Header Critique : JU-ON : THE GRUDGE

Critique du film et du DVD Zone 3
JU-ON : THE GRUDGE 2002

 

Un homme tue sauvagement sa famille sur un coup de folie, visiblement sans explication. La maison ayant abrité le crime se trouve dès lors hantée par les esprits vengeurs et tourmentés des victimes. Lorsque de nouveaux propriétaires s'installent, les spectres font immédiatement démonstration de leur colère. Au fur et à mesure des entrées dans la maison, la malédiction ne cessera de contaminer chaque nouvel intervenant.

Le mythe du fantôme est très populaire dans la culture nippone, riche en histoires folkloriques mettant en scène toutes sortes de monstres, démons et spectres divers. Au cinéma, on se souvient de ce goût immodéré des japonais pour les fantômes via la série de films de Youkai à la fin des années 60 (GHOSTS ON PARADE, ONE-HUNDRED MONSTERS et ALONG WITH GHOSTS) qui présentait foule de créatures issues de la culture populaire comme Karakasa, la fameuse ombrelle qui tire la langue, ou encore Rokurokkubi, une femme dont le cou peut s'étirer de plusieurs mètres. A bien y regarder, le gigantesque succès du fameux RING n'est finalement que la réponse contemporaine à cette attente d'histoires horrifiques. Si aujourd'hui, JU-ON / THE GRUDGE utilise la même imagerie, ce n'est donc pas signe d'un essoufflement d'inspiration, mais bien d'une volonté de s'inscrire dans une mythologie globale.

JU-ON n'est pas une histoire indépendante mais une sorte d'univers exploité à différentes strates par une série de films mis au point par Takashi Shimizu, réalisateur et scénariste à qui l'on doit déjà TOMIE : RE-BIRTH, troisième volet cinématographique tiré du manga de Junji Ito (UZUMAKI, KAKASHI). Si le film est sous-titré THE GRUDGE (et la plupart du temps désigné sous ce titre), c'est donc pour le différencier des autres films JU-ON. Pour replacer les choses chronologiquement, Shimizu débuta sa franchise avec un premier JU-ON directement tourné pour le marché vidéo. Pour répondre à un appel favorable du public et de la critique, il enchaîna aussitôt avec JU-ON 2, là encore pour le marché vidéo. THE GRUDGE est en fait la version cinéma du premier JU-ON, que Shimizu va transformer en variation de son film vidéo pour le rendre malgré tout pertinent face aux fidèles de la série (certain le considérant comme un troisième opus direct). Alors que THE GRUDGE 2 est déjà terminé, Shimizu devrait d'ailleurs enchaîner avec le remake américain du premier THE GRUDGE, ce qui promet encore un nouveau télescopage de films dans une franchise déjà chargée.

Auréolé de toute cette cour de films en affiliation plus ou moins directe, THE GRUDGE reste pourtant un outsider pour le spectateur occidental qui n'a comme seul véritable point de repère dans l'horreur nippone contemporaine que le RING de Hideo Nakata. Conscient de la réussite et du poids de son modèle, Takashi Shimizu ne va pas chercher à révolutionner la formule qui a donné naissance au traumatisant spectre de Sadako mais va plus s'attarder à améliorer la mécanique de l'horreur à la japonaise dans l'espoir de décrocher à ses spectateurs d'authentiques frayeurs. THE GRUDGE développe donc un récit adulte, âpre et froid, dont le visionnage n'est en rien soulagé par le moindre répit humoristique ou le quelconque divertissement. Vous êtes prévenus.

La grande originalité de THE GRUDGE est de casser avec la linéarité trop souvent inhérente à ce genre d'histoire pour se permettre un éclatement total de la narration autour d'une série de chapitres mélangés de manière chaotique. En scindant l'histoire en autant de sketches intercalés, Shimizu prend le gros risque de perdre un spectateur lassé de recoller les morceaux d'une histoire éparpillée aux quatre coins du métrage. Mais en agissant de la sorte, le cinéaste répond à une volonté courageuse de dédier entièrement la structure de son film aux pics de terreurs que réserve son récit. Shimizu est un adepte de la montée lente de l'horreur conclue par une image insoutenable, et ainsi de suite tout au long du film. L'organisation inhabituelle du métrage permet ainsi au cinéaste d'optimiser les moments forts, sans être parasité par le déroulement de son intrigue (certaines mauvaises langues diront, finalement à juste titre, que le cinéaste s'en moque).

Mais venons-en à la principale attraction de ce genre de film : les fantômes. Shimizu connaît ses classiques et ne dépaysera pas vraiment les spectateurs de RING. Par contre, ce dernier a quelques astuces intéressantes pour donner du relief à ses apparitions. Contrairement à RING, Shimizu utilise en permanence le thème du regard dans son film, en faisant même la principale manifestation de hantise (les personnages sont menacés lorsqu'ils sont regardés par les fantômes). La peur de voir ou d'être vu, en plus d'être une peur essentielle de l'être humain, se montre qui plus est pertinente dans un film de cinéma qui utilise cette même vision pour exister. A Shimizu maintenant d'en user, arbitrant le fugitif et le complaisant, n'hésitant pas à obliger le spectateur à soutenir le regard caméra d'un fantôme lors d'une mémorablement longue descente d'escalier. Le cinéaste va même jusqu'à bousculer nos réflexes d'enfant en montrant une jeune fille se réfugiant tout entière sous sa couette, espérant ainsi échapper à une présence fantomatique alors que ce même fantôme l'attend au fond du lit (bousculant ainsi l'adage enfantin de ne pas être vu si nous-même nous ne voyons pas).

Très épurée, quasi photographique par moment, l'horreur de THE GRUDGE est pourtant diablement efficace et lancinante. Les séquences ou images clés à redouter sont, il faut dire, totalement rehaussées par un excellent travail sur le son. Là où la plupart des films du genre se contentent de jouer les ambiances sonores inconfortables jusqu'au bruitage tonitruant bien sadique, THE GRUDGE se permet quelques expérimentations effroyablement bien senties. On pense par exemple à ce gros plan de la bouche d'un enfant miaulant soudainement, et surtout au bruitage récurrent accompagnant les apparitions du film : des saccades gutturales en forme de longue plainte, soit le cri de l'au-delà selon les fantômes du film. Ceci achève de faire de THE GRUDGE une excellente réussite de film de terreur pure, si l'on accepte bien entendu la structure particulière du film ainsi que les influences glanées de ci de là (avec notamment un thème de la contagion faisant penser à RING et dans une moindre mesure à UZUMAKI).

THE GRUDGE, ainsi que les JU-ON en vidéo, étaient déjà disponibles en DVD au Japon. Malheureusement, l'absence de sous-titres nous obligeait, nous, pauvres spectateurs occidentaux, à attendre une version plus propice à notre compréhension. C'est maintenant chose faîte avec la parution de l'édition Zone 3 du titre qui propose des sous-titres en anglais. Surfant sur l'amélioration générale des disques chinois, l'image du film est de très bonne qualité, définition et compression en tête. Bonne nouvelle, le film est au format respecté et proposé dans une copie anamorphosée pour les téléviseurs 16/9 (ce qui est encore trop rare avec les zones 3). Autre point positif de cette édition, la présence d'une piste en 5.1 en version originale, histoire de profiter de l'excellente spatialisation du titre (trouille garantie lorsque les cris saccadés des fantômes s'amusent à ricocher aux quatre coins de vos enceintes). Pas de bonus malheureusement, pas même la bande-annonce bien que celle-ci soit partiellement dévoilée dans le menu de démarrage du disque. Cependant, l'édition est proposée à prix réduit et il faudra débourser beaucoup plus pour découvrir ce film avec le double DVD coréen.

Nouveaux frissons made in Japan, THE GRUDGE mérite largement d'être découvert par les amateurs d'un fantastique tétanisant et adulte. Bien qu'il ne révolutionne pas la formule du désormais classique RING, le film bénéficie de suffisamment de bonnes idées et d'un vrai sens de l'horreur pour proposer à son spectateur une (délicieusement) insupportable chair de poule. Décidément, entre les TOMIE ou autre UZUMAKI, le Japon ne semble pas près d'être détrôné de son titre de champion de l'horreur. A goûter en DVD import avant, espérons-le, une sortie digne de ce nom sur grand écran.

Rédacteur : Eric Dinkian
Photo Eric Dinkian
Monteur professionnel pour la télévision et le cinéma, Eric Dinkian enseigne en parallèle le montage en écoles. Il est auteur-réalisateur de trois courts-métrages remarqués dans les festivals internationaux (Kaojikara, Precut Girl et Yukiko) et prépare actuellement son premier long-métrage. Il collabore à DeVilDead depuis 2003.
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L'édition vidéo
JU-ON : THE GRUDGE DVD Zone 3 (Chine-Hong Kong)
Editeur
IVL
Support
DVD (Simple couche)
Origine
Chine-Hong Kong (Zone 3)
Date de Sortie
Durée
1h32
Image
1.85 (16/9)
Audio
Japanese Dolby Digital 5.1
Japanese Dolby Digital Stéréo Surround
Sous-titrage
  • Chinois
  • Anglais
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