John Glass (Pat Tremblay) se réveille d'un sommeil cryogénique dans une grange abandonnée. La Terre a été dévastée par une guerre nucléaire et des extra-terrestres belliqueux la parcourent. John Glass est vêtu d'une combinaison le protégeant d'une atmosphère dangereuse et affublé d'éléments électroniques supposés le guider dans sa mission pour sauver l'humanité. Commence alors un long et solitaire périple au milieu de nulle part.

Curieuse production au ton radical et en dehors du système, HELLACIOUS ACRES a de quoi surprendre et déstabiliser le plus ardu des fans de films post-apocalyque. Il faut oublier MAD MAX, 2019 APRES LA CHUTE DE NEW YORK ou LE JOUR D'APRES version 1983. Le film presque entièrement généré à tous les étages par Pat Tremblay ne ressemble à aucun autre. Il ne s'agit pas d'une question purement budgétaire, même si l'auteur a mis tous ses deniers personnels et rien d'autre dans la bataille, mais bien d'un parti pris créatif.

Un format Scope via une caméra miniDV (en simple définition, donc), des paysages d'un vide déprimant, un héros sans passé, solitaire mais non dénué d'un humour décalé donne le ton du film. Un grain visible, des couleurs froides automnales quelque peu désespérantes (ou désespérées, c'est selon). Il n'y a plus rien, ou presque. Hormis des formes membranaires tendances amibe du futur que sont les extra-terrestres, John Glass va errer vers des points précis mais ou/et imaginaires. Où se trouvent éventuellement des solutions pour sauver une humanité qui semble avoir disparu. Ou pas. Peut-être.

Pas de récit franchement picaresque, mais une promenade entre la mort et le cauchemar éveillé qui n'est pas sans rappeler STALKER d'Andrei Tarkovski. Il faut y ajouter une pincée de L'ULTIME GARCONNIERE de Richard Lester pour son humour à froid et futuriste. Le spectateur obtient un référentiel métamorphite notifiant la froideur des éléments, qui cadre parfaitement avec une esthétique de la désolation.

A la fois poétique et onirique, HELLACIOUS ACRES tente de survivre en même temps que son héros par des éclairs de comédie de situation désespérée. Quelques personnages masqués interviennent à intervalles irréguliers afin de dynamiser un récit délibérément posé. Ou poseur, selon l'humeur. De la nourriture noirâtre au nom imprononçable, aux phénomènes d'absorption et de crachat des aliments/excréments et de la réalisation partielle que John Glass n'est autre qu'un cyborg perdu dans le futur/présent, on assiste à une perte de repères graduel. Même le mixage sonore tend à embrouiller le spectateur, ne sachant pas s'il s'agit de John Glass qui parle ou de la main arrachée de son collègue croisé en cours de route. L'un en train de sombrer dans une folie cybernétiquement charnelle, l'autre luttant pour un idéal qu'il ne comprend plus. Une mission qu'il réalise perdue d'avance. Son absence de souvenirs. Une sorte de pornographie mémorielle qui revient par de curieux à-coups. L'humain semble avoir disparu corps et bien (corps, surtout) pour laisser place à un vide universel, entre des délires de télé transportations, des messages du passé de dangers en devenir.

Cette approche minimaliste peut rebuter. Et malgré l'avertissement du réalisateur, venu présenter son œuvre lors de l'édition 2011 du Lausanne Underground Film & Music Festival, que le rythme est volontairement lent pour faire ressentir cette langueur et les moments de solitude, il faut s'accrocher. La patience du spectateur est mise à rude épreuve lors de certaines scènes et on se prend à rêver que l'ellipse cinématographique ait pu avoir sa place. On a beau savoir qu'il s'agit du style narratif choisi, certains moments laissent suinter un solide ennui bien humain. Le plan fixe sur John Glass ouvrant la totalité des placards et tiroirs d'un meuble de cuisine est interminable et d'une lenteur incommensurable. Redoutable pour les nerfs et l'attention.

HELLACIOUS ACRES se distingue également de par la qualité de ses effets spéciaux mis en avant. Toujours inventif, du look des aliens jusqu'aux armes utilisées, sa velléité d'injecter le monde de demain avec des références de gamer ultime. Les aficionados verront une ressemblance avec le jeu HALO, entre autres. Ceci via une utilisation d'After Effects pour la création des effets (comme dans KANGOOTOMIK, par ailleurs), ce qui donne aux résultats une allure assez pro.

Chacun pourra y trouver le message qu'il souhaite, si tant est si bien qu'un message quelconque puisse y être trouvé. HELLACIOUS ACRES fait partie de ces œuvres où il est possible d'y coller une multitude d'allégories, de par sa nature propre : sans repère temporel ou géographique, n'offrant aucun visage humain à priori. Cela se prête donc à toutes les interprétations possibles. Certes, la quête d'un graal quelconque fait partie intégrante du sous-genre nommé amoureusement «post-nuke» par les amoureux du genre. Ce sera la dernière femme féconde au monde dans, justement, 2019 APRES LA CHUTE DE NEW YORK, les points d'eaux dans STRYKER mais on peut allègrementr sauter les frontières du bis (quoique) pour voir des films comme LES SURVIVANTS DE LA FIN DU MONDE. Et l'on suit le héros dans ses errances scénaristiques et physiques. HELLACIOUS ACRES ne s'éloigne pas spécialement de la recette de base. Il s'agit donc de son exécution visuelle et sonore qui fait la différence. On sent un objet plus humaniste et plus rugueux dans son approche filmique. Plus nébuleux, aussi, tant l'optique de faire ressentir le désespoir, l'attente dans la quête du héros est présente. Ce choix pourra agacer, faire quitter rapidement la salle ou hypnotiser le spectateur potentiel. Mais nul doute qu'il ne pourra rester de marbre à cet opus apocalyptique violemment original, qui aurait toutefois gagné en impact à être un peu plus ramassé.

Rédacteur : Francis Barbier
Photo Francis Barbier
Dévoreur de scènes scandinaves et nordiques - sanguinolentes ou pas -, dégustateur de bisseries italiennes finement ciselées ou grossièrement lâchées sur pellicule, amateur de films en formats larges et 70mm en tous genres, avec une louche d'horreur sociale britannique, une lampée d'Albert Pyun (avant 2000), une fourchettée de Lamberto Bava (forever) et un soupçon de David DeCoteau (quand il se bouge). Sans reprendre des plats concoctés par William Friedkin pour ne pas risquer l'indigestion.
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