Header Critique : DOMINION : PREQUEL TO THE EXORCIST

Critique du film et du DVD Zone 2
DOMINION : PREQUEL TO THE EXORCIST 2004

 

Ayant renoncé à sa profession de foi depuis la seconde guerre mondiale, Lankester Merrin s'est reconverti dans la fouille archéologique. Aidé par un jeune prêtre, le père Francis, Merrin est dépêché au Kenya pour suivre l'exhumation d'une église chrétienne. Une étrange découverte car cette église date de plusieurs siècles avant l'arrivée du christianisme dans cette région. Tandis que les travaux avancent, le site est peu à peu emprunt d'une atmosphère malsaine : les animaux deviennent agressifs, et les tensions entre l'armée britannique et les locaux sont à leurs combles. Au milieu de cette confusion, le jeune Cheche, un simplet lourdement handicapé, voit sa santé s'améliorer radicalement. Un miracle de Dieu pour le père Francis, ou peut-être autre chose de plus vicieux.

Préquelle du film de Friedkin lancé en grande pompe plus de 10 ans après l'arrêt de la franchise avec L'EXORCISTE III de William Peter Blatty, DOMINION : PREQUEL TO THE EXORCIST est un film maudit comme nous l'expliquons dans notre dossier consacré à la saga. Pour résumer, le film fut lancé en 2002 sous la direction de John Frankenheimer avec Liam Neeson dans le rôle du père Merrin et l'incongru Billy Crawford (un jeune chanteur pour adolescentes et ancien compagnon de Lorie) dans un rôle obscur de possédé. Malheureusement, d'importants problèmes de dos obligent Frankenheimer à se retirer du film. Il décèdera un mois plus tard, en juillet de la même année. Le projet est alors confié à Paul Schrader, metteur en scène de HARDCORE ou encore MISHIMA, et surtout connu pour avoir été scénariste chez Scorsese (avec TAXI DRIVER, RAGING BULL, LA DERNIERE TENTATION DU CHRIST et A TOMBEAU OUVERT). Un choix courageux qui met DOMINION sur les rails du film d'horreur adulte et du questionnement théologique cher à Blatty. Entre temps, Liam Neeson doit laisser sa place au suédois Stellan Skarsgard pour cause de retard de planning.

L'aberrante production du film est désormais bien connue. Schrader se fait éjecter de la post-production du film par le studio furieux de se retrouver avec un film ne misant que sur l'ambiance et la réflexion et non sur l'angoisse et les scènes chocs. Il est d'abord décidé de filmer quelques scènes additionnelles gores, mais c'est finalement le film dans son entier qui est re-shooté. Le scénario, même s'il garde (grosso modo) la même histoire et la plupart des personnages (le personnage de Billy Crawford, absolument central, disparaît dans la réécriture), charge la grandiloquence. Les trois quarts du casting sont limogés (Skarsgard reste quand même en place), et c'est le bourru Renny Harlin qui vient cachetonner la mise en scène de la «chose» dans une urgence qui ne laisse guère de place à une quelconque initiative artistique. Le résultat, un nanar dantesque, consternera les quelques spectateurs qui auront daigné se déplacer dans les salles obscures. Pour sauver la face, la version de Schrader est déterrée, finalisée, puis enfin exploitée. L'occasion de se faire enfin une idée sur le véritable quatrième L'EXORCISTE.

Le spectateur qui regardera DOMINION avec la version de Harlin en tête aura le soulagement de se retrouver devant un film cohérent, exigeant et même très maîtrisé dans sa première moitié. Certes, DOMINION prend son temps pour exposer ses personnages et situations, mais c'est pour mieux tourner le dos à la caricature. Pour figurer la crise de foi de Merrin, le personnage n'est plus présenté comme un alcoolo nonchalant (comme chez Harlin) mais comme un homme très terre à terre. Le contrepoint du jeune père Francis, dont la foi inébranlable le conduira à commettre de graves erreurs de jugement. Schrader nous met face à une vision non-manichéenne de la religion. Il ne s'agit pas de croire éperdument en Dieu pour être sauvé, mais d'accepter le bien dans sa douleur et son imperfection. Merrin, tout comme certains personnages de Schrader dont le héros de TAXI DRIVER, devra embrasser ses démons pour vaincre le mal et accéder à sa rédemption.

Cet angle, inédit pour la saga (en tout cas dans cette radicalité), change du coup la donne de la représentation du mal. Il n'est plus une entité obscène et violente, mais un séducteur, usant d'arguments écrasant pour corrompre ses victimes. Ainsi, le jeune et très handicapé Cheche va se transformer sous son emprise en surhomme à la plastique parfaite. Un choix étonnant, car la base du film d'horreur mise toujours sur l'agression de l'être innocent, et en aucun cas sur son amélioration. Pour endoctriner Merrin, le démon ne va pas l'agresser physiquement mais va essayer de le soulager en promettant d'effacer son traumatisant souvenir de guerre s'il rejoint son parti. L'attaque est plus que jamais psychologique car, alors que Merrin et Francis sont pris dans les tourments de leur foi, ils n'assurent plus leur rôle de médiateurs entre une armée britannique et un peuple local prêt à s'entretuer sous l'influence du démon.

On peut reprocher beaucoup de choses à DOMINION, mais pas de marcher sur les plates recettes de son illustre modèle. Son approche courageuse et inédite en fait un film souvent captivant pour qui n'est pas allergique à une narration misant tout sur l'ambiance. Seulement voilà, de gros défauts viennent noircir le tableau donnant l'impression que DOMINION reste quand bien même un film inachevé. Techniquement tout d'abord, le film souffre de gros problèmes de finition. Les effets spéciaux en sont la preuve la plus évidente, avec des plans en image de synthèse extrêmement grossiers ou encore des incrustations totalement ratées (le démon qui lévite dans l'église, les effets de ciel lors de la bataille entre les britanniques et les Kenyans). De plus, le film semble avoir bénéficié d'un étalonnage minimal, offrant au film une photographie particulièrement plate et peu flatteuse (le maquillage d'handicapé de Billy Crawford apparaît caricatural devant cette lumière trop crue).

Plus embêtant, le parti pris de Schrader de tourner le dos aux effets chocs finit par se retourner contre lui dans la toute dernière (et totalement ratée) partie du film. Bien évidemment, la narration fait monter la pression sur un exorcisme haut en couleur dans les entrailles de l'église entre Merrin et le démon. Mais Schrader n'y croit visiblement pas. Le résultat est un pétard mouillé expédié tel un suppositoire : vite fait et en serrant la mâchoire ! Le cas de conscience de Merrin (exorciser Cheche le ramènera à sa condition d'handicapé lourd), retombe comme un flan et avec lui l'intéressante réflexion du film. DOMINION n'est donc pas un ratage, mais un film pas terminé, aussi bien en terme de mise en scène que de finition. Il va sans dire qu'avec quelques jours supplémentaires de re-shoot et une post-production digne de ce nom, DOMINION aurait été l'excellent film d'horreur adulte qu'il promettait.

Après une sortie technique sur quelques écrans américains, DOMINION mène sa carrière exclusivement sur DVD. L'édition la plus proche de nous est pour l'instant un zone 2 anglais (malheureusement sans sous-titres français). L'image, si elle est globalement de très bonne qualité, souffre de petits défauts de pellicule par-ci par-là. Un bémol devenu peu courant sur les films américains récents. La piste sonore est un 5.1 correct mais plutôt discret. Là encore, Schrader n'a pas du avoir le luxe d'une longue période de design sonore et de mixage pour le film.

Paul Schrader justement... On se délectait d'écouter son commentaire audio afin d'avoir un avis engagé sur le film et sa production. Le résultat est malheureusement bien fade. D'une voix extrêmement monotone, Schrader fait de molles références à son éviction et se borne à paraphraser l'écran ou encore à nous livrer des détails techniques bateaux. Une intervention très politiquement correcte qui n'a que peu d'intérêt.

Viennent ensuite une poignée de scènes coupées, listées sans la moindre indication de leurs positions dans le film. Dans l'ensemble très courte, ces séquences ne sont que de petits détails narratifs sans incidence sur le film (Merrin revoit l'armée nazi lors de l'arrivée de l'armée britannique, le père Francis fait chanter les enfants à l'école…). Enfin, une courte galerie photo achève la section bonus.

DOMINION par Paul Schrader était un film très attendu par les cinéphiles, surtout après son long purgatoire. Sa découverte, presque à l'état de copie de travail, ne peut qu'être décevante malgré les grandes qualités du film. A réserver aux aficionados et aux curieux, si ces derniers se sentent le moral de supporter le gâchis artistique de cet excellent film abandonné.

Rédacteur : Eric Dinkian
Photo Eric Dinkian
Monteur professionnel pour la télévision et le cinéma, Eric Dinkian enseigne en parallèle le montage en écoles. Il est auteur-réalisateur de trois courts-métrages remarqués dans les festivals internationaux (Kaojikara, Precut Girl et Yukiko) et prépare actuellement son premier long-métrage. Il collabore à DeVilDead depuis 2003.
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L'édition vidéo
DOMINION : PREQUEL TO THE EXORCIST DVD Zone 2 (Angleterre)
Editeur
Support
DVD (Double couche)
Origine
Angleterre (Zone 2)
Date de Sortie
Durée
1h49
Image
2.35 (16/9)
Audio
English Dolby Digital 5.1
German Dolby Digital 5.1
Spanish Dolby Digital 5.1
Sous-titrage
  • Arabe
  • Anglais
  • Allemand
  • Espagnol
  • Supplements
    • Commentaire audio de Paul Schrader
      • Scènes coupées
      • On the march (0mn37)
      • House of St Michael (0mn50)
      • Cigarette (1mn12)
      • Classroom song (0mn36)
      • Finest painter (1mn01)
      • Church in Ruins (0mn48)
    • Galerie photos
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