Alec, étudiant en sciences naturelles à Édimbourg,
offre à son maître, le professeur Lindenbrook, un rocher
de lave trouvé en Islande. Le savant découvre que cette
chape contient en fait un autre objet : un morceau de plomb ayant appartenu
à Saknussem, un savant fasciné par le mythe de l'Atlantide
qui avait mené de nombreuses explorations géologiques
avant de disparaître mystérieusement. Sur l'objet en question,
l'explorateur a laissé un message indiquant l'entrée d'un
réseau de cavernes mystérieux. Lindenbrook et Alec partent
aussitôt en Islande. Mais, ils découvrent rapidement qu'ils
ne sont pas les seuls intéressés par les découvertes
potentielles promises par cette aventure. Ils s'allient finalement avec
le guide Hans et Carla (veuve d'un savant qui comptait lui-aussi s'aventurer
dans les cavernes, mais qui a été mystérieusement
empoisonné). Le voyage au centre de la Terre peut commencer...

VOYAGE AU CENTRE DE LA
TERRE, écrit en 1864, est un des romans les plus célèbres
de Jules Verne, à
la fois maître et fondateur de la littérature de science-fiction.
Dans ce livre, le professeur Lindenbrock, accompagné par son
neveu et un guide, explore l'intérieur de la Terre, après
avoir découvert un passage y menant suite à l'étude
d'un grimoire très ancien, rédigé par un alchimiste
islandais. Si Verne
meurt en 1905, ses oeuvres inspirent très tôt les réalisateurs
de cinéma, qui y trouvent maints récits d'aventures riches
en péripéties spectaculaires et stimulantes. Ainsi, Méliès
multiplie les innovations techniques en s'attaquant aux défis
posés par la transposition, en images de cinéma, des visions
sorties de l'imagination du grand écrivain. Le magicien de Montreuil
réalise ainsi LE VOYAGE DANS LA LUNE, suivi du VOYAGE
A TRAVERS L'IMPOSSIBLE, 20.000 LIEUES SOUS LES MERS puis,
en 1912, de LA CONQUÊTE DU POLE, son chant du cygne. En
1909, Charles Pathé
produit déjà un VOYAGE AU CENTRE DE LA TERRE de
neuf minutes, réalisé par Segundo
De Chomon, un concurrent de Méliès.

En 1954, le succès
mérité de 20.000
LIEUES SOUS LES MERS, réalisé par Richard
Fleischer pour les studios Disney, déclenche la production
de nombreuses et fastueuses adaptations de Jules
Verne dans les années 1950-1960. United Artists produit LE
TOUR DU MONDE EN 80 JOURS de Michael
Anderson, avec David
Niven en Phileas Fogg ; on voit encore sortir DE
LA TERRE A LA LUNE de Byron
Haskins, avec Joseph
Cotten, George
Sanders et Debra
Paget, puis L'ILE
MYSTÉRIEUSE de Cy
Endfield (avec trucages du maître Ray
Harryhausen), CINQ SEMAINES EN BALLON d'Irwin
Allen, LES
ENFANTS DU CAPITAINE GRANT de Robert
Stevenson.... Le vétéran italien Carmine
Gallone (SCIPION L'AFRICAIN...) tourne un très bon
MICHEL STROGOFF en Yougoslavie, tandis qu'en France, c'est Philippe
de Broca qui signe un trépidant LES
TRIBULATIONS D'UN CHINOIS EN CHINE avec Jean-Paul
Belmondo et Ursula
Andress...

Parmi tous ces films, on
trouve bien sûr cette fameuse adaptation de VOYAGE AU CENTRE
DE LA TERRE, produit par la Fox, et mettant en vedette James
Mason, qui avait justement tenu le rôle de Nemo dans 20.000
LIEUES SOUS LES MERS. On trouvera ensuite d'autres adaptations
officielles de ce roman, notamment avec LE
CONTINENT FANTASTIQUE de l'espagnol Juan
Piquer Simon (SUPERSONIC
MAN, LE
SADIQUE A LA TRONÇONNEUSE, MAGIE
NOIRE...). Rusty
Lemorande tente de mettre ce livre à une sauce "années
80" avec sa version de JOURNEY
TO THE CENTER OF THE EARTH produit par Cannon : amorcé
en 1986, ce tournage connaîtra des complications, avant d'être
interrompu ; le film sortira tout de même en 1989, dans un montage
réputé fort chaotique. Puis, un autre JOURNEY
TO THE CENTER OF THE EARTH est produit pour la télévision
américaine et réalisé par William
Dear en 1993 : cette version assez futuriste du roman de Verne
tentait en fait d'exploiter la formule du groupe d'explorateurs intrépides
mise au point dans les diverses moutures de STAR
TREK ; bien qu'ayant vocation à être le pilote
d'une série TV, cette bande restera sans suite. Enfin, George
Miller (celui de L'HISTOIRE
SANS FIN II, pas celui de MAD
MAX !) réalise aussi un VOYAGE
AU CENTRE DE LA TERRE en 1999 pour Hallmark, compagnie spécialisée
dans la production de mini-séries de luxe visant un public familial.

Mais revenons au VOYAGE
AU CENTRE DE LA TERRE de 1959, réalisé par Henry
Levin, réputé comme la plus réussie des adaptations
de ce livre de Jules
Verne. Quelques petites modifications ont été portées
au récit original. Le professeur s'appelle Lindenbrook (et non
plus Lindenbrock) et devient écossais. Une présence féminine
est ajoutée à l'exploration avec Carla Goetaborg, veuve
d'un explorateur qui préparait le même voyage que Lindenbrook
et ses amis. Le grimoire antique est remplacé par un objet remonté
à la surface de la Terre suite à une éruption volcanique,
tandis que le script ajoute aux péripéties du roman la
découverte de la cité perdue de l'Atlantide.

La Fox mobilise de vastes
moyens sur ce film : nombreux trucages, vastes décors de studios,
format cinémascope, couleurs et son stéréo sont
donc de la partie. On recrute James
Mason (vous trouverez un petit aperçu de sa carrière
dans la critique de CES
GARÇONS QUI VENAIENT DU BRÉSIL) pour jouer Lindenbrock,
tandis que le chanteur Pat
Boone incarne Alex. Le réalisateur est Henry
Levin, dont on considère souvent que VOYAGE AU CENTRE
DE LA TERRE est le chef-d'oeuvre. En Fantastique, on lui doit, entre
autres, LES
AMOURS ENCHANTES, co-réalisé avec George
Pal, qui transpose à l'écran les contes des frères
Grimm, ainsi qu'un médiocre LES
MILLE ET UNE NUITS, réalisé en collaboration avec
Mario Bava.
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Le récit se divise
en deux parties bien distinctes, dont la césure correspond
pratiquement au milieu du métrage. Le début du film
nous présente les personnages et nous montre la façon
dont ils découvrent l'entrée du réseau de cavernes.
Surtout, une fois arrivé en Islande, les héros sont
confrontés à quelques péripéties (enlèvement,
assassinat mystérieux d'un de leurs concurrents...) et rencontrent
des personnes de la région (Hans et Carla), qui les accompagneront
dans leur expédition. Tous ces évènements, assez
légers, nous font profiter du charme réel de l'équipe
formée par les interprètes principaux (James
Mason et Arlene
Dahl en tête) et expose soigneusement la nature des rapports
liant les personnages. Ainsi, un des enjeux du récit donne
lieu à des échanges savoureux : la belle Carla parviendra-t-elle
à faire changer les manières de vieil ours de Lindenbrock,
voire à le faire renoncer à ses habitudes et ses préjugés
de célibataire endurci ? Qui plus est, tout cela permet de
ménager un petit suspens en jouant sur l'attente des spectateurs,
légèrement impatients de voir enfin les fameuses aventures
souterraines qu'on leur a promises.

Celles-ci occupent la seconde
moitié du métrage, une fois que Lindenbrock et ses compagnons
s'enfoncent dans les galeries souterraines. Dès lors, péripéties
et découvertes, toujours plus spectaculaires, se succèdent
à un bon rythme. Le voyage se fait à travers des cavernes
de plus en plus vastes, aux décors de plus en plus étonnants,
comme les concrétions salines, la forêt pétrifiée,
le pont naturel, les champignons géants, la cité perdue...
tous reconstitués sur de vastes plateaux. La vision de la mer
intérieure, sous sa vaste voûte, fera frissonner ceux
qui ont lu le livre de Verne,
tant elle correspond immanquablement à l'image mentale que
le lecteur s'en était faite. Les rebondissements sont variés
(trahison, tempête, attaque de dinosaures, éruption volcanique...)
et sont pour la plupart servis par des trucages de toute beauté.

VOYAGE AU CENTRE DE
LA TERRE fonctionne avant tout grâce à deux éléments.
D'abord, l'interprétation pleine d'humour de Mason
en savant farfelu et arrogant, donne un entrain pétillant à
tout le film, y compris dans sa première heure, quand l'action
n'est pas d'une grande intensité. Le couple qu'il forme avec
Arlene Dahl est
plein d'un charme qui rend toujours leurs chamailleries savoureuses.
Surtout, la présence de la superbe musique de Bernard
Herrmann (PSYCHOSE
d'Alfred Hitchcock,
JASON ET LES
ARGONAUTES de Don
Chaffey...) apporte au voyage du professeur Lindenbrock une dimension
mystérieuse, magique et majestueuse (les thèmes à
la harpe, la découverte de l'Atlantide...). Malgré une
première moitié peut-être un peu lente, VOYAGE
AU CENTRE DE LA TERRE est donc un bon film d'aventures.

L'oeuvre est présentée
ici dans son format scope d'origine. Les couleurs, la définition
et la compression s'y montrent de très belle tenue. On peut
toutefois se montrer un peu plus réservé sur l'état
de la copie, qui laisse tout de même apparaître pas mal
de (petits) points blancs, ainsi qu'un grain assez apparent dans certains
plans truqués (ce qui n'est pas anormal) ou dans certaines
scènes sombres, légèrement instables. Pour un
film de 1959, c'est tout de même du très bon travail.

La bande-son anglaise est
proposée dans un format Dolby 4.0 (gauche, centre, droite et
arrière), tandis que les autres, en stéréo ou
mono, sont techniquement moins satisfaisantes (criarde, manquant de
grave...). On note toutefois que le doublage français est artistiquement
très correct. On trouve bien entendu un sous-titrage français.

La section bonus est par
contre décevante. VOYAGE AU CENTRE DE LA TERRE est réputé
comme un classique du cinéma d'aventures. On aurait donc pu
attendre d'un éditeur comme la Fox qu'il nous propose une édition
faisant honneur à ce titre prestigieux de son catalogue. On
doit se contenter d'une bande-annonce d'époque (en anglais
non sous-titré) et d'une petite featurette (sans réel
intérêt) sur la restauration du film. Dommage...

VOYAGE AU CENTRE DE
LA TERRE est donc une bonne adaptation de Jules
Verne. Porté par l'interprétation impeccable et
ironique de Mason
(pourtant ici dans un registre totalement opposé à la
gravité du capitaine Nemo), ainsi que par une composition magistrale
de Bernard Herrmann,
il se regarde comme on feuillette un bon livre d'aventures, illustré
de belles images colorées.
Emmanuel
Denis
PS
: Pour plus d'informations sur les adaptations de Jules Verne au cinéma,
il faut se reporter à l'excellent dossier réalisé
sur ce sujet par Pierre Gires dans "L'ECRAN FANTASTIQUE"
numéro 9. Le même Pierre Gires a aussi rédigé
une filmographie commentée très complète du réalisateur
Henry Levin dans "L'ECRAN FANTASTIQUE" numéro
222, au sein de son indispensable rubrique "Le Livre d'Or du Cinéma
Fantastique".
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