4. Retour aux sources 70

WEST SIDE STORY

Il existe un élément organique important dans le projections 70mm. Preuve en est la copie de West Side Story, présentée pour la première fois depuis des décennies avec ses 6 pistes stéréophoniques d'origine. La précédente diffusion s'était effectuée avec une copie certes de meilleure qualité de couleurs, mais avec un mixage 5.1. Tourné en Super Panavision 70 - ce que le générique mentionne simplement en Panavision 70- Il n'y a qu'à constater les contours parfaits des visages de Natalie Wood et Richard Beymer dans le morceau « Maria » où les gros plans se succèdent. Une chair palpable, des détails spectaculaires. Ils apparaissent littéralement vivants, vivants, étalant une texture quasi tridimensionnelle à l'écran. Ca crève d'autant plus les yeux que l‘on sent l'épaisseur de couleur charnelle défiler devant les yeux. Ajouter à cela les 6 pistes de son magnétique qui rugissent de l'ensemble des canaux et la perspective de l'extase cinéphile est présente. Aucune redondance structurelle, le film de Robert Wise possède une qualité de progression dramatique sûre, grimpant vers un pinacle de climax. Pour en venir à la réalisation, le générique crédite deux noms, avec celui du chorégraphe Jérôme Robbins. La production le renvoya suite à de nombreux soucis de dépassement de budget sur les scènes musicales dont il devait s'occuper. On retrouve quatre scènes tournées par Robbins : le prologue, «I feel Pretty», «America» et «Cool». Robert Wise s'occupa finalement de tout le reste, alors qu'il ne devait être en charge que des d-scènes dramatiques. Les chorégraphies étant prêtes, ce furent ses assistants qui s'occupèrent de la finition. Mais peu importe ce détail de l'histoire. A l'image d'un Bob Fosse qui révolutionna la perception de la danse, des mouvements et de la mise en avant à l'image, les numéros de danse ici éblouissent, choquent, percutent. Des classiques qui ne subissent pas les affres du temps. George Chakiris et Russ Tamblyn impriment une personnalité hors du commun et catalysent l'émotion et l'angoisse de la tragédie naissante. William Shakespeare revisité ne néglige aucune piste poétique et onirique - en écho à la scène du bal avec la rencontre des deux amoureux.

Passé le succès du film, ses 10 oscars, il reste un film sublime. Aux éclairages incroyables, aux sources de lumière insoupçonnées, aux décors construits à plusieurs mètres au-dessus du sol pour permettre les gros plans en contre-plongée. Le sens dramatique et la direction d'acteurs parfaite de Wise fait le reste - et le film entra dans l'histoire. 54 ans après, WEST SIDE STORY modélise toujours la comédie musicale, le cinéma et la précision des mouvements de caméra et des détails et brillance des images de par un 70mm au summum. Une exigence salutaire.

UN MONDE FOU, FOU, FOU

Premier film produit par la firme Cinerama qui ne fut pas réalisé avec le système en 3 bandes au format 2.89:1, UN MONDE FOU FOU FOU fut tourné avec un procédé rutilant nommé Camera65/Ultra PanavisionSingle Lens Cinerama»), permettant un aspect de 2.76:1 ! Une seule lentille pour un effet garanti sur écran incurvé. Fruit de l'imagination du producteur réalisateur Stanley Kramer, pourtant habitué aux projets plus sérieux comme LE DERNIER RIVAGE, JUGEMENT A NUREMBERG ou LA CHAINE, le film va déclencher un déferlement de superlatifs. Tout d'abord, une épopée comique de plus de 3H : le minutage proposé à Bradford est la version de 192 minutes, alors qu'une nouvelle version vient d'être retrouvée, bénéficiant de quelques minutes de plus! Ensuite, un casting étincelant regroupant toutes les stars américaines comiques du moment, cinéma et télévision compris. Les noms ne vous diront peut-être pas grand chose hormis Spencer Tracy dans le rôle de Culpeper/fil rouge de l'histoire ou encore Mickey Rooney. Mais des gens comme Ethel Merman, Phil Silvers, Sid Caesar, Buddy Hackett, Milton Berle… étaient juste d'énormes stars reconnues de toutes & tous. En y ajoutant Terry-Thomas, immanquable anglais de LA GRANDE VADROUILLE ou DANGER DIABOLIK, Kramer fit de même avec un impressionnant nombre de cames d'acteurs et actrices ayant marqué l'écran de la comédie us depuis 30 ans. Se retrouvent pêle-mêle ZaSu Pitts, Buster Keaton, Franklin Pangborn, Don Knotts, Peter Falk, Les 3 Stooges… interminable liste de héros cinématographiques passés dans l'inconscient collectif des cinéphiles pointus. Vous pourrez même également voir Carl Reiner dans un tout petit rôle et si vous êtes observateurs, Jim Backus, une des plus grandes voix des dessins animés US, célèbre notamment pour Mr MAGOO.

Un budget monstre, un tournage complexe et un film au final très moral sur l'avidité. Qui n'oublie pas de rester le plus grosse comédie de tous les temps au sens épique du terme. Par air, en voiture, en vélo, en explosant tout, en ravageant des magasins, en détruisant des bâtiments… tous les moyens, tous les coup bas sont permis et le film ne se prive pas de flanquer une méga rouste à tous ces humains moyens transformés en monstres avides de billets verts. Un trésor enterré à Santa Rosita sous un grand W et le monde bascule. Le film navigue sur les eaux connues des stéréotypes les plus éculés (par exemple la belle-mère acariâtre via une Ethel Merman en forme olympique) pour dynamiter le tout et parfois reculer les limites du bon goût - pour 1963. Kramer ne recule devant rien pour les séquences d'action jusqu'au climax final, paroxysme hystérique se terminant sur un éclat de rire général.

Kramer fut aussi à l'aise à manier l'écran large que le film de procès sérieux en noir et blanc. Les décors naturels brûlants du désert, les spectaculaires miniatures, les rétro-projections, et des cascades aussi infernales qu'ahurissantes. Jamais un producteur hollywoodien eut l'idée d'un tel projet. Et là aussi, tout concourt à un spectacle judicieusement agencé pour l'écran large. Un sens aigu de la démesure qui se dénature sur petit écran. Un spectacle pensé pour le cinéma monumental. Même l'intermission de 15 minutes au bout de la moitié de la projection permet de suivre les évolutions en parallèle de chaque concurrent de la course! En effet, via des annonces radio des policiers les suivant à la trace, les informations sont données par le biais des hauts parleurs de la salle de cinéma, mais également aussi dans le foyer où les spectateurs attendent la reprise du film!

Le film a subi nombre de mutilations le long de son exploitation, bien qu'étant un des films les plus vus de l'histoire du cinéma. Si l'on passe rapidement sur les éditions VHS ayant excisé l'ouverture, l'intermission, le générique de fin, les éditions recardées, des dvd ayant modifié la colorimétrie de certains éléments, la récente édition MGM en Blu Ray qui est passées sur l'entracte voire d'autres moments, réduisant la durée à 159 minutes…. bien qu'il ne soit pas rare de voir surgir ça et là des durées comme 163 minutes avec certains moments musicaux raccourcis pour l'occasion.

Pour parfaire le tout, un hommage/remake non officiel sorti en 2001 sous le nom de RAT RACE avec là aussi pléthore de stars (Whoopi Goldberg, Rowan Atkinson, John Cleese, Amy Smart, Breckin Meyer, Cuba Gooding Jr, Jon Lovitz…) reprenant à son compte le squelette central - la course au trésor et l'appât du gain, voire certaines scènes comme celle de la voiture dévalant une colline pentue - Phil Silvers en 1963 et Whoopi Goldberg en 2001. Bizarrement, le film resta inédit en France. Enfin, il y a également ce projet de remake pour 2015 dont soi-disant Stanley Kramer aurait adoubé l'idée des fils et filles de l'équipe originale reprenant la recherche du vrai trésor, encore plus important que celui pourchassé dans la version 1963.

Pour le moment, il faudra se contenter de (re)voir le film dans les meilleurs conditions possibles. On ne saura donc trop vous conseiller le Blu Ray US de chez Criterion, sorti en janvier 2014, la version la plus complète possible de 198 minutes, scannée en 4K depuis le négatif original 65mm -et de quelques plans en 70mm pour les scènes manquantes- et respectant de ce fait le format original de 2.76:1.

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Dossier réalisé par
Francis Barbier