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Critique du film et du DVD Zone 0
DIOXYDES 2005

 

«Ce film est dédié à John Carpenter période 1976-1983» ; sur ces mots se termine le film DIOXYDES, réalisé par Rémy Pelleschi. Une influence qui ne transparaît pas vraiment dans le film, qui est une œuvre expérimentale fondée sur la musique de Mlada Fronta, groupe de Rémy Pelleschi.

Le film est composé de 13 parties, 13 morceaux visuels, dans lesquels sont déclinés des créations architecturales, des ensembles construits par l'homme. On passe de l'usine à l'immeuble, d'une réflexion plus générale sur la ville à un observatoire cosmique. Le tout devient un trip visuel parmi les formes, les structures de l'image, ses textures.

Le film s'inscrit dans une démarche très prolifique au sein du cinéma de recherche et des arts numériques : l'exploration de la cité sous toutes ses facettes. De nombreux courts métrages expérimentaux, en image de synthèse généralement, participent de cette mise en image de la ville : OBRAS, de Hendrick Dussollier, qui montre la ville en perpétuelle évolution, SOMETIMES, du collectif Pleix dans lequel un bâtiment éclate et génère des formes géométriques qui se télescopent, s'emboîtent et finissent par reconstituer un cube massif dont l'intérieur est une énigme. Le film de Rémy Pelleschi fait souvent penser à SOMETIMES, dans son propos, mais surtout dans sa plastique. Les formes explosent, se régénèrent, se combinent jusqu'à souvent tromper les sens du spectateur.

Car si DIOXYDES s'appuie fortement, jusqu'à se demander qui est la béquille de l'autre, sur la musique, ce film contient une réflexion sur l'image même. L'image trompe le spectateur : qu'est-ce qui lui est montré ? Des lignes blanches, sur une route, qui se pixellisent, projetées sur un écran : qu'est-ce qu'on regarde, des pixels, des marquages sur une route, ou bien un écran sur lequel ces images sont projetées ? Des lampadaires anodins, qui, déformés par le point de vue, prennent presque une forme humaine… Voilà toute la duperie de l'image rappelée en quelques plans ou quelques effets.

Le doute sur ce que l'on voit, le point de vue que l'on peut adopter est renforcé par la multiplicité des textures : ce sont toutes les couches de l'image qui sont mêlées, qui sont usées et recomposées. Rémy pelleschi, tel un plasticien, fabrique des volumes, morcelle l'image en un split screen mouvant, superpose, interpose, surcharge le plan de signes, de textes… mais aussi souvent nous livre une image simple, plane.

Selon les chapitres, l'image est nette, très froide, ou au contraire granuleuse. Il faut sans doute comprendre DIOXYDES comme un album musical, dont les images génèrent une musique visuelle propre à chaque morceau, et dont la musique sonore amplifie l'appréhension picturale du projet. Rémy Pelleschi revendique une influence du cinéma dans sa musique, de ses thèmes, de sa construction… Les ambiances sonores cinématographiques se retrouvent ainsi dans les images et dans les sons de DIOXYDES. S'il n'y a pas âme qui vive dans les images, la musique de Mlada Fronta (dont Rémy Pelleschi est le seul membre depuis quatre albums) est étrangement organique : des pleurs d'enfant au début du film (dans le chapitre le plus inquiétant du lot), parfois on s'étonne de la présence d'un violon…

Issu de la scène techno indus, Mlada Fronta se réclame de Killing Joke, de Throbbing Gristle… Le groupe pratique une musique exigeante parfois, lénifiante ou enlevée sur d'autres morceaux. Leur électronique fait penser très souvent aux groupes du label Warp, Boards of Canada en tête, ou aux expérimentations de Pan Sonic, sans être aussi radicales. La musique de DIOXYDES bénéficie en tout cas pleinement de la définition sonore du DVD en 5.1. : elle enveloppe totalement le spectateur.

S'il s'adresse particulièrement aux fans d'électro, le disque est d'ailleurs disponible directement sur le site du label, le film est un voyage souvent paisible dans l'univers urbain qui peut séduire même des non initiés d'autant que le produit est en tout point impressionnant. Le packaging est luxueux : dans une boîte métal ornée de deux stickers, on trouve, outre le disque, un livret composé d'une carte pour chaque chapitre, reliées par une pince métal. En plus, on peut compter quelques stickers à l'effigie du label et de Mlada Fronta. Autour du film, l'édition regroupe quelques suppléments de valeur parmi lesquels figure un document radio venu de Suisse, en anglais (non sous titré) dans le texte. Il s'agit d'une présentation des travaux de Mlada Fronta et du label Parametric fort enrichissante pour les novices complétée par une interview de Rémy Pelleschi menée sur fond de musique électro. A ses côtés, deux end credits alternatifs tout à fait dispensables, et LONG TIME AFTER, un essai visuel de 3 minutes sur une musique de Mlada Fronta qui est présenté dans deux versions : c'est très proche, bien que beaucoup plus sombre et violent, de DIOXYDES. Mais le supplément de taille n'est rien moins qu'un autre album de Mlada Fronta, intitulé Le cycle du soleil, comprenant 11 titres oscillant également entre rythmiques épurées et noisy et plages synthétiques éthérées.

On peut rester suspicieux quant à l'utilisation qui est faite de la référence à John Carpenter, trop souvent rappelée ; mais la grande qualité de cet objet est d'apparaître tel un OVNI parmi la production actuelle. Son ampleur suscite l'intérêt et la curiosité qui ne sera pas déçue tellement DIOXYDES bénéficie d'un traitement luxueux d'une part, et tellement le projet est entier : le mélange entre musique et image a pris.

Rédacteur : Jérôme Peyrel
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L'édition vidéo
DIOXYDES DVD Zone 0 (France)
Editeur
Parametric
Support
DVD (Simple couche)
Origine
France (Zone 0)
Date de Sortie
Durée
1h07
Image
1.33 (4/3)
Audio
No dialogue Dolby Digital 5.1
Sous-titrage
  • Aucun
  • Supplements
    • Document radio «The Shaker»
    • Deux end credits alternatifs
    • Le Cycle du Soleil (Audio Album)
    • DVD-Rom section
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