazetta par Bakshi» se révèle être des chutes de l'interview du cinéaste pour le documentaire. Sur quelques minutes, Bakshi nous livre quelques anecdotes amusantes sur sa collaboration avec Frazetta sur TYGRA, LA GLACE ET LE FEU. Comme le fameux casting de l'héroïne qui les «obligea» à voir défiler dans leur bureau une nuée de comédiennes voluptueuses pendant deux semaines. Malheureusement, il y a du doublon d'informations puisque le module reprend également des propos que Bakshi tient déjà dans le documentaire.

Un dernier supplément s'attarde quand même totalement sur TYGRA, LA GLACE ET LE FEU. Il s'agit de la lecture du journal de bord du comédien Sean Hannon, qui prêtait sa gestuelle (mais non sa voix) au personnage de Nekron. Abondamment illustré de photographies, le module est l'occasion de revenir avec humour sur le tournage des scènes «lives» qui ont servi ensuite de base de travail aux équipes de dessinateurs. Jouant dans un décor blanc avec une poignée d'accessoires bas de gamme, Hannon s'amuse à s'imaginer tourner un porno préhistorique ! Intéressant également, Hannon révèle des parties du scénario occulté au dernier moment, comme le fait que Darkwolf soit le père de Nekron. Uniquement suggérée dans le film, cette relation devient ostentatoire par la lecture du scénario des séquences supprimées.

Ce dernier supplément se montre donc particulièrement sympathique, d'autant plus qu'il comble le vide laissé par l'abandon du Making Of du film présent sur le disque américain. L'éditeur français fait donc preuve de choix particulièrement curieux pour cette édition de TYGRA, LA GLACE ET LE FEU qui ne se montre malheureusement pas aussi complète que son homologue américain. Reste l'occasion pour les fans francophiles de Frazetta de profiter pleinement de l'excellent documentaire, le disque américain ne proposant pas de sous-titres français sur TOILE DE FLAMMES et ses suppléments.

Rédacteur : Eric Dinkian
Photo Eric Dinkian
Monteur professionnel pour la télévision et le cinéma, Eric Dinkian enseigne en parallèle le montage en écoles. Il est auteur-réalisateur de trois courts-métrages remarqués dans les festivals internationaux (Kaojikara, Precut Girl et Yukiko) et prépare actuellement son premier long-métrage. Il collabore à DeVilDead depuis 2003.
48 ans
1 news
287 critiques Film & Vidéo
On aime
Un divertissement vintage et nostalgique
Le documentaire sur Frazetta mérite à lui seul l’attention
On n'aime pas
Le film peine à retrouver le souffle de l’univers dont il s’inspire
D’importants bonus de l’édition américaine manquent à l’appel
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L'édition vidéo
FIRE AND ICE DVD Zone 2 (France)
Editeur
Support
2 DVD
Origine
France (Zone 2)
Date de Sortie
Durée
1h19
Image
1.78 (16/9)
Audio
English Dolby Digital 5.1
English Dolby Digital Stéréo Surround
Francais Dolby Digital 5.1
Francais Dolby Digital Stéréo
Sous-titrage
  • Français
  • Supplements
    • Toiles de Flammes (93mn)
    • Commentaire audio de Lance Laspina et Jeremy J. DiFiore sur Toiles de Flammes
    • Frazetta par Bakshi (8mn01)
    • Tygra, la glace et le feu : Journal de bord (13mn45)
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