Header Critique : LES MONSTRES DE LA MER (HUMANOIDS FROM THE DEEP)

Critique du film
LES MONSTRES DE LA MER 1980

HUMANOIDS FROM THE DEEP 

A Noyo, la population vit grâce à la pêche du saumon. L’envie des uns d’aller vers une pêche industrielle se heurte à l’opposition de ceux qui veulent préserver la nature. Déjà tendu, le climat s’envenime en raison d’événements étranges. Le titre du film, LES MONSTRES DE LA MER, lève une éventuelle ambigüité et donne aux spectateurs un temps d’avance sur le déroulement de l’intrigue.

Roger Corman et Gene Corman fondent New World Pictures en 1970. Dix ans plus tard, la maison de production est devenue une usine pour de petites productions confectionnées à la chaîne. A ce moment-là, c’est une vingtaine de films environ qui sont produits ou distribués chaque année par New World Pictures. LES MONSTRES DE LA MER est produit à cette période dans une logique commerciale. En apparence, le film suit le modèle narratif des DENTS DE LA MER, une recette déjà utilisée chez New World Pictures avec UP FROM THE DEPTHS et surtout PIRANHAS de Joe Dante. A l’instar de ce dernier, le film laisse apparaître des thèmes sous-jacents qui peuvent mener à la réflexion et qui le mènent vers un cinéma d’exploitation écologique !

Faisons preuve de lucidité, cette mouvance n’est pas vraiment engagée. En général, la thématique émerge pour trouver une cause à des événements particuliers et ce de manière plus ou moins inventive. On pense ainsi à FROGS, LES RONGEURS DE L'APOCALYPSE ou encore L'INCROYABLE ALLIGATOR. L’idée sert alors à justifier le déroulement d’attaques de créatures plus ou moins naturelles. LES MONSTRES DE LA MER peut surprendre puisqu’il développe un peu plus son idée principale. Il inscrit l’impact de l’industrie agro-alimentaire sur l’environnement naturel. Ainsi, avant même que l’on nous propose de l’horreur et de la science-fiction, la population portuaire est partagée entre le développement industriel et la préservation de la nature. Du coup… Quoi de mieux qu’un amérindien pour défendre l’écosystème ancré dans son héritage culturel. Et quoi de mieux qu’un Américain blanc pour incarner un antagoniste qui affiche clairement son hérédité de colonisateur brutal et triomphant. Entre les deux, le héros du film n’affiche pas un racisme primaire mais penche tout de même pour une évolution industrielle. Dans LES MONSTRES DE LA MER, les points de vue s’entrechoquent. L’issue du film se montre peu optimiste en se terminant sans apporter de résolution aux divers problèmes écologiques. Cela aurait pu être un drame social mais il faut se rappeler que le film est produit par New World Pictures et qu’il est confectionné pour attirer les spectateurs dans les salles grâce aux mamelles du cinéma d’exploitation : la violence et le sexe ! Et des mamelles, il y en a de belles a dans LES MONSTRES DE LA MER, ce qui n’était pourtant pas l’objectif de départ de la réalisatrice Barbara Peeters.

Ayant déjà travaillé pour New World Pictures sur SUMMER SCHOOL TEACHERS, Barbara Peeters pense qu’elle pourra faire son film comme elle le souhaite. Et c’est presque vrai ! Lorsqu’on engage la réalisatrice et les comédiens, ils pensent tourner un film nommé BENEATH THE DARKNESS, titre mystérieux donnant l’impression d’un film ambitieux. Quoi qu’il en soit, cela reste une histoire avec des créatures modifiées génétiquement qui s’attaquent à une ville en bord de mer. Plutôt féministe, Barbara Peeters tourne son film selon ses propres valeurs. Mais lorsque Roger Corman découvre le film, il dit lui-même que les séquences horrifiques sont bien mais que cela manque de sexe. Sans que la réalisatrice ne soit au courant, Roger Corman demande à l’assistant réalisateur, James Sbardellati, de tourner de nouvelles séquences plus suggestives. Le producteur change au passage le titre du film pour HUMANOIDS FROM THE DEEP qui deviendra LES MONSTRES DE LA MER en France. L’influence du producteur mènera la réalisatrice à renier le film même si son nom reste au générique.

Comme tout bon film d’exploitation ou Bis, LES MONSTRES DE LA MER recycle ce qui a déjà été fait auparavant en tentant de lui donner un peu d’originalité et parfois en poussant le bouchon plus loin. Sur ce dernier point, LES MONSTRES DE LA MER va rendre très concret ce qui était abstrait auparavant dans le cinéma horrifique. La contamination des corps n’a rien de nouveau mais cela s’avère un peu plus rare avec une connotation sexuelle. Dans FRISSONS de David Cronenberg, la menace prenait des airs de métaphores des maladies sexuellement transmissibles. Avec ALIEN de Ridley Scott, la métaphore du viol est assez explicite tout en lui donnant un cycle reproductif. LES MONSTRES DE LA MER va aller plus loin et supprime l’abstraction pour montrer de manière littérale des créatures agressant sexuellement de jeunes femmes. Une scène gore très explicite affiche très clairement sa filiation avec ALIEN. Ces éléments ajoutés au film à posteriori seront mal accueillis par la critique et le film ne sera pas vraiment un succès commercial. Paradoxalement, c’est plus la genèse du film ainsi que la controverse qui lui accorderont au fil du temps une certaine notoriété.

Pour donner corps aux créatures, le film bénéficie d’effets spéciaux réalisés par deux artisans aujourd’hui renommés. Chris Walas et Rob Bottin ont travaillé auparavant sur le PIRANHAS de Joe Dante pour le compte de New World Pictures. Si les effets ne sont pas toujours parfaits dans LES MONSTRES DE LA MER, ils font tout de même illusion et donnent une idée de ce que faisaient les deux techniciens au début de leur carrière. Quatre ans plus tard, Chris Walas obtiendra un Oscar pour les effets spéciaux de GREMLINS alors que Rob Bottin confectionnera les hallucinantes transformations de THE THING

Le film se pare de deux comédiens «connus». L’acteur Doug McClure avait déjà été confronté à des créatures marines dans LES SEPT CITES D'ATLANTIS de Kevin Connor. Le comédien au jeu approximatif se montre bien moins engagé ici, voire parfois en décalage avec les situations. Il donne la réplique à Vic Morrow, bien plus crédible en pêcheur prêt à tout pour arriver à ses fins. Enfin, on peut noter que la musique est signée d’un jeune James Horner qui, comme les spécialistes des effets spéciaux, connaîtra plus tard son heure de gloire (TITANIC, AVATAR…).

Les divers thèmes du film, dont une théorie de l’évolution où l’homme est l’artisan de sa propre extinction, est plutôt intéressante. Et certains ont souhaité revenir sur le film au travers d’un remake. HUMANOID : TERREUR ABYSSALE de Jeff Yonis est un téléfilm qui réutilisera des images du film original et particulièrement la scène de fête qui se transforme en carnage. Ce téléfilm sombrera dans l’oubli…

Rédacteur : Christophe Lemonnier
Photo Christophe Lemonnier
Ancien journaliste professionnel dans le domaine de la presse spécialisée où il a oeuvré durant plus de 15 ans sous le pseudonyme "Arioch", il est cofondateur de DeVilDead, site d'information monté en l’an 2000. Faute de temps, en 2014, il a été obligé de s'éloigner du site pour n'y collaborer, à présent, que de manière très sporadique. Et, incognito, il a signé de nombreuses chroniques sous le pseudonyme de Antoine Rigaud ici-même.
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