Header Critique : JUPITER : LE DESTIN DE L'UNIVERS (JUPITER ASCENDING)

Critique du film
JUPITER : LE DESTIN DE L’UNIVERS 2014

JUPITER ASCENDING 

Jupiter Jones (Mila Kunis) n'aime pas sa vie : elle fait partie d'une équipe de nettoyage et racle des toilettes. Mais miracle : arrive Caine (Channing Tatum), hybride homme-loup venu de l'espace, qui doit l'emmener aux confins de l‘univers. Elle est en effet celle qui va pouvoir sauver la Terre d'un destin funeste! Rencontrera-t-elle l'amour en cours de route?

Le résumé ci-dessus est un poil moqueur, certes. Mais il y a de quoi, car après les 127 minutes de JUPITER : LE DESTIN DE L'UNIVERS, vos mâchoires se seront décrochées un nombre incalculable de fois tant la vision du nouveau film de Andy et Lana Wachowski demeure un spectacle d'une connerie abyssale. Cela pose beaucoup de questions : qui chez Warner a pu penser une seule minute que ce conte de fée spatial destiné aux ados de 10-14 ans allait pouvoir fonctionner auprès du plus large public? Qui a pu donner 175 millions de dollars pour un tel caprice cosmique?

La filmographie des Wachowski a de quoi séduire. Entre un BOUND précurseur et rentre-dedans, un MATRIX révolutionnaire ou encore récemment CLOUD ATLAS d'une ambition démesurée aux confins d'une science-fiction palingénésique et cathartique, il y a de quoi faire oublier des machins comme SPEED RACER ou encore le dernier opus de la trilogie MATRIX. Ils sont tous les deux aux commandes : producteurs, scénaristes et réalisateurs. Des auteurs, donc, des vrais. Une marque de fabrique reconnaissable, une grandeur visuelle, un soin aux détails, une cartographie narrative parfois hors du commun. Las. Leur dernier oeuvre en date est un cataclysme filmique, un ratage d'une ampleur rarement égalée. Du niveau du JOUR DE LA FIN DU MONDE, HOWARD UNE NOUVELLE RACE DE HEROS ou de PLUTO NASH, pour donner une idée. Un récit bibliothèque rose pour midinettes qui rêvent d'une vie de princesse interstellaire et d'un beau héros sans peur ni reproche.

Première grossière erreur : le casting. Toute auréolée de son succès de BLACK SWAN, Mila Kunis se révèle pourtant fantastiquement mauvaise. Et ce, dès les premières minutes du film, on sent que quelque chose ne va pas aller. A chaque instant qu'elle ouvre la bouche, on se croirait dans une comédie qui va faire surgir Ashton Kutcher d'un placard ou d'un vaisseau spatial, prêt à faire prout ou à se déshabiller à l'écran. Peut-être que JUPITER s'envisage sous l'angle de la parodie ? Mais avec Kunis aux manettes du film, les Wachowski décident de la diriger comme une actrice qui joue une ouvrière maquillée par l'Oréal, même quand elle récure les chiottes. Qui plus est le scénario n'arête pas de la faire tomber du haut de grattes-ciels, de plates-formes qui s'écroulent, sur Terre, dans l'espace…. et elle gueule , en plus. Il faut également la voir à l'aube de son mariage, droite comme un piquet dans une robe blanche, aussi à l'aise qu'un chameau sur des patins à glace. L'hallu totale. Si elle ne se récupère pas une nomination aux Razzies ou ne remporte pas la palme de la meilleure actrice qui tient une balayette, Dieu n'existe vraiment pas.

Ensuite : Channing Tatum. Il sait prouver qu'il est un bon acteur : FOXCATCHER révèle ses talents. Ici, le musculeux stéroïdé arbore un faciès de veau et l'expression d'une génisse qu'on envoie à l‘abattoir. Impassible pour un rôle de chasseur intergalactique redouté et alibi romantique dans un baiser cul-cul au milieu de buildings qui s'écroulent. Même quand il patine dans le ciel avec ses bottes magiques, il ne peut faire échapper l'ensemble au ridicule le plus achevé. Pousuivons par le méchant de service, Balem : Eddie Redmayne. Un jeune acteur férocement bon dans SAVAGE GRACE ou MY WEEK WITH MARYLIN et qui vient de se voir nominé aux oscars pour UNE MERVEILLEUSE HISTOIRE DU TEMPS. Dans JUPITER, il opère une interprétation aux antipodes de son talent. Les auteurs l'ont affublé de costumes, postures et crises d'autorité surjouées. Un peu comme si Zaza Napoli s'était prise au sérieux. Etre aussi épouvantable tient du prodige. En fait, il faut avouer une chose : Les Wachowski ne savent pas diriger leurs acteurs. Et pour ceux qui s'inquiètent : Oui, Sean Bean est au générique et pour une fois, il survit.

Second problème : le scénario. Vous qui entrez dans la salle en espérant un récit de science-fiction novateur, perdez tout espoir. Une histoire simple et grossière perdue dans un océan de ramifications science-fictionnelles qui gonflent la narration de manière superflue. L'idée a de quoi séduire : les habitants de la Terre sont en fait une réserve à nourriture dont on fait une moisson de manière régulière. Ceci par des humains vivant à des années-lumières et qui se battent pour garder le marché juteux de la Terre. Une leçon anti-consumériste qui fait doucement rigoler quand on voit le budget pharaonique que le film a couté. Mais greffer des sous-intrigues inutiles, comme le frère partouzard (Douglas Booth) et la soeur Kalique (néfrétique, jouée par Tuppence Middleton) qui tente en premier de séduire JUPITER au nez et à la barbe du reste de sa famille… gonfleé à outrance, le scénario s'éparpille trop.

Le récit souhaite clairement donner un sens épique et quasi-mythologique mais échoue lamentablement dans sa mise en image. Toujours plaquée, superficielle et articulée de manière à séduire uniquement un jeune public - oubliant le reste des spectateurs. Les fans ardus des Wachowski acquis à la cause remettront peu en question l'univers présenté et la manière dont cela reste filmé et écrit. Le syndrome SPEED RACER, quoi. Et le sentiment de voir deux auteurs bénéficier d'une confiance aveugle de leurs financiers et qui sortent un joujou leur faisant plaisir. Peu importe les conséquences. Ce qui reste problématique à plus d'un égard.

Longtemps tenu au secret, le film a vu sa sortie initiale repoussée de presqu'un an. Toujours suspect de la part d'un distributeur et qui témoigne soit d'un film nécessitant un remontage ou de nouvelles scènes -ou simplement d'un studio fébrile qui n'a pas pas confiance dans le produit terminé. On sent un peu des deux éléments à la vision de certaines scènes. Un montage curieux qui laisse transparaitre des ellipses brutales - donc l'existence d'un director's cut plus long vue l‘ampleur du sujet?

S'il y a une chose à sauver du long métrage, on se dirigera vers les effets spéciaux visuels. En mettant de côte le look catastrophique et inexplicablement hilarant des aliens numériques venant tuer Jupiter Jones sur terre. Et des sortes de lézards ailés proprement risibles. L'architecture improbables des vaisseaux spatiaux renvoient à un imaginaire en droite ligne de LA GUERRE DES ETOILES - tentant l'unisson du caractère mythique de la saga made in Lucas. Décors démesurés, villes extraterrestres exubérantes, couleurs agressives, costumes délirants… les Wachowski tentent le tout pour le tout afin de donner chair et vie à leur supra-monde. En y ajoutant une louche de 3D (non native, hélas) qui parvient à donner à l'ensemble une excitation dynamique qui vaut le détour lors des scènes en plein cosmos.

Au final, JUPITER : LE DESTIN DE L'UNIVERS est une bluette SF qui coute cher non seulement à la Warner, mais aussi au spectateur de plus de 14 ans qui se risquera dans une salle de cinéma. Andy et Lana Wachowski ont accouché d'un pur navet stellaire aux proportions atomiques. Tous les clichés hollywoodiens réunis en un seul film. Même le second degré et l'humour éléphantesque ne sauront sauver ce navire amiral en perdition qui va se prendre de plein fouet le pont de l'indifférence publique et le mur de l'échec patent. La Warner doit déjà penser comment panser les plaies des pertes astronomiques qui se pointent à l'horizon.

Rédacteur : Francis Barbier
Photo Francis Barbier
Dévoreur de scènes scandinaves et nordiques - sanguinolentes ou pas -, dégustateur de bisseries italiennes finement ciselées ou grossièrement lâchées sur pellicule, amateur de films en formats larges et 70mm en tous genres, avec une louche d'horreur sociale britannique, une lampée d'Albert Pyun (avant 2000), une fourchettée de Lamberto Bava (forever) et un soupçon de David DeCoteau (quand il se bouge). Sans reprendre des plats concoctés par William Friedkin pour ne pas risquer l'indigestion.
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