Header Critique : RE-CYCLE (GWAI WIK)

Critique du film et du DVD Zone 0
RE-CYCLE 2006

GWAI WIK 

Ting Yin est une jeune écrivain ayant connu la gloire avec un premier roman sentimental devenu un incontournable best-seller. Alors qu'elle peine à ébaucher son prochain livre, un récit horrifique nommé «Re-cycle», son éditeur annonce fièrement la sortie de cette œuvre attendue très prochainement. Prise de court, Ting Yin se retranche chez elle pour tenter d'écrire malgré un terrible syndrome de la feuille blanche. C'est alors que son quotidien va se détraquer autour d'apparitions terrifiantes. Paniquée, elle va néanmoins se servir de ces anecdotes horrifiques pour poursuivre son histoire. Ce dérèglement surnaturel mélangé à son imaginaire va la propulser dans un monde en totale déliquescence.

RE-CYCLE est l'un des derniers films des frères Pang, Danny et Oxide, les deux nouveaux manitous du cinéma chinois. Originaires de Hong Kong, c'est néanmoins en Thaïlande que les deux hommes se font remarquer en tant que réalisateurs avec le polar BANGKOK DANGEROUS en 1999 (ils gagnaient au préalable leur vie en tant que monteur et coloriste). Trois ans plus tard, c'est le film horrifique THE EYE qui assoit définitivement leur réputation. Depuis les «Pang Brothers» enfilent les tournages comme on enfile les perles, soit en tandem soit en solo (comme Oxide qui réalise seul AB-NORMAL BEAUTY), avec pour résultat des œuvres tour à tour efficaces, tour à tour incongrues (comme la seconde séquelle de THE EYE qui tourne en parodie son aîné). Auréolé de sa prestigieuse sélection au festival de Cannes (catégorie «Un certain regard»), RE-CYCLE a pour ambition d'abolir les tranchées entre les pros et anti-Pang en proposant un spectacle s'écartant des sentiers archi-rabattus du film de fantôme asiatique.

Durant sa première demi-heure, RE-CYCLE n'a pourtant pas l'air de vouloir sortir du moule confortable façonné par la vague résistante des post-RING. Isolée dans un appartement, une jeune femme (Angelica Lee, alias Lee Sinje, déjà héroïne de THE EYE) voit des apparitions dans la glace de sa salle de bain, retrouve des cheveux noirs sur le sol, reçoit des messages parasites sur son répondeur téléphonique, fait d'étranges rencontres dans l'ascenseur… Rien de particulièrement exceptionnel, si ce n'est que le personnage est écrivain et qu'elle semble alimenter les apparitions en s'en servant comme inspiration principale pour un roman horrifique. Les ambitions de l'histoire auraient pu s'arrêter à la description de l'aliénation de l'héroïne, comme une tentative de variation fantastique du BARTON FINK des frères Coen. Heureusement, cette première demi-heure n'est que le terreau du cœur du film, lorsque Ting Yin passe de l'autre côté du miroir pour rejoindre un monde (mental ?) décrépi et oppressant.

Allergiques aux effets spéciaux numériques, gare à vous ! Le monde de RE-CYCLE est composé en grande majorité de tableaux virtuels (comme un quartier de Hong Kong post-apocalyptique, ou encore une fête foraine improvisée entre deux longs immeubles). A l'intérieur de ces peintures à la beauté fanée, Ting Yin devra échapper à une silhouette sans visage entourée de nombreux zombies qui ne cesseront de la harceler (ces derniers tombant du ciel, ou dénouant leurs cordes de pendus dans une sombre forêt). Heureusement, elle n'est pas seule dans ce monde déshumanisé. Elle fera rapidement la rencontre d'un vieil homme et surtout d'une petite fille qui l'aideront à (re)trouver un chemin vers le monde réel.

Mais les décors numériques ne sont pas là que pour la performance technique, puisque la narration elle-même va chercher du côté des nouveaux médiums, à savoir le jeu vidéo (les personnages formulent d'ailleurs clairement le principe «d'étapes» à compléter pour atteindre le réel). Conscient que certains titres vidéo ludiques sont d'extraordinaires mécaniques de la peur, les frères Pang vont grandement s'inspirer de certains incontournables. Les zombies renvoient à Resident Evil (la version interactive des films de Romero), le fantôme sans visage flottant dans les airs rappelle Project Zéro (où une adolescente capture les spectres grâce à un appareil photo), tandis que l'esthétique et le concept même du monde horrifique est tiré de Silent Hill. Cette dernière référence est la plus écrasante tout au long de RE-CYCLE.

La série des jeux vidéos Silent Hill donne le ton de la direction artistique, non seulement au travers des paysages urbains en ruine mais aussi dans la perversion de lieux théoriquement de détente (comme la fête foraine) pour les redéfinir de manière perturbante. Mais ce n'est pas tout. La narration reprend également le principe des jeux en faisant du monde alternatif la représentation de l'inconscient tourmenté du héros, les épreuves et les personnages étant autant de référents aux drames passés. Souffrant de l'avortement qu'elle a dû subir contre son gré pour ne pas trahir sa relation avec un homme marié, Ting Yin ne va cesser d'être renvoyée à cette douleur au travers des scènes chocs (la traversée d'un espèce d'utérus peuplé de bébés mal formés...) comme au travers de sa relation avec la petite fille qui la guide (qui lui renvoie en permanence l'image de la mère qu'elle n'est pas devenue).

La superposition des concepts de RE-CYCLE et de Silent Hill est si évidente qu'il fait du film des frères Pang une authentique adaptation pirate. Et le pire dans tout ça, est que cette contrefaçon s'avère bien plus fidèle et réussie que l'adaptation officielle réalisée par notre Christophe Gans national. Le point le plus important étant que RE-CYCLE ose adopter un point de vue collé à son personnage principal à l'instar du jeu vidéo qui organise sa mise en scène autour de l'avatar du joueur. En comparaison, SILENT HILL de Gans se dégonflait à l'idée d'être exclusif à un personnage central (qui plus est une femme) en nous proposant une intrigue alternative laborieuse menée par un second rôle masculin. Conscient de la trahison, Gans tentait de se refaire en enquillant les clins d'œil Geek de gamers (genre mémoriser le plan des lieux, respirer trois fois avant d'affronter un Boss). Un pis aller puéril et gadget à l'intérieur d'une œuvre de cinéma. Enfin, le monde horrifique traversé est bel et bien le théâtre de peurs adultes ancrées dans le quotidien (ici la culpabilité de l'avortement là où le jeu exploitait la dégénérescence liée à la maladie ou encore les états dépressifs), et non un prétexte au tunnel de références comme ce final de SILENT HILL mimant du Mario Bava où se seraient invités les figurants des MONTHY PYTHON SACRE GRAAL.

Inutile de tirer plus encore sur l'ambulance. Vous aurez compris que RE-CYCLE est le film de rattrapage pour tous les déçus de l'adaptation SILENT HILL. C'est un film à prendre au premier degré, qui ose traiter son sujet au sérieux, et qui génère du coup une terrible oppression au fur et à mesure de ses séquences. Cette ambiance délétère, qui culminera dans un final en totale rupture (et qui nous renvoie à AVALON de Mamoru Oshii !), est la grande réussite de ce RE-CYCLE. On pardonnera alors quelques complaisances numériques, son début en demi-teinte, et surtout son final en forme de twist. Quelques dernières minutes qui nous rappellent que les frères Pang, même lorsqu'ils s'aventurent sur des terres plus sauvages, ont encore besoin de formules.

RE-CYCLE existe en DVD Zone 3 sous deux éditions, une version deux disques bourrés de suppléments, et une version simple. C'est cette dernière que nous testons. L'image est de bonne qualité même si elle n'est pas encore parfaite. Le transfert est en effet «entrelacé», conférant aux mouvements rapides de légères imperfections. Plus dommageable, l'étalonnage n'est pas homogène avec des séquences aux noirs très profonds, et d'autres au rendu plus plat. A noter que le film contient deux formats d'image pour sa diffusion salle, du 1.85 pour les scènes dans le monde réel et du 2.35 pour les scènes dans l'univers imaginaire. Une idée déjà exploitée dans le passé par Douglas Trumbull avec BRAINSTORM. La version DVD reformate l'image des séquences réelles et offre un film entièrement en 2.35. Les pistes sonores proposent la version originale en cantonnais (dont une piste DTS décoiffante) et le doublage en mandarin, ce dernier seulement en Dolby Digital 5.1.

Même s'il faudra se tourner vers l'édition deux disques pour accéder aux bonus du film, cette version propose malgré tout un commentaire audio (entièrement sous-titré en anglais) des frères Pang, accompagné de la comédienne Angelica Lee et du superviseur des effets spéciaux Ko Fai. Ce sont bien entendu les réalisateurs qui trustent les propos. Le commentaire serait agréable mais quelque peu routinier si les frères Pang, à contrario de nombreux metteurs en scène, n'avaient aucun embarras à nous livrer toutes les clefs de leur scénario. Le moindre détail narratif est ainsi explicité, et l'obscur twist final nous est parfaitement éclairci. Voilà qui justifie l'écoute, éventuellement partielle, de cette piste son. La section propose en outre des filmographies des réalisateurs et de l'actrice principale, ainsi qu'une galerie de photos extraites du film.

Avec RE-CYCLE, les frères Pang tournent le dos à leur œuvre de gloire THE EYE et ses improbables séquelles pour partir à la recherche d'une horreur directement inspirée des jeux vidéos. A mille lieux des balourds et puérils SILENT HILL ou RESIDENT EVIL (les films), RE-CYCLE propose un fantastique angoissant et efficace sans pour autant sacrifier à un ton adulte et à une vraie psychologie de la peur. Une réussite, qui vient essuyer les ratages des titres susnommés.

Rédacteur : Eric Dinkian
Photo Eric Dinkian
Monteur professionnel pour la télévision et le cinéma, Eric Dinkian enseigne en parallèle le montage en écoles. Il est auteur-réalisateur de trois courts-métrages remarqués dans les festivals internationaux (Kaojikara, Precut Girl et Yukiko) et prépare actuellement son premier long-métrage. Il collabore à DeVilDead depuis 2003.
48 ans
1 news
287 critiques Film & Vidéo
On aime
Une très bonne adaptation de Silent Hill, enfin !
Un univers en synthèse très convaincant
On n'aime pas
Une première partie et un final qui dénote
Une qualité d’image pas parfaite
RECHERCHE
Mon compte
Se connecter

S'inscrire

Notes des lecteurs
Votez pour ce film
Vous n'êtes pas connecté !
-
0 votes
Ma note : -
L'édition vidéo
GWAI WIK DVD Zone 0 (Chine-Hong Kong)
Editeur
Support
DVD (Double couche)
Origine
Chine-Hong Kong (Zone 0)
Date de Sortie
Durée
1h49
Image
2.35 (16/9)
Audio
Cantonese DTS 5.1
Cantonese Dolby Digital 5.1
Mandarin Dolby Digital 5.1
Sous-titrage
  • Chinois
  • Anglais
  • Supplements
    • Commentaire audio de Danny et Oxide Pang, Angelica Lee et Ko Fai
      • Filmographies
      • Frères Pang
      • Angelica Lee
    • Galerie photographique
    Menus
    Menu 1 : RE-CYCLE (GWAI WIK)
    Autres éditions vidéo