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Critique du film
ORANUS 2009

 

Court métrage d'origine estonienne, ORANUS n'est pas de ces films que l'on peut résumer simplement. La raison en est l'absence d'un véritable scénario ou même d'une narration dite «classique». Le métrage de mesdames Jelena Girlin et Mari-Liis Bassovskaja relève ainsi davantage du «trip» expérimental ayant pour sujet global le monde contemporain et plus particulièrement le mal-vivre qui lui est associé. Contraction des mots «Oral» et «Anus», ORANUS nous peint donc durant dix-sept minutes un monde dépourvu d'âme, dans lequel l'individu en est tout simplement réduit à consommer sa propre merde. Qu'il s'agisse d'excréments télévisuels, d'aliments industriels ou d'idéaux avilissants, la nourriture du corps et de l'esprit s'est appauvrie au point de ne plus rien offrir de véritablement substantant…

Partant de ce postulat nihiliste et à vrai dire désespéré, Jelena Girlin et sa complice Mari-Liis Bassovskaja ont donc mis en scène en stop-motion (image par image) un univers sombre dans lequel l'Homme est devenu son propre bétail, la première victime de ses ambitions... Chaque personnage y participe à sa manière, qu'il s'agisse du «héros» apathique passant de l'autre côté de son téléviseur ou de l'énorme boulangère commercialisant ses déglutitions. La télé-réalité se voit elle aussi écorchée vive par le biais d'une pathétique jeune femme rêvant à une potentielle «Starification». De même, nous retrouverons ici la litanie du «métro-boulot-dodo» transformant peu à peu les individus en véritables cadavres ambulants.

Glauque de la première à la dernière image, ORANUS a pour lui une approche directe et franche. Les aspects ouvertement «rentre-dedans» et régulièrement scatologiques pourront éventuellement, au fil des minutes, paraître trop accentués. Il n'en est cependant rien puisqu'au final, le métrage atteint parfaitement son but et rend la métaphore aussi limpide que dégoûtante. Là où le cinéma a pour habitude d'émouvoir, d'effrayer ou d'amuser, ORANUS à pour sa part vocation à écoeurer pour mieux faire réfléchir. En cela, le film de Jelena Girlin et Mari-Liis Bassovskaja côtoie quelque peu et dans l'idée les documentaires alter-mondialistes que sont LE CAUCHEMAR DE DARWIN, WE FEED THE WORLD ou, dans une moindre mesure DE LA SERVITUDE MODERNE. Bien évidemment, l'approche animée et surréaliste a pour effet de grossir le trait mais l'objectif reste le même, celui de la prise de conscience par le biais d'images «chocs». Inévitablement, ORANUS se heurte donc aux mêmes difficultés que les films précités. A savoir qu'il brosse en réalité les convaincus dans le sens du poil et se montrera sans aucun doute trop «violent» pour le public à conquérir.

Violent car en plus d'être «sale» et percutant dans son propos, le film est doté d'un rythme nerveux, saccadé, mécanique et n'offrant absolument aucun moment de répit. L'absence quasi-totale de dialogue ajoute à la confusion, de même que l'enchaînement chaotique (mais visuellement soigné et inventif) des séquences. Le spectateur se perd ainsi très rapidement dans le capharnaüm désolant qui nous est dépeint et cherche en vain à se rattacher à une trame. Peine perdue car ORANUS n'est fait que de sensations plutôt dérangeantes ! Tempérons cependant en ajoutant que, paradoxalement, ORANUS distille par instants quelques pointes d'un humour noir efficace, touchant parfois à l'ironie. Résolument critique, le film prend alors une dimension triste et même nostalgique, se rattachant ainsi au reste de la filmographie des deux scénaristes et réalisatrices.

Pour peu qu'on y adhère, ORANUS pourra donc être perçu comme une œuvre intéressante méritant plusieurs visions. Espacées cependant, en raison de la densité des images et de la longueur du court, le rendant au final assez épuisant ! Les spectateurs plus sceptiques ne pourront pour leur part que saluer l'inventivité du film et l'étonnant travail d'animation auquel s'est livrée une équipe technique des plus réduites.

Rédacteur : Xavier Desbarats
Photo Xavier Desbarats
Biberonné au cinéma d'action des années 80, traumatisé par les dents du jeune Spielberg et nourri en chemin par une horde de Kickboxers et de Geishas, Xavier Desbarats ne pourra que porter les stigmates d'une jeunesse dédiée au cinéma de divertissement. Pour lui, la puberté n'aura été qu'une occasion de rendre hommage à la pilosité de Chuck Norris. Aussi, ne soyons pas surpris si le bougre consacre depuis 2006 ses chroniques DeViDeadiennes à des métrages Bis de tous horizons, des animaux morfales ou des nanas dévêtues armées de katanas. Pardonnez-lui, il sait très bien ce qu'il fait...
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