Header Critique : FANTOME DE L'OPERA, LE (PHANTOM OF THE OPERA)

Critique du film
LE FANTOME DE L'OPERA 1925

PHANTOM OF THE OPERA 

Au XIXème siècle, à l'Opéra de Paris, un mystérieux Fantôme menace la vie de Carlotta, la cantatrice vedette du lieu. Il exige que la jeune et belle Christine Daaé chante à la place de la cantatrice vedette...

Rupert Julian travaille comme réalisateur à partir de 1910, notamment pour la compagnie Universal. Ainsi, en 1922, il est chargé d'achever CHEVAUX DE BOIS d'Erich Von Stroheim lorsque celui-ci est chassé du tournage. En 1925, on lui confie un projet très ambitieux : l'adaptation du roman «Le fantôme de l'opéra » de l'écrivain français Gaston Leroux. Toutefois, le tournage se passe mal et Julian sera renvoyé et remplacé par Edward Sedgwick. Seul Julian sera crédité au générique. Mais sa carrière va péricliter quelques années plus tard avec l'arrivée du cinéma parlant. Rappelons qu'au début des années 20, en Allemagne, était apparue une grande vague de films très stylisés et délibérément angoissants, comme NOSFERATU LE VAMPIRE de Murnau ou LE CABINET DU DOCTEUR CALIGARI de Wiene, lesquels donnent ses premières grandes lettres de noblesse à l'horreur cinématographique. LE FANTOME DE L'OPERA a quant à lui pour vedette le célèbre comédien Lon Chaney, appelé l'"homme aux mille visages" en raison de son don pour le déguisement et le maquillage, première grande Star de l'histoire du cinéma d'épouvante.

Né de parents sourds-muets, Lon Chaney expliquait que c'est pour cette raison qu'il avait dû développer un contrôle absolu des expressions de son corps et de son visage. Il s'intéresse tôt au monde du spectacle et en 1912 commence à faire l'acteur au cinéma. En 1919, il rencontre Tod Browning avec lequel il tournera quelques uns de ses rôles les plus célèbres : notamment L'INCONNU en 1927 et LE CLUB DES TROIS. Son goût des métamorphoses et des contorsions le fait remarquer et le dirige logiquement vers un cinéma morbide et noir, voire vers le début du cinéma d'horreur américain classique, avec LE FANTOME DE L'OPERA mais aussi THE MONSTER, œuvre assez parodique dans laquelle il joue un chirurgien fou. Sa carrière s'est accélérée en 1922 quand il tient le rôle de Quasimodo dans une fastueuse adaptation Universal du NOTRE-DAME DE PARIS de Victor Hugo. Son maquillage spectaculaire et sa formidable capacité à faire passer les émotions pathétiques du malheureux bossu à travers les masques les plus épais participent au grand succès populaire de ce film. Universal décide alors de mettre en place une nouvelle histoire qui prendrait place à Paris et qui permettrait à Lon Chaney de retrouver un personnage difforme et romantique. On se tourne vers LE FANTOME DE L'OPERA. Si NOTRE-DAME DE PARIS mettait en scène le premier grand «Monstre» du cinéma hollywoodien, LE FANTOME DE L'OPERA quant à lui s'élève de quelques degrés supplémentaires dans la terreur et la violence, s'imposant comme le premier vrai grand film d'horreur du cinéma américain.

Chaney interprète Erik, un personnage défiguré et mauvais, vivant caché dans les souterrains du nouvel Opéra de Paris. Les rats sont ses seuls compagnons, les caves humide son seul refuge, la musique sa seule consolation. Le personnel du lieu le considère comme une légende et ne l'évoque qu'à voix basse. Ce Fantôme tombe amoureux fou d'une jeune et belle cantatrice, Christine Daaé. Pour assurer le succès de celle-ci, il n'hésite pas à recourir aux moyens les plus brutaux. La direction de l'Opéra ne cédant pas à ses menaçantes sommations, il déclenche la chute du grand chandelier sur le public, le soir où la concurrente de Christine fait sa première apparition dans Faust ! Amoureux passionné, il emmène la jeune Christine dans son repère secret. Conscient de sa laideur physique, il n'apparaît devant elle que masqué. Erik est alors convaincu que la force de son amour pour Christine lui permettra de racheter ses méfaits et de sortir de sa solitude ignoble. Cet espoir immense, porté par une passion grandiose et exclusive, sera cruellement trahie. Dès lors, n'ayant plus rien à perdre, déchiré par l'amertume et la déception, le Fantôme sera habité par une haine et un désir de vengeance aussi absolus que l'était sa folle passion pour Christine.

La jeune femme, de son côté, semble capable d'aimer ce Fantôme. Elle admire ses manières d'aristocrate, elle apprécie son romantisme et sa culture. La magnifique musique qu'Erik joue sur son orgue souterrain, reflet de la part tendre et belle de son âme paradoxale, émeut la cantatrice en devenir. Elle reconnaît en lui un mentor capable de mener sa carrière de chanteuse lyrique vers les plus hautes cimes de l'art lyrique. Elle apprécie aussi sans doute le mystère qui entoure cet amant masqué, reclus dans des souterrains étranges dont il est seul maître. Mais lorsqu'elle le démasque par jeu, elle est horrifiée par son visage hideux. Erik ne lui inspire plus que du dégoût et de la peur.

Nous apprécions dans LE FANTOME DE L'OPERA les somptueux et gigantesques décors construits par la compagnie Universal, que ce soit la salle de spectacle, le toit, la place de l'Opéra, ou encore les vastes souterrains où évolue Erik. La compagnie n'hésite pas à intégrer au récit une splendide séquence en Technicolor bichrome, technique alors innovante. Lors d'un bal masqué donné devant le grand escalier de l'Opéra, le Fantôme participe aux festivités en se présentant comme la Mort Rouge, venue avertir les hommes qu'ils devront payer leur superficialité et leur ignorance. Cette extraordinaire citation de la nouvelle «Le masque de la mort rouge» d'Edgar Poe est une scène inoubliable. Autres images inouïes : sur le toit de l'Opéra, le Fantôme hurle son amour désespéré aux vents de Paris ; ou encore cette fin incroyable, au cours de laquelle Erik tient en respect la foule lyncheuse avec sa seule main vide, comme pour un ultime défi à cette humanité méprisable dans laquelle lui, l'homme qui n'a pas eu peur de tuer par amour, n'a jamais eu sa place. Nous n'oublierons pas non plus de sitôt la formidable performance de Lon Chaney, usant avec adresse de ses mains de prestidigitateurs pour étrangler ses adversaires, escamoter les objets ou déposer les messages mystérieux. Son visage passe de la tendresse la plus complète à la cruauté la plus implacable, de la douleur la plus pathétique à la brutalité la plus sombre.

Ce film participe à la mise en place de la silhouette du tueur au visage masqué, invisible sous un large chapeau et caché par le col remonté d'un manteau noir. Cette formule connaîtra un vaste succès dans l'histoire des cinémas policier et d'épouvante, que ce soit avec le maniaque du Film Noir DEUX MAINS LA NUIT de Robert Siodmak, les giallos italiens de Mario Bava (SIX FEMMES POUR L'ASSASSIN) ou de Dario Argento (L'OISEAU AU PLUMAGE DE CRISTAL), ou même, plus récemment, les tueurs masqués de blanc des slashers (notamment SCREAM et sa robe à capuchon). LE FANTOME DE L'OPERA va aussi participer à la mise en place aux États-Unis du thème du monstre dangereux, solitaire et romantique. Déjà présent dans l'allemand NOSFERATU LE VAMPIRE, il est ici formulé avec beaucoup plus de netteté. Il reviendra régulièrement dans le cinéma fantastique américain, avec LA FIANCEE DE FRANKENSTEIN, LA MOMIE ou KING KONG. Mais nous le retrouverons aussi plus récemment, même dans des films très durs comme L'EVENTREUR DE NEW YORK de Lucio Fulci ou CASTLE FREAK de Stuart Gordon.

LE FANTOME DE L'OPERA est un moment fondamental de l'histoire du cinéma d'horreur puisqu'il annonce avec cinq années d'avance ces grands monstres de la compagnie Universal qui arriveront avec le cinéma parlant, tels DRACULA et FRANKENSTEIN. Il met définitivement en place l'idéal du monstre romantique dans le cinéma hollywoodien. Il étudie déjà les rapports entre le cinéma d'épouvante et l'opéra, art poussant les sentiments et les émotions à leur paroxysme, ce que n'oubliera pas un réalisateur comme Dario Argento, en particulier dans son bien nommé TERREUR A L'OPERA. Le mythe cinématographique du Fantôme de l'Opéra sera quant à lui souvent transposé à l'écran, de l'Universal (LE FANTOME DE L'OPERA avec Claude Rains en 1943) à Brian De Palma (PHANTOM OF THE PARADISE) en passant par Terence Fisher et bien d'autres réalisateurs encore.

Rédacteur : Emmanuel Denis
Photo Emmanuel Denis
Un parcours de cinéphile ma foi bien classique pour le petit Manolito, des fonds de culottes usés dans les cinémas de l'ouest parisiens à s'émerveiller devant les classiques de son temps, les Indiana Jones, Tron, Le Dragon du lac de feu, Le Secret de la pyramide... et surtout les Star Wars ! Premier Ecran fantastique à neuf ans pour Le retour du Jedi, premier Mad Movies avec Maximum Overdrive en couverture à treize ans, les vidéo clubs de quartier, les enregistrements de Canal +... Et un enthousiasme et une passion pour le cinéma fantastique sous toutes ses formes, dans toute sa diversité.
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