Header Critique : INTUITIONS (THE GIFT)

Critique du film
INTUITIONS 2000

THE GIFT 

Dans une petite ville de Géorgie, Annie, jeune veuve douée de pouvoirs médiumniques, élève seule ses enfants avec de l'argent gagnée en tirant les cartes. Un jour, une jeune fille disparaît, et on demande à Annie de la retrouver grâce à son don.

À sa sortie, INTUITIONS est attendu ! Il s'agit en effet du premier film fantastique pour le cinéma de Sam Raimi depuis L'ARMÉE DES TÉNÈBRES de 1993. 

Entre-temps, le réalisateur connaît de beaux succès en tant que producteur de séries télévisées («HERCULE», «XENA : PRINCESSE GUERRIERE»). Il remet ainsi au goût du jour les péplums fantastiques qui ont bercé son enfance (JASON ET LES ARGONAUTES et ses monstres animés par Ray Harryhausen notamment). 

Pour le grand écran, il s'attaque à des genres hollywoodiens variés. Comme le western avec MORT OU VIF de 1995, projet ambitieux qui se heurte à un échec public. Ou le film de sport avec POUR L'AMOUR DU JEU de 1999, interprété par un Kevin Costner sur la pente descendante.

Au cours cette période non-fantastique, le titre le mieux remarqué est UN PLAN SIMPLE de 1998. Film Noir baignant à l'ambiance campagnarde et hivernale, il n'est pas sans rappeler FARGO des Frères Coen (vieux complices de Sam Raimi), très bien reçu lui aussi deux ans avant. 

INTUITIONS poursuit cette veine mêlant Noir et ruralité. Il est écrit par Billy Bob Thornton, qui s'inspire pour Annie de sa propre mère. Celui-ci est alors essentiellement connu en tant qu'acteur (UN PLAN SIMPLE, ARMAGEDDON). Mais il réalise et écrit aussi des films (notamment SLING BLADE, très bien accueilli). 

Les rôles principaux d'INTUITIONS sont tenus par des comédiens déjà connus, comme Cate Blanchett (ELIZABETH, LE SEIGNEUR DES ANNEAUX : LA COMMUNAUTE DE L'ANNEAU), Keanu Reeves (SPEED, MATRIX) ou Katie Holmes (MRS TINGLE).

Suivant une piste ouverte par SIXIÈME SENS de M. Night Shyamalan, INTUITIONS déroule une enquête policière dans laquelle Anna, femme douée de pouvoirs paranormaux, aide à élucider une affaire criminelle. Une telle intrigue n'est pas une nouveauté. De tels récits ont déjà été proposés dans LES YEUX DE LAURA MARS d'Irvin Kershner sur un scénario de John Carpenter, dans HYPNOSE de David Koepp ou dans LES FRISSONS DE L'ANGOISSE de Dario Argento

Sam Raimi s'inscrit ici dans la tradition d'un cinéma fantastique rigoureux et sérieux, basé sur des personnages intéressants. Comme dans SIXIÈME SENS ou HYPNOSE, les aventures de cette médium invitent à une réflexion sur le deuil et sur les rapports entre les vivants et les morts. Il se place en contre-pied du cinéma agité et cartoonesque sur lequel Sam Raimi a construit sa carrière. Il signe là un virage inattendu, comme lorsqu'un Peter Jackson enchaîne HEAVENLY CREATURES après BRAINDEAD.

Une des grandes forces d'INTUITIONS est sa description d'une petite ville américaine, décrite avec justesse et attention. En cela, il évoque UN PLAN SIMPLE, et aussi la série télévisée «TWIN PEAKS» de David Lynch, alors très populaire. 

Mais malgré ses qualités, INTUITIONS souffre de problèmes de narration. S'il décrit avec beaucoup de soin ses personnages dans sa première partie, cela se fait au détriment des événements qui peinent à se mettre en place. Multipliant les intrigues secondaires, le récit s'embrouille et ralentit. Certains pans de l'intrigue son peu développés (le jeune garagiste) et INTUITIONS entraîne le spectateur sur de fausses pistes qui ne dupent personne (le procès ne sert pas à grand chose). 

Cette évocation d'une petite communauté présente néanmoins les personnages dans leur quotidien, avec intelligence et compréhension, refusant la caricature condescendante qui alourdit un FARGO. Sam Raimi prend son temps pour nous montrer comment Annie, tireuse de cartes dans un quartier simple, est devenue en quelque sorte le médecin ou le curé du village.

Ses clients ne viennent pas vraiment pour qu'elle leur dise l'avenir, mais parce qu'elle sait les écouter sans les juger et qu'elle consacre son temps à les aider et les conseiller du mieux qu'elle peut. Très bien interprété par Cate Blanchett, le début d'INTUITIONS propose un beau et juste portrait de femme.

Sam Raimi décrit aussi les aspects sombres de cette ville. Des drames quotidiens s'y déroulent, que tout le monde connaît sans que personne n'y mette un terme. Ainsi, Donnie (joué par un Keanu Reeves étonnant) est une brute cruelle et tyrannique qui terrorise son entourage. Des tragédies familiales, déchirantes et muettes, restent enterrées pendant des années. 

Pour suivre ces personnages qui vivent simplement, au rythme de leur travail et de leurs vies familiales, Sam Raimi recourt à une réalisation pudique et discrète qui, comme dans UN PLAN SIMPLE, s'efface devant les personnages et leur histoire. Ce n'est que pendant les rêves / visions d'Anna qu'il déploie, sans excès, son sens plastique fantastique qui l'a rendu célèbre.

Si le dénouement d'INTUITIONS déçoit faute d'un récit original et solide, ce métrage reste tout de même intéressant grâce à ses excellents interprètes et à son portrait attachant de la petite ville américaine où son action se déroule.

Film à petit budget, INTUITIONS surfe sur le succès de SIXIÈME SENS et connaît un joli succès. Juste après, Sam Raimi enchaîne sur un blockbuster très attendu : la première adaptation cinématographique ambitieuse des aventures de SPIDER-MAN. Avec les deux premiers X-MEN de Bryan Singer, la trilogie que Sam Raimi va consacrer au personnage inventé par Steve Ditko et Stan Lee posera les bases des nombreux films de super-héros qui inonderont ensuite les écrans d'Hollywood.

Rédacteur : Emmanuel Denis
Photo Emmanuel Denis
Un parcours de cinéphile ma foi bien classique pour le petit Manolito, des fonds de culottes usés dans les cinémas de l'ouest parisiens à s'émerveiller devant les classiques de son temps, les Indiana Jones, Tron, Le Dragon du lac de feu, Le Secret de la pyramide... et surtout les Star Wars ! Premier Ecran fantastique à neuf ans pour Le retour du Jedi, premier Mad Movies avec Maximum Overdrive en couverture à treize ans, les vidéo clubs de quartier, les enregistrements de Canal +... Et un enthousiasme et une passion pour le cinéma fantastique sous toutes ses formes, dans toute sa diversité.
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