
Critique du film
et du DVD Zone 2
BLAIR WITCH 2 : LE LIVRE DES OMBRES
2000
Succès surprise du box office yankees durant l’été
99, LE
PROJET BLAIR WITCH avait dépassé les 150 millions
de dollars pour un budget dérisoire de moins d’un million
de billets verts. Le film avait concurrencé avec une poignée
d’acteurs amateurs, un caméscope et des brindilles, les
blockbusters de la saison estivale on ne peut plus favorable pourtant
aux productions musclées façon Bruckheimer.
Phénomène de curiosité plus que phénomène de société, le film avait fait la une de la presse américaine après avoir conquis l’internet sur son ambiguité scénaristico-réaliste. Les cinéastes, Daniel Myrick et Eduardo Sanchez, avaient compris qu’au niveau de la promotion, on n'était jamais mieux servis que par soi-même et que l’internet était l’outil de communication rêvé pour mieux berner les masses.
L’Amérique avait été divisée par LE PROJET BLAIR WITCH, certains n’y voyant qu’une farce trop fauchée pour vraiment effrayer et d’autres y trouvant matière à culte, voire même à crédulité ! Ce qui avait fait le succès du premier opus était son concept et son allure de faux documentaire (il s’agissait d’un "mockumentary", un genre de films qui utilise les rouages du documentaire pour l’imiter et le tourner en dérision). Voilà ce qui avait attisé la curiosité malsaine de certains, et qui finalement avait rebuté les trois quarts des spectateurs hurlant à l’arnaque. Et oui, tout le monde ne peut pas prendre peur au bruit du vent dans les arbres de la forêt de Black Hills ! Ils en venait à regretter les frissons explicites de productions plus ciblées comme HANTISE.
Pari difficile donc pour les producteurs que de monter une suite. Celle-ci se devait de plaire aux aficionados en gardant le mystère et l’ambiguité réaliste du premier volet tout en essayant de reconquérir les déçus en offrant cette fois un vrai film de fiction avec un budget, une pellicule cinéma, de la violence, une bande son tonitruante... Fini donc le film d’amateur fauché, voici le blockbuster consensuel sensé réconcilier les détracteurs et les fans.
Pour combler les fans, le
choix du cinéaste se porte sur Joe
Berlinger, célèbre documentariste américain.
Plutôt que de se laisser aller à la facilité, le
cinéaste fort de son expérience préfère
se pencher sur le phénomène Blair Witch et base son sujet
sur la crédulité de certains jeunes, suite à la
sortie du film. Certains ont vraiment cru que tout cela s’était
réellement déroulé. Le cinéaste part d'un
postulat intelligent. Nourris aux films d’épouvante depuis
leur âge le plus tendre, certains jeunes américains ne
savent plus vraiment faire la différence entre fiction et réalité.
Regard ironique sur le pouvoir des images et des médias, le film
est jonché de références au genre horrifique qui
ont rejoint l’imaginaire collectif. Tandis que le premier volet
ne nous donnait aucune explication sur la disparition des jeunes dans
la forêt de Black Hills (était-ce juste une petite frayeur
entre potes, un vrai film fantastique avec une méchante sorcière
vindicative ou un DELIVRANCE
contemporain avec autochtones sanguinaires ?), le deuxième opus
confirme et signe dans l’ambiguité puisqu’ici on ne
saura jamais si les protagonistes du film sont victimes de forces démoniaques
ou bien d’une hallucination collective et de leur propres pulsions
meurtrières. Savoureux. Le travail n’est pas maché
pour le spectateur qui doit se creuser un minimum les méninges
pour ne pas y voir un énième film teenager avec référence
cinéma poussive incluse. Les fans du premier ne pourront qu’apprécier.
Pour rallier les détracteurs moins cérébraux, les producteurs ont imposé au metteur en scène récalcitrant un montage plus sanglant (dixit les commentaires audios de Berlinger). Contre son gré le réalisateur a dû en montrer plus et a dû distiller les scènes finales de son scénario tout au long du film. Cependant le résultat est des plus convaincant. Le montage intrigue plus qu’il ne dessert le récit. Là où l’on peut rejoindre le cinéaste et en vouloir aux producteurs, c’est au niveau de la bande son. Cette dernière, très tendance, n’est présente que pour alimenter le merchandising et vendre des CDs estampillés Blair Witch. Navrant. Qu’on aime ou qu’on n'aime pas Marylin Manson, l’entendre au générique d’ouverture du film, cela casse l’ambiance qu’essaie d’imposer le joli plan aérien. Beaucoup de bruit pour rien. Mais bon le film n’est pas exsangue pour autant et parvient finalement à répandre ses mystères.
L’éditeur français, pas rancunier de l’échec mondial du film (la suite a été un bide critique et public), offre une édition des plus appréciables avec un joli menu animé et de bien belles images. Le DVD comporte une piste DTS et une piste 5.1 pour la version originale et... la version française. Si l'on peut dire adieu à la BO proposée dans l’édition zone 1, Studio Canal propose un deuxième disque consacré aux suppléments. On n'y trouve rien d’extraordinaire, certes, mais pour ceux qui ont adhéré à l’aspect documentaire du premier volet, deux faux reportages viennent nourir l’ambiguité et le mystère autour du mythe Blair Witch. "The Burkettsville 7" s’étend pendant 32 minutes sur les disparitions d’enfants mentionnées dans les deux Blair Witch tandis que "The Shadow of Blair Witch" est un long reportage de 44 minutes sur Jeff Patterson, le tueur fictif qui aurait inspiré le film. Le procédé est un peu poussif (y a t’il encore un crétin pour y croire ?), mais l’idée d’une mythologie Blair Witch avec toutes ses ramifications reste séduisante à une époque où le cinéma fantastique tend à piétiner et à manquer d’inspiration.
Le DVD offre également une piste de commentaire audio de Berlinger plutôt intéressante et l’efficace bande annonce cinéma en version originale et version française. Bien, mais on aurait également aimé y trouver le teaser cinéma qui avait inondé nos salles l’été dernier. On peut toutefois se rattraper avec plusieurs bonus camouflés et pourtant annoncés sur la jaquette. Une mini-interview du réalisateur vous est offerte ainsi qu'un clip vidéo de Godhead et qui ressemble beaucoup à une simple prestation "live". Vous les trouverez tout deux sur les écrans de la filmographie du réalisateur. Une interview d'un prêtre de l'église de Satan vous parlera du satanisme pour peu que vous sélectionnez le pentacle invisible sur la droite de "The Shadow of Blair Witch". Vous aurez aussi accès à une bande déssinée ainsi qu'à de nombreux liens internet vers le phénomène Blair Witch dans le cas où vous êtes équipé d'un lecteur DVD sur votre ordinateur.
A noter enfin que la jaquette reprend l’affiche cinéma française du film, beaucoup plus sobre et beaucoup moins infernale que l’affiche américaine, comme si l’éditeur avait préféré miser sur le mystère pour mieux vendre. Pourquoi pas.