4. Partie 3

En 1965, Sergio Leone met en chantier ... ET POUR QUELQUES DOLLARS DE PLUS et commande à son décorateur Carlo Simi "le plus beau village de western du monde". Après avoir envisagé les environs de Madrid, les deux hommes tombent d'accord pour le construire à Tabernas. "Dans le scénario, raconte Simi, le village était un protagoniste à lui seul. La banque elle-même devenait un personnage. Cela ne pouvait pas être l'habituelle petite banque de la ville dans la "Main Street" avec une porte et deux fenêtres à barreaux. Comme l'action était censée de situer à El Paso, j'eus l'idée de réaliser un genre de vieille forteresse espagnole avec des parties à moitié détruites, seule, sur une place ensoleillée. L'hôtel et le saloon devaient en être éloignés pour pouvoir permettre la scène avec la longue vue et les jumelles. J'ai imaginé que l'intérieur serait protégé par des grilles de fer, comme un trésor inaccessible. J'ai laissé tout autour un grand espace libre pour la scène de l'attaque de l'Indien. Sergio et (le producteur) Grimaldi étaient tout heureux de réaliser un décor pareil !"

Un si beau village ne pouvait décemment pas être détruit après usage et de nombreuses productions l'utiliseront dans les années à venir. Selon les films, il se nommera Monterey ou Esperanza. La banque sera transformée en casino dans EL MERCENARIO de Sergio Corbucci (1968) et en hôtel dans UN COLT POUR TROIS SALOPARDS de Burt Kennedy (1971). Sur la grand-place, Eli Wallach et Lee Van Cleef échapperont de peu à la pendaison, respectivement dans LE BON, LA BRUTE ET LE TRUAND de Sergio Leone (1966) et LA BRUTE, LE COLT ET LE KARATE de Antonio Margheriti (1974). Burt Reynolds lancera des bâtons de dynamite depuis le toit du bureau du shérif dans NAVAJO JOE de Sergio Corbucci (1966). Et Rainer Werner Fassbinder y tournera lui aussi sa vision du western avec WHITY en 1971.

Aujourd'hui, El Paso s'appelle "Mini-Hollywood" et fait partie du "parc thématique du désert de Tabernas-Almeria Oasys". L'entrée se trouve directement au bord de la N340. L'imposante prison-forteresse avec ses quatre tourelles, construite à l'extérieur du village pour UN NOMME SLEDGE de Vic Morrow (1970), fait désormais place à un énorme parking. Si l'on a la chance d'arriver tôt, on se retrouve à marcher totalement seul dans ce lieu mythique, au son des musiques d'Ennio Morricone (les films de Leone, mais aussi EL MERCENARIO, COLORADO, NAVAJO JOE…). Tout est bien conservé, rien ne tombe en ruine. Si l'on compare avec des plans de ... ET POUR QUELQUES DOLLARS DE PLUS, on s'aperçoit que certaines maisons ont changé (une forme de toit différente par-ci, une balustrade par-là) mais ces modifications ont été faites tout au long des années pour le besoin des films déjà cités. Sur la place, pas de doute, le charme agit. À gauche, l'hôtel de Clint Eastwood ; à droite, celui de Lee Van Cleef, devant, la banque d'El Paso ; derrière, le bureau du shérif…

Contrairement à "Fort Bravo", la plupart des maisons sont réelles. "C'est dans ce village que fut tourné pratiquement tout ... ET POUR QUELQUES DOLLARS DE PLUS, avec les intérieurs de l'hôtel, raconte Simi, l'intérieur du saloon et les intérieurs de la banque. Seules les scènes dans les chambres à coucher ont été tournées en studio à Rome." L'endroit est certainement le mieux exploité du coin. Deux fois par jour, un "western show" avec attaque de la banque, évasion de la prison, règlement de comptes et cascades à cheval enchante le public (pas trop nombreux en cette fin octobre). La banque abrite un curieux "musée du cinéma" où l'on pourrait s'attendre à trouver le poncho de Clint Eastwood, le clap du BON, LA BRUTE ET LE TRUAND ou la selle de Franco Nero ; or, il propose une trentaine d'appareils de projection et autres lanternes magiques… sur les murs, heureusement, des dizaines d'affiches de westerns. "Oasys" n'offre pas qu'un village western, il y a un important zoo, construit juste au-dessus.

Quitter le dernier parc de la région ne signifie pas en terminer avec le cinéma. Sur la route de Tabernas, on aperçoit des restes de maisons westerns dont l'origine est difficile à établir mais dont la vue est saisissante. Au sommet du village se trouvent les ruines d'un château arabe… filmé dans le générique d'ouverture de PATTON de Franklin J. Schaffner (1970). En poussant jusqu'à la ville d'Almeria, à 30 kilomètres au sud, on pourra apprécier l'ancienne gare (Estación de Renfe), utilisée par Damiano Damiani pour EL CHUNCHO (1966) et Sergio Leone pour IL ETAIT UNE FOIS LA REVOLUTION (1971). Sans compter, plus à l'est, le parc naturel de Cabo de Gata et ses plages arpentées par James Coburn dans DUFFY LE RENARD DE TANGER de Robert Parrish (1968), Harrison Ford dans INDIANA JONES ET LA DERNIERE CROISADE de Steven Spielberg (1989), etc.

Le tout en sifflotant du Ennio Morricone, cela va de soi.

Philippe Lombard

Les propos cités sont extraits de :
"Western à Almeria" (reportage de la TSR du 9 mars 1975)
"Carlo Simi, l'Amérique de Sergio Leone" (Festival de Montpellier, 1998)

Liens intéressants :
http://www.tabernasdecine.es/
http://www.oasysparquetematico.com/
http://www.fortbravo.es/en/
http://www.western-locations-spain.com/
http://garringo.cool.ne.jp/
http://regis.cluseau.perso.sfr.fr/SergioLeone/index.html
http://www.malcaminos.es/new/

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Dossier réalisé par
Philippe Lombard