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Critique du film
THE SACRAMENT 2013

 

Sam (AJ Bowen) et Jake (Joe Swanberg), deux journalistes du magazine d'investigation VICE accompagnent leur ami photographe, Patrick (Kentucker Audley), qui rend visite à sa sœur Caroline (Amy Seimez), laquelle s'est retirée à Eden Parish, une communauté religieuse située dans une contrée lointaine. Comme la jeune femme a un équilibre fragile et un passé de toxicomane, son frère la soupçonne de s'être fait embrigader dans une secte. Evidemment, cela constitue un excellent sujet d'investigation pour le magazine ce qui permet de faire d'une pierre deux coups...

Par le biais du reportage tourné en temps réel, le film suit donc les trois journalistes qui découvrent une communauté isolée au fin fond d'une forêt. Deux cent âmes qui vit en autarcie sous l'autorité d'un chef charismatique que tout le monde surnomme «Father», et dont Caroline semble être devenue le bras droit. L'endroit semble idyllique, et les personnes interviewées témoignent de la vie paisible et harmonieuse qu'ils ont trouvé à Eden Parish grâce à leur patriarche (Gene Jones). Eden Parish a d'ailleurs tout d'une communauté hippie et multiraciale basée sur les principes du socialisme, prônant la non–violence et qui semble recueillir les brebis égarées après avoir été éprouvées par tous les fléaux de notre monde moderne. Cependant l'arrivée des journalistes va perturber l'apparente ambiance paisible et religieuse pour révéler peu à peu ce qu'est en réalité Eden Parish : une secte qui terrorise ses adeptes et les retient prisonniers. Et plutôt que de voir ce qu'il a construit s'écrouler, le guide spirituel risque bien de sacrifier tous ses adeptes !

Avec THE HOUSE OF THE DEVIL, V/H/S ou encore THE INNKEEPERS, Ti West revisitait déjà les thèmes des années 70 pour les moderniser tout en nous plongeant dans de véritables ambiances angoissantes. Ce nouveau long-métrage s'inscrit, du coup, assez naturellement dans le sillon que le cinéaste creuse depuis quelques années. Occupant les postes d'acteur, réalisateur, scénariste et producteur, Ti West s'inspire d'une histoire réelle qui avait défrayé la chronique à la fin des années 70. En effet, le sujet du film renvoie directement au massacre de Jonestown, se soldant par plus de 900 morts en 1978. Dès le début de THE SACRAMENT, on peut s'inquiéter de voir Ti West utiliser la caméra en vue subjective pour illustrer un faux reportage. Si cette technique est désormais largement répandue, elle est aussi souvent synonyme de «déjà vu». Du PROJET BLAIR WITCH à [REC], les métrages utilisant ce concept cinématographique sont très nombreux et la plupart l'utilisent maladroitement au point de desservir la narration. Au contraire, elle peut aussi aider à plonger le spectateur dans le coeur de l'histoire, tout comme George A. Romero l'avait fait avec DIARY OF THE DEAD. Dans le cas présent, Ti West se hisse dans le haut du panier du genre avec THE SACRAMENT. Il nous immerge ainsi dans l'ambiance oppressante de ce huis clos au fin fond de la forêt tropicale et ce sur une durée assez courte, l'intrigue du film ne se déroulant que sur une seule journée. Ce procédé est d'ailleurs édulcoré au cours du métrage pour se recentrer autour de l'histoire et de l'issue inévitable que tout le monde connaît d'avance...

Comme dans ses précédents films, Ti West place les enjeux et présentent le contexte ce qui donne une première partie un peu lente. Mais ce préambule s'avère nécessaire à la montée crescendo de l'angoisse et ce pour mieux nous tétaniser lors de son abominable final. Paradoxalement, l'histoire se déroule tout de même assez vite et malgré une mise en place posée. Le cinéaste sait que les spectateurs connaissent d'avance le dénouement et il ne va donc pas attendre bien longtemps avant que son gourou ne prenne la décision d'un suicide collectif. Si THE SACRAMENT a d'évidents points communs avec les précédents longs-métrages de Ti West, il s'en écarte quelque peu puisqu'il ne s'agit pas vraiment, à proprement parler, d'un film d'horreur ou d'épouvante. Cela risque, peut être de dérouter une partie des spectateurs. En fait, le métrage s'inscrit plutôt dans le sillage de GUYANA LA SECTE DE L'ENFER. Le réalisateur exploite ainsi, avec un certain réalisme, un fait divers réel. La reconstitution fourmille de détail qui mène à se demander pour quelle raison le cinéaste ne cite pas explicitement les véritables noms des lieux et personnage. En effet, à la fin des années 70, une équipe de télévision de NBC s'était rendu sur place et, une partie des journalistes avaient même périe lors du massacre. Pour incarner son "Jim Jones", Ti West confie le rôle au comédien Gene Jones (hasard ou coïncidence ?). Il nous livre ici une interprétation magistrale aux côtés des autres interprètes avec lesquels le réalisateur avait déjà travaillé : Joe Swanberg (V/H/S, YOU'RE NEXT), AJ Bowen (THE HOUSE OF THE DEVIL, YOU'RE NEXT) ou encore Amy Seimez (YOU'RE NEXT). Des comédiens qui servent ici parfaitement un scénario bien ficelé et une étude des personnages savamment orchestrée.

Si nous ne sommes pas spécifiquement dans l'horreur, bien que le film dépeigne des événements horribles, THE SACRAMENT reste tout de même un film de genre réussi et abouti. Car Ti West a dynamisé un sujet largement traité auparavant sans avoir recours ni la parodie, ni au «copié collé». Il a tout simplement bien dosé tous les ingrédients nécessaires : de la narration à la mise en scène, de la psychologie des personnages à l'ambiance angoissante, le tout dans la sobriété et la simplicité. Encore une expérience cinématographique réussie qui n'a pas manqué de nous surprendre... Une nouvelle preuve pour les adeptes de Ti West que le jeune cinéaste en a encore dans son chapeau. Ses détracteurs risquent néanmoins de camper sur leur position ! Quoi qu'il en soit, le film a reçu, à juste titre, le Prix du Jury SyFy lors de l'édition 2014 du festival Fantastic'Arts à Gérardmer.

Rédacteur : Anne Barbier
22 critiques Film & Vidéo
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