HELLBOY : LE DIRECTOR'S CUT

9 août 2004 
HELLBOY : LE DIRECTOR'S CUT

Le 5 août dernier, au soir, eut lieu dans un grand cinéma parisien l'avant-première mondiale de HELLBOY de Guillermo Del Toro. Ou plutôt devrait-on dire l'avant-première mondiale de la version longue du film. Sorti depuis plusieurs mois aux Etats-Unis, disponible en zone 1 depuis peu dans sa version courte, le spectateur français aura au moins la compensation de son attente par l'exclusivité de la sortie en salle d'un Director's cut plus long d'une quinzaine de minutes (alors que les américains devront se contenter de cette version via une édition DVD dédiée).

Présent pour l'occasion avec son comédien principal Ron Perlman, Guillermo Del Toro confie à l'assistance que cette version longue ne sera visible en salle que dans deux pays au monde, la France et le Japon (les deux seuls pays, selon lui, a véritablement apprécier la bande dessinée). Très décomplexé, l'homme nous amusera à de nombreuses reprises avant de nous souhaiter une bonne projection sous les applaudissements d'une salle déjà conquise.

Comme on pouvait s'y attendre, HELLBOY s'ouvre sur une longue séquence présentant les origines du personnage. Tandis que les nazis organisent une séance de magie noire destinée à invoquer une entité maléfique qui leur permettra de remporter la guerre, les alliés interviennent et parviennent in extremis à refermer la porte que les nazis avaient ouverte sur l'enfer. Une créature s'est pourtant glissée dans notre monde pendant la séquence, un bébé démon possédant une gigantesque main en pierre. Les alliés décident alors de l'adopter et le baptisent Hellboy. En grandissant, ce dernier deviendra le fer de lance d'un bureau gouvernemental de lutte contre le paranormal.

Avec cette première scène rétrospective, Guillermo Del Toro place HELLBOY sur de très bons rails. On se croirait en quelque sorte en plein final des AVENTURIERS DE L'ARCHE PERDUE version gothique. La réalisation est inspirée, l'ambiance fonctionne parfaitement, et les personnages maléfiques (qui continueront à habiter le reste du film) font état d'un charisme stupéfiant (on pense notamment à Kroenen, un zombi ninja nazi qui " fonctionne " grâce à un mécanisme d'horlogerie en guise d'organes internes). Enfin, et c'est peut-être le plus épatant, le style visuel inadaptable au cinéma de Mike Mignola (l'auteur de la bande dessinée dont s'inspire le film) est malgré tout présent sous forme d'ambiance englobant chaque image.

La suite du métrage se décolle volontairement plus de son origine dessinée puisque Del Toro a comme ambition de faire véritablement de Hellboy un héros de cinéma. A la fois massif et agile, jouant beaucoup sur l'attitude, envoyant des bons mots dans l'action, Hellboy passe du papier au grand écran comme un charme bien que les puristes s'indigneront sûrement de quelques diversions (comme toujours d'ailleurs dès que l'on parle d'ADAPTATION !). Ron Perlman est bien entendu excellent dans ce rôle titre, arrivant à nous faire croire immédiatement à ce personnage extravagant. Quant au maquillage signé Rick Baker, il est fascinant de beauté tout en restant fonctionnel pour l'acteur et non corruptible pour son jeu.

Soucieux cependant qu'Hellboy et les autres personnages du film ne soit pas que des icônes de BD, Del Toro prend le parti courageux de l'introspection. Avant d'être un casseur de monstre, Hellboy nous est présenté dans son quotidien, avec ses failles personnelles et ses contradictions. Le film prend même le temps de dessiner un triangle amoureux, décision incongrue mais donnant justement beaucoup d'humanité à ses personnages (ce qui n'est d'ailleurs pas si bête compte tenu que la plupart sont justement des monstres, c'est justement le principal message du film). Bien entendu, la version longue donne pleine ampleur à cette orientation du film.

Mais l'action dans tout ça ! HELLBOY est-il une série B (de luxe) qui dépote, oui ou non ? C'est malheureusement ici que les limites du métrage se font sentir. Après la maîtrise et la folie des empoignades de BLADE 2, on était en droit d'anticiper quelque chose de vraiment monstrueux. Ce sera chose remise. Les scènes fortes du film, bien que très bien troussées, n'arriveront pourtant jamais à dépasser la kinétique de BLADE 2 (et ce malgré les promesses de Del Toro). On regrettera surtout un désintérêt progressif du film envers ces mêmes scènes d'action, puisque ces dernières seront de moins en moins ambitieuses au fur et à mesure de l'avancée du film. Le final, contre un vers tentaculaire géant, se règlera d'ailleurs dans la formalité la plus totale car coupant en deux une séquence relationnelle entre les deux personnages principaux.

Cette réserve ne doit pas faire passer HELLBOY pour une déception. Car il faut bien comprendre l'incroyable difficulté d'adapter une telle bande dessinée sur grand écran. Beaucoup d'efforts ont été portés sur la mise en place de l'univers et du personnage, au détriment peut-être d'une narration plus palpitante. A l'instar des X-MEN ou encore de SPIDERMAN, il est fort à parier qu'un deuxième film permettra enfin à Del Toro de réaliser son " BEN-HUR du film de monstre ", maintenant que Hellboy et sa clique ont brillamment passé le cap de la trois dimensions avec ce premier opus.

Eric Dinkian

Rédacteur : Christophe Lemonnier
Photo Christophe Lemonnier
Ancien journaliste professionnel dans le domaine de la presse spécialisée où il a oeuvré durant plus de 15 ans sous le pseudonyme "Arioch", il est cofondateur de DeVilDead, site d'information monté en l’an 2000. Faute de temps, en 2014, il a été obligé de s'éloigner du site pour n'y collaborer, à présent, que de manière très sporadique. Et, incognito, il a signé de nombreuses chroniques sous le pseudonyme de Antoine Rigaud ici-même.
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